[identity profile] oe-participant.livejournal.com posting in [community profile] obscur_echange
Titre : Strass, Scandale, Uniformes et Diadèmes (partie 2)
Auteur : Miss Saint-James (Participant 11)
Pour : Blue Djinn (Participant 1)
Fandom : Saga Vorkosigan
Persos/Couple : Ivan Vorpatril / Byerly Vorrutyer
Rating : On dira NC-17 pour être sûr mais c’est vraiment très soft.
Disclaimer : Tout appartient à la fantastique Lois McMaster Bujold dont j’adore certains des bouquins et sans lesquels je ne peux plus vivre.
Prompt : Ivan/By
Pauvre Ivan qui veut une vie simple et tranquille et qui est harcelé par la presse People (quelle idée stupide qu'a eu Gregor de décider que la liberté (certes relative) de la Presse était l'un des critères indispensables d'un Empire progressiste...)
Qui aurait cru qu'une simple photo même pas compromettante pouvait lancer les pires rumeurs ?
En Bonus : C'est du omegaverse. XD
Notes :
Hahaha… environ 30 000 mots…
Comment dire, j’avais tellement envie d’écrire sur cet univers et ce couple, j’avais tellement envie d’écrire sur ce prompt… Oups…
J’ai décidé de ne pas inclure l’Omegaverse, c’est un prompt en soit et ce sera sans doute pour un jour plus tard parce que qui peut dire non à de l’Omegaverse (et à se demander qui est l’alpha et qui est l’omega dans cette relation…)
Donc voilà, j’espère que ça plaira et je suis désolée pour le morcelage que ça causera à notre merveilleuse modo.
Note de la modératrice : La fic a été coupée en quatre parties pour cause de taille maximale des posts.



— Ekaterin, tu arrives juste à temps.

Olivia se leva quand elle arriva, venant lui faire la bise.

— Martya vient juste de se brancher, nous sommes toutes là.

— Mesdames, c’est donc le moment où je prends congé, déclara Dono en se levant.

— Vraiment ? demanda Kareen.

— J’ai rendez-vous avec mon cousin dans un café, sûrement pour parler de choses hautement viriles et d’une importance vitale pour l’Imperium.

— Tu aurais dû l’inviter, déclara Martya depuis l’écran holographique avant de prendre sa tasse de thé.

— Première règle, chère belle-sœur, il est interdit de parler scandale et rumeurs devant la victime ou l’instigateur.

— Promets-moi de rapporter tous les détails, dit Olivia en prenant la main de son époux.

— Me croyez-vous donc si mauvais à ce jeu que j’en ai oublié jusqu’aux stratégies les plus simples madame mon épouse ? Je n’échangerai mes information qu’à un prix…

Olivia rit d’un rire délicieux de femme mariée et heureuse et après un baiser Dono s’esquiva.

Ekaterin accepta une tasse et se servit, la dernière domestique quitta la pièce et Kareen commença.

— A quoi doit-on cette réunion cette fois-ci ? demanda-t-elle

— Je me disais que nous pourrions continuer sur le sujet, répondit la maîtresse de maison.

— Qu’y a-t-il à dire ? commenta Delia. Ivan nie catégoriquement, By se contente de sourire et de lâcher double-sens sur double-sens et il n’y a plus eu de photos depuis celles de l’Ambassade, sûrement parce qu’Ivan n’ose plus sortir de chez lui.

— Je ne pensais pas spécialement à Ivan et By, même si je suis pour que nous les enfermions ensemble jusqu’à ce qu’ils accordent leurs violons… avec doigté.

Kareen pouffa et Ekaterin l’imita tandis que Delia et Martya levaient les yeux au ciel.

— Mais, reprit la comtesse Vorrutyer, je voulais que nous parlions des conséquences de l’affaire.

Elle commença à étaler les journaux, activa un autre écran sur lequel apparut une liste d’émissions de holovid.

Les gros titres se répondaient tous : « Vor et gay ? », « Les inVortis sont-ils parmi nous ? », « Concilier l’idéal Vor et l’homosexualité ? », « De la noblesse des tantes »…

— Eh bien, j’avais remarqué qu’il y en avait quelques uns mais je ne pensais pas que c’était autant… s’étonna Delia.

— C’est vrai qu’il y a eu beaucoup d’émissions sur le sujet, ajouta Martya.

— En tous cas ça remet beaucoup en question le statut même de la noblesse, dit Ekaterin en lisant en diagonale un des articles.

— Oh, une émission avec le Major Lefebvre ! s’exclama Kareen.

— Cet homme est tellement beau ! soupira Martya.

— Je me demande où Gregor l’a trouvé ? se demanda Olivia.

— Je ne sais pas, mais Duv m’a dit que son passé avait été fouillé de fond en comble, comme celui de toute sa famille, le pauvre homme a même dû passer des tests psychologiques pour savoir comment il réagirait sous pression, informa Delia.

— En tous cas il lui a fallu bien du courage pour se déclarer comme ça en public, commenta Ekaterin.

— Oui, enfin maintenant quoi qu’il arrive il est remarqué, et vu qu’il est bon officier, intègre, et personne publique et que Gregor veut montrer l’exemple il montera vite les échelons, lui répondit Olivia.

— Oui enfin sa vie ne doit pas être facile, avoir révélé ouvertement son homosexualité c’est devoir s’attendre à ce que chaque conflit tourne à l’insulte, fit remarquer Ekaterin.

—La discrimination est un délit et vu l’importance de garder une figure de proue intouchable, je pense qu’il doit être entouré de plus d’agents de SécImp qu’un dignitaire étranger, je plains le pauvre imbécile qui osera le traiter de tante ou faire une blague dans son dos, il risque de rejoindre Zamori au Camp Permafrost…

Delia prit une gorgée de thé.

— En tous cas, intervint Kareen en soulevant l’un des journaux, les vieilles perruques s’en donnent à cœur joie.

Elle leur montra une photo du comte Vorkalloner entourée de quelques citations choisies. « Si au moins ils ne jetaient pas leurs déviances galactiques à la figure des honnêtes gens. » « Bafouer la loi naturelle conduit les empires à leur perte. » « On ne cesse de critiquer le Temps de l’Isolation, mais à cette époque là au moins on savait se conduire avec rectitude et honneur. »

— A quoi pouvait-on s’attendre d’autre ? Je me demande quelle tête à fait le vieux comte Vorpatril ? Et s’il a remarqué que les premières photos avaient été prises dans ses jardins ? dit avec amusement Martya.

—Je ne m’attendais pas à ce que l’histoire prenne une telle ampleur cependant, commenta Delia.

— Je trouve ça très bien que tout ceci tourne politique, après les déclarations du Major Lefebvre tout était retombé comme un soufflé et on aurait pu croire que Barrayar était la planète la plus égalitaire et non-discriminante du monde. Au moins la boue est maintenant visible par tous, conclut Olivia.

***

La réception battait son plein dans la Demeure Vorpinsky et By était en train de jouer les idiots un peu trop alcoolisés en esquivant les insultes qui commençaient heureusement à se faire plus rares à présent. Il avait même croisé très rapidement Ivan hier chez les Vortalas.

Bref c’était une soirée de travail tout ce qu’il y avait de plus ordinaire et il devait bien avouer qu’il s’ennuyait un peu, au moins les rumeurs sur Ivan et lui lui avaient permis de place plusieurs bons mots, d’insulter quelques comtes et leurs pères et de jeter le doute sur Henri Vortrifrani qui avait eu l’audace de rire dans son dos alors qu’il cachait de bien plus gros éléphants dans son placard.

Etrangement il n’avait pas exactement souhaité ce type de divertissement. Être convoqué dans un des petits parloirs de la Demeure et se retrouver face à Lady Alys Vorpatril ne faisait pas exactement parti de ses plans.

Il avait soigneusement veillé à remettre ses rapports et autres trouvailles par d’autres voies, après tout c’était à ça que servaient les consoles de comm sécurisées…

— Lady Alys, mes hommages.

— Arrêtez vos simagrées Vorrutyer.   

Il se contenta de sourire. La plupart du temps Lady Alys était amusée par ses commentaires, comme toute femme de la haute noblesse elle appréciait à leur juste valeur les ragots et les bon mots. Mais pas ce soir semblait-il.

— Venez vous asseoir, By.

Il obéit promptement, prenant place sur le délicat canapé tandis que Lady Alys prenait la place d’honneur dans un fauteuil aux allures de trône.

— Tout d’abord, la prochaine fois que vous penserez à couvrir les bévues d’un de vos collègues vous serez prié de faire remonter votre stratégie à votre hiérarchie avant d’entreprendre des démarches. Est-ce entendu ?

— Bien sûr, Lady Alys. Cependant je daigne vous faire remarquer que le temps était crucial alors car l’article sur Charlotte et Voristos son contact partait pour l’impression. Il était évident que je vous aurai contacté si je n’avais dû agir avec une telle précipitation…

L’expression de la grande dame se fit plus sévère encore.

— Et je vous prie de me croire lorsque j’annonce n’être aucunement responsable pour les secondes photos.

Après tout, non seulement la caméra n’était pas à lui, mais de plus les clichés avaient été remis totalement anonymement sur le bureau d’un journaliste…

— Permettez que je doute de votre parole, Vorrutyer.

— Vous me blessez milady.

— Ce n’est pas pour votre trop grande propension à l’amusement que je vous ai fait venir, Byerly.

Et comme ça elle balayait la sexualité de son fils d’un revers de la main. Parce qu’elle était sûre de son orientation ou parce qu’elle n’en avait rien à faire ? Après tout elle était amie avec la comtesse Vorkosigan et tout le monde savait qu’on pouvait arracher un Betan à Beta mais qu’on ne pouvait arracher Beta à un Betan, et encore moins à Lady Cordelia Vorkosigan. Converser avec elle, pour les rares occasions qu’il avait eues, avait été… exhilarant.

— Je vous écoute.

— Je veux savoir pourquoi votre petit scandale à commencer à soulever une tempête de sable.

— Il est en effet bizarre que tout ceci ne se soit pas encore étouffé, mais ne pensez-vous pas que c’est simplement Barrayar qui réclame ses droits ?

— Ne me prenez pas pour une idiote, Vorrutyer, vous et moi savons très bien quels types de moyens et de manigances doivent être mis en jeu pour que l’opinion publique se penche sur une nouvelle question politique. Quelqu’un est forcément derrière tout ça. Trouvez-moi qui et pourquoi.

Il se leva.

— Je vis pour servir, milady, déclara-t-il la main sur le cœur et avec un léger mouvement de tête.

— Ne partez pas si vite.

Elle se leva à son tour et prit un volume posé sur la petite table à ses côtés.

—Examinez-moi ça et dites-moi ce que votre instinct et votre expérience en pensent.

Il jeta un regard étonné sur le livre à la couverture kitch et eut un petit sourire.

***

Ivan avait fini de se cacher. Ça faisait déjà trois mois et quelques et la rumeur était morte et enterrée, il n’y avait plus d’allusion peu subtile sur sa sexualité et il pouvait respirer et arriver avec une jolie fille au bras.

Honorine Poulain, héritière des entreprises Poulain et fils et qui avait été quelque peu chevaline dans son visage avant son petit séjour sur Beta Colonie, était très occupée à parler avec ses insipides amies et Ivan était tellement ennuyé qu’il en souhaitait presque que By apparaisse pour critiquer tous les membres de l’assemblée. Heureusement pour sa réputation et la partie de lui qui n’était pas suicidaire, By avait préféré la réception des Vorsmythe à celle des Orlokoff et Ivan se demandait s’il n’avait pas raison.

De toute façon By avait pris la très bonne habitude de l’éviter ces temps-ci. Et il ne le regrettait absolument pas !

Bref il était légèrement distrait ce qui expliquait qu’il ne se rende pas compte de l’approche avant qu’il ne soit trop tard.

— Lord Vorpatril.

Oups…

Il regarda désespérément autour de lui mais les dindes étaient toujours occupées à glousser et les autres invités se fichaient éperdument de son problème.

Il se tourna et sourit.

— Major Lefebvre, comment allez-vous.

Il ne connaissait pas le Major Lefebvre, il était de l’Armée de Terre, la seule fois où il l’avait rencontré c’était à l’occasion de sa promotion très publique au château impériale après l’annonce de Gregor sur la politique antidiscriminatoire dans l’armée. Bref il lui avait dit deux mots et s’était esquivé.

Sauf que depuis son arrivée à la réception, Lefebvre essayait de lui parler. Et bien il avait réussi.

— Très bien merci, j’espère que vous et les vôtres aussi.

Bon et bien voilà qui mettait un point final à ce sujet, peut-être qu’il réussirait à lui faire parler du temps…

— Je voulais votre opinion, lord Ivan.

Et une option qui volait par la fenêtre.

— Il est bien connu que je n’ai pas d’opinion, Major, ma mère, mon pire détracteur et mon plus grand supporter seront d’accord là-dessus, d’ailleurs je crois qu’il s’agit de la même personne.

Le militaire sembla ne pas même l’entendre.

— Pensez-vous que nous devons réclamer l’égalité du mariage ?

— Hein ?

Il avait dû mal comprendre.

— Pensez-vous que nous devrions exiger d’inscrire le droit pour tous de se marier ?

Quelle question totalement stupide.

— Si quelqu’un est assez imbécilement téméraire pour se marier, je pense qu’il devrait totalement avoir le droit de faire cette erreur et de vivre pour la regretter !

Le sourire du Major était étonné mais content, il espérait juste que maintenant il allait le laisser tranquille avant que quelqu’un ne se rende compte qu’ils discutaient ensemble et que les rumeurs ne se remette à circuler sur son compte.

— Ce n’était pas vraiment un point sur lequel je vous voyais prendre une position aussi tranchée.

— Oh, j’ai une position très tranchée sur le mariage : l’éviter à tout prix, mais tout le monde à le droit d’accrocher une bombe à retardement sur sa poitrine s’il lui en vient l’envie.

— En ce cas je suis content de savoir que nous pouvons compter sur votre soutien, Lord Vorpatril, déclara Lefebvre en lui tendant la main.

Il la serra tout en se disant qu’il avait forcément fait une bêtise.

Son cerveau attendit que Lefebvre soit parti pour l’informer de l’énormité qu’il venait de dire et de quel type de mariage le major parlait.

***

Il était une heure indue du matin, et Ivan était fatigué parce qu’il avait passé la nuit à craindre les conséquences horribles et malheureuses de ces quelques mots et de cette poignée de main. Il avait finalement fini par sombrer dans un sommeil lourd et étouffant.

La sonnette n’arrêtait pas. Un moment il s’était demandé s’il ne devrait pas juste s’écraser sous un oreiller et oublier. Mais le bruit ne cessait pas, jamais. Il finit donc par s’extirper de son lit et traîner jusqu’à la porte. Il allait assassiner Lord Auditeur mon Cousin. Et il ne serait même pas désolé quand il devrait aller présenter ses condoléances à Ekaterin.

Il appuya d’un doigt rageur et assassin sur le bouton de la porte. Qui s’ouvrit pour révéler un cauchemar. Le temps qu’Ivan se pince pour tenter de se réveiller By était déjà entré dans son appartement.

— Bonjour Ivan, tu n’as pas encore fait de café ?

S’il n’était pas aussi fatigué il lui mettrait son poing dans la figure.

— Qu’est-ce que tu fais-là Byerly ?

— Il faut qu’on parle.

Il y avait quelque chose qu’il oubliait.

— Où mets-tu le café ? demanda By passé sans autre préavis dans sa cuisine pour commencer à y fouiller.

— Quelque part.

Il y avait définitivement quelque chose qu’il oubliait.

— Ah !

Ça lui était revenu !

—Est-ce que quelqu’un t’as vu entrer dans l’immeuble ? Pire, sonner à ma porte ?

By se contenta de hausser un sourcil en se tournant, le café à la main.

— Peur pour ta réputation de Don Juan, Ivan ? Ne puis-je donc pas rendre visite à un autre Vor de mes amis ?

— Pitié By, tu n’as pas d’amis.

Il mit la main à son cœur.

— Ivan, être insensible, je pensais pourtant que nous étions amis à présent.

— By tu es obligé de me prendre par surprise pour que je te laisse entrer.

— C’est juste parce que tu n’es pas un garçon facile, je ne crois pas toutes ces vilaines rumeurs, moi.

Où est-ce qu’il en était ?

— Quelqu’un t’a-t-il vu entrer ?

— Pitié Ivan, il est quelque chose comme dix heures du matin un samedi et si tu vivais avec tes autres camarades officiers dans un de ces tristes bâtiments près de chez Vormuir, je n’aurais rencontré strictement personne à cette heure indue à laquelle un honnête soldat ne devrait pas être levé… Mais puisque tu as décidé d’habiter dans un immeuble rempli de familles et de vieilles dames qui promènent leur chien et d’une femme très très curieuse qui habite juste en face de chez toi… Oh, ne t’inquiète pas, je doute que l’un d’entre eux ait pensé à prendre des photos ou connaisse le numéro d’un journaliste. Ta réputation globale est donc immaculée, celle dans ton immeuble par contre… Ah !

La cafetière s’était mise en marche et commençait à diffuser un délicieux parfum.

— By, tu me donnes mal au crâne.

— Je te dirais bien d’aller te recoucher mais il faut que nous parlions.

Il fouilla dans le frigo pour y prendre du lait et ouvrit tous ses placards jusqu’à trouver le sucre. Et sortir des gâteaux parce que Byerly était le genre de parasites qui faisait comme chez lui.

Ivan se laissa tomber sur une chaise.

— Pas de sucre, pas de lait.

By repoussa une des épaisses mèches d’ébène de son front et leva les yeux au ciel.

— Typique !

Il s’appliqua à verser le café, touiller la mixture qu’il jetait dans le sien et mettre des gâteaux sur les soucoupes avant d’apporter le tout. Il y avait toujours une extrême grâce et une délicatesse dans les gestes de Byerly, dans sa façon de marcher, dans son port de tête. Il était sûr que plus d’une femme Vor aurait tué pour avoir sa grâce et sa complexion, et sûrement aussi ses cheveux. Quel dommage que tout ça soit gâché sur By. Ou peut-être que ça ne l’était pas, après tout, il devait bien y avoir des gens qui appréciait ceux genre de choses. Peut-être le Major Lefebvre… Non, ce semblait être un homme trop carré, trop… militaire pour apprécier quelqu’un comme By qui cherchait toujours à pousser, encore et toujours juste pour obtenir une réaction…

— Te voilà bien pensif, mon cher Ivan, à moins que tu ne te sois endormi les yeux ouverts.

Ses chaises étaient toutes semblables, droites, absolument pas flexibles et légèrement inconfortables. Et pourtant By y était affalé avec art et d’un seul coup tout semblait plus mou et plus confortable.

— J’imaginais comment me débarrasser de toi.

— Si nous n’avions pas d’importants sujets à traiter j’aurais été ravi de t’entendre échafauder des plans voués à l’échec mais je suis là pour le travail et un petit problème qui nous concerne tous deux, enfin entre autre.

Bien sûr, comme si les ennuis d’il y avait trois mois n’étaient pas suffisant voilà que By venait le traîner dans de nouveaux problèmes.

— Je refuse. Je n’ai rien fait et je refuse de t’aider à quoi que ce soit.

— Crois-moi, Ivan tu ne refuseras pas longtemps de m’aider.

— Oh que si !

Il était tout à fait déterminé à ignorer By et ses requêtes. D’ailleurs il était têtu et il serait têtu là-dessus, il ne l’aiderait en rien.

Un bruit lourd et le tremblement de sa tasse le fit sursauter. Un énorme pavé venait d’atterrir, lâché par By sur la table.

— Il n’est pas vraiment vendu sous le manteau mais en librairie il n’est trouvable qu’en demandant aux vendeuses et il n’y a eu aucune publicité mais tu ne devinerais pas non seulement le nombre de copies qui circulent mais aussi le nombre d’épouses des plus rances de tous les conservateurs qui l’ont lu.

— Qu’est-ce que c’est : de la pornographie ?

Zut, il avait posé une question. La curiosité tue l’âne, Ivan ! Si tu t’approches trop tu vas tomber droit dans ses filets !

— Pas vraiment même si le livre n’est pas destiné aux enfants, d’un autre côté un pavé pareil est assez rébarbatif pour des enfants normaux.

Ivan garda ses lèvres closes. By reprit une gorgée de son café, grignota un morceau de son gâteau. Ivan continua à se taire. Et à ne pas regarder le livre.

By se leva et épousseta son pantalon, venant vers lui et poussant le livre sur la table jusqu’à le placer devant lui et prendre place derrière sa chaise.

Il ne put pas échapper à la couverture : les couleurs criardes de l’uniforme, celles pires encore de la tenue du civil, la pose totalement incongrue avec en plus le vent et le torse étrangement brillant et la silhouette de la Résidence Impériale derrière.

Le titre dans une police imitant une calligraphie fleurie s’imprimait en relief tout comme le nom de l’auteur et de la série : « Pour une danse de trop, Eloïse Vorbujold Master, Série : Le prince et l’espion. »

Il ne savait pas s’il devait demander ce que c’était ou continuer à se taire et à ignorer By…

Mais l’espion qui ne l’aimait pas et était dans son dos se pencha au-dessus de lui pour retourner le livre et lui donner accès à la couverture et la douceur légère et soyeuse de ses vêtements caressa sa peau nue parce qu’il avait oublié de passer quelque chose et qu’il était juste en caleçon et là soudain il se sentait un peu mal à l’aise avec By si proche et son corps chaud et son parfum qui devait coûter affreusement cher et qui commençait à lui faire tourner la tête.

— Le Prince Vassili est de retour, commença By en lisant et sa voix était près de son oreille et il ne s’était jamais rendu compte à quel point elle était basse et agréable, mélodique.

« Revenu sur Barrayar après avoir une fois de plus sauvé l’Impérium de ses nombreux ennemis de l’intérieur comme de l’extérieur, le plus intrépide de tous les Vors se retrouve mandaté par l’Empereur son cousin pour enquêter sur une dispute de succession.

Mais cette enquête va le remettre sur le chemin d’un vieil ennemi et pire encore, de Ty Vorrimbaud, l’espion qui lui a à de nombreuses reprises sauvé la vie et à qui il a dû tant de fois mentir pour préserver des secrets qui n’étaient pas sien. L’espion à qui il a donné son cœur sans jamais le lui dire.

Jetés dans le terrible jeu des intrigues politiques, pris tous deux dans une nouvelle course contre la montre alors que le mariage de l’Empereur approche, Vassili et Ty réussiront-ils enfin à être honnêtes l’un envers l’autre ? »

La voix éloquente de By donnait au livre dont la couverture promettait mille horreurs un certain attrait et un tout autre cachet. Mais il ne voyait toujours pas en quoi ceci pouvait les concerner.

Il faillit le dire mais opta pour se taire.

— Ce n’est pas vraiment le genre de littérature que j’apprécie mais passons, il en faut pour tous les goûts.

By se pencha à nouveau sur lui, le parfum citronné mais en même temps légèrement poivré se mélangeant au musc naturel de sa peau, ses vêtements le frôlèrent une nouvelle fois et il frissonna. Sans doute avait-il froid. Il devrait se lever et se couvrir…

By se remit à lire après avoir ouvert à une page marquée par un papier de couleur criarde elle aussi.

« Vassili n’était prince que de nom et heureusement à présent que l’Empereur Georg se mariait il resterait toute sa vie loin de la terrible responsabilité avec laquelle son cousin vivait jour après jour. Bien sûr il servait lui aussi l’Imperium, tout comme son autre cousin, Mikhaïl, le fils nain de l’Ancien Régent, mais il n’avait jamais voulu du trône. »

— Hein ?

By continua sa lecture.

« Il n’avait pas de titre, il ne serait jamais comte mais il était beau, riche et noble et même si peu savaient quels services il avait rendu à l’Imperium, les femmes se jetaient à ses pieds et sa réputation d’homme à femme n’était plus à faire.

Mais malgré tout il ne pouvait s’empêcher de regretter ces années passées en tant que chef d’une troupe de mercenaire, agissant pour les meilleurs intérêts de l’Empereur et de Barrayar là où le Service ne pouvait le faire pour de simples raisons de diplomatie. Là il avait eu la liberté, les galaxies devant lui… Et il n’en avait ramené qu’un cœur brisé. »

— Mais c’est M…

Il réussit à se taire au dernier moment, regardant By d’un air circonspect, forcé de se démonter le cou pour le voir. By était sûrement à nouveau IS-9 mais l’identité secrète de Miles était un secret qui avait été bien gardé et surtout qui ne concernait pas un civil engagé par SécImp pour surveiller les agissements et les complots de la haute noblesse.

— Oui, je sais que là ce sont les aventures de l’amiral Naismith qui ont inspiré l’auteur. Les tomes précédents donnaient de passionnants développements aux différentes aventures de l’actuel Lord Auditeur. Pas de clone cependant, je crains que l’auteur ne veuille pas créer de rival potentiel pour la romance qu’elle construit.

— Elle ?

— Nous y viendrons. Mais d’abord.

Il tourna de nouveau des pages avant de reprendre la lecture, tellement appuyé sur lui qu’il sentait la chaleur de son corps à travers le tissu

« Ty se pencha vers lui, et baissa la voix pour prendre un ton bien plus confidentiel. Vassili lutta contre les souvenirs qu’évoquaient le parfum délicat de son after-shave, la chaleur de son corps ou le timbre de cette voix qu’il avait entendu s’élever avec douceur et satisfaction dans son lit. Par les couilles de Lord Midnight ils étaient en plein milieu d’un bar rempli d’officiers ! Sur Barrayar.

Mais Ty ne continua pas à marquer le trait ou à critiquer Vorloff. Au lieu de ça il murmura, semblant ne pas se rendre compte de l’émoi qu’il créait : « Tu sais, je pense que ma cousine Lady Antonia serait très heureuse d’avoir ton soutien dans le procès à venir. Tu pourrais vraiment faire la différence. Tu as l’oreille du Lord Auditeur, de madame ta mère, de l’Empereur lui-même. Des gens importants… Rencontre Antonia au spatioport. »

— Et le prince Vassili découvre au spatioport qu’Antonia est Antonio ?

By se redressa et s’éloigna pour venir s’appuyer face à lui contre la table et Ivan n’en fut pas le moins du monde déçu.

— Tu as tout compris.

— Qui est l’auteur ?

— D’après les détails, nos experts assurent qu’elle est de Barrayar, noble sans aucun doute, elle explique la moindre des coutumes quelle fait apparaître et c’est de toute évidence l’une des raisons du succès de l’œuvre au niveau galactique.

— C’est publié ailleurs ?

— La maison d’édition qui reçoit les manuscrits est betane. Il a été impossible d’obtenir la moindre information sur l’auteur. Des demandes officielles sont malgré tout toujours en cours, mais il est difficile d’avancer quand on souhaite maintenir cachée la raison pour laquelle Barrayar s’intéresse à une bluette galactique.

— Comment a-t-elle fait pour mettre la main sur des secrets pareils, c’est du matériel classifié par SécImp même !

— Le plus étrange c’est que ce ne sont que des dossiers classés depuis des années et tous centrés autour de ton épuisant cousin, mais réarrangés pour que le héros puisse porter plus ou moins ton physique.

— Mais ça révèle que tu es un espion.

— C’est en effet l’un des problèmes. Jusque là j’ai réussi à faire étouffer tous les articles créant un parallèle entre les personnages de cette saga et nous, et je compte sur l’imbécilité des Vors refusant de penser qu’ils aient pu être dupés si facilement, mais je ne suis pas sûr que ça suffise éternellement, surtout qu’elle a promis une suite.

— Et qu’est-ce que j’ai à voir là-dedans ?

Il regretta immédiatement la question et au vu des dents blanches et brillantes de By, doublement.

— Toi, mon cher Ivan tu vas m’aider à chercher qui est responsable de ces livres.

— Je n’ai aucune compétence de ce…

— Oh que si, nos experts disent qu’elle est cultivée, elle a fait des études galactiques, sa position sur les rapports humains, ses descriptions des habitants galactiques, des spatioports, ne peuvent pas naître uniquement d’une imagination nourrie sur Barrayar. Elle est Vor et elle connaît toutes les règles d’étiquette, soit elle est de grande famille et en ce cas ce sera facile et rapide de savoir qui, car peu de Vors laissent encore leur fille faire des études, encore moins galactiques, soit elle est de petite noblesse, sûrement désargentée et elle travaille pour une grande dame, ce qui explique sa connaissance de règles que nos experts ont dû aller chercher dans des manuels remontants au Temps de l’Isolation. Ils pensent d’ailleurs qu’elle a fait des études de Littérature Comparée ou quelque chose du genre, bref, elle doit sûrement avoir un joli diplôme qui ne lui servira jamais à rien et ne la nourrira pas, ce qui explique le roman, avec lequel elle a déjà amassé une petite fortune.

Ivan hocha la tête, ils avaient sorti tout ça d’un bouquin. Qui n’était même pas un peu autobiographique puisqu’il parlait deux hommes qui baisaient, non parce qu’il avait un peu tourné les pages et il y avait des mots qu’il avait reconnu avant de refermer précipitamment l’ouvrage.

— Mais on est sûrs que c’est une femme ? Je veux dire c’est l’histoire de deux hommes…

By leva les yeux au ciel et lui tourna le dos pour se resservir du café.

Il n’arrivait pas à déterminer si les hanches de By chaloupaient ou si c’était juste un mouvement normal en marchant et pourquoi est-ce qu’il reluquait le cul de Vorrutyer ? Surtout de ce Vorrutyer ! Heureusement qu’il y avait Olivia parce qu’il pouvait à nouveau penser avec calme qu’il reluquait un cul Vorrutyer, mais pas celui de By !

— Ce genre d’histoire est statistiquement écrit par bien plus de femmes que d’hommes et sur Barrayar il est impossible qu’il soit écrit par un homme, ou alors je crois que nous l’aurions déjà trouvé.

— Parce qu’il serait plus flamboyant que toi ?

— Parce qu’il aurait déjà pris des mesures pour réparer les injustices qui sont dénoncées à longueur de livres. Les hommes sur Barrayar sont élevés pour faire, les femmes pour laisser faire et c’est un conditionnement difficile à rejeter.

Il but une gorgée de son café.

— J’essaierai de faire une présélection de nos suspectes, mais ce sera à toi de les approcher et d’établir un profil pour chacune d’elle.

— J’ai déjà un travail, s’il y a une fuite à SécImp je n’en suis pas responsable.

— Ivan, s’il le faut j’irai obtenir un ordre de la main de l’Empereur lui-même, je suis sûr de pouvoir le convaincre que tu es exactement l’homme qu’il faut pour cette mission, après tout, elle doit être stupidement énamourée de toi pour t’avoir pris comme modèle de son héros. Il est plus que possible d’ailleurs que tu l’aies déjà rencontrée.

— Au moins une chose est sûre ce n’est pas une de mes ex.

By eut un air surpris.

— Pourquoi ?

— Elle ne m’aurait pas peint sous un jour aussi flatteur.

Soit elles partaient furieuses qu’il ne s’engage pas, soit elles le laissaient gentiment tomber quand elle se rendait compte qu’il n’était pas vraiment le fringant capitaine qu’elles espéraient.

By eut un sourire, étrangement sincère.

— Félicitation, Ivan, très bien vu, et grâce à toi nous venons d’éliminer environ 50% de la population féminine de Vorbarr Sultana.

Il avait clairement l’impression que ce compliment n’en était pas vraiment un.

***

Olivia releva la tête de son article en entendant le « oh » surpris de son mari.

— Quelque chose d’intéressant ?

Dono se contenta de lui tendre la tablette et de la laisser lire.

« Scandale et émoi dans le District Vorquellec. Que fais le comte ? »

— Eh bien voilà qui promet !

«  C’est à Breizhgrad, capitale du District qu’a eu lieu hier une cérémonie qui a soulevé les passions et les réactions.

Alors qu’il y a deux semaines nous vous faisions part du mariage de Eugene Rogers, barrayaran né dans le District et citoyen de l’Imperium à Julia Walcoxx, betan et hermaphrodite vivant depuis plus de deux ans sur le sol de Notre Mère Patrie. Voilà que le même officier d’état civil : Ilitch Sergoviev a encore frappé.

Hier en effet ont été unis Lavrenty Kaminiski et Charles Pajari, tous deux résidents du Districts, tous deux Barrayarans, tous deux mâles.

Les cris et les vivats n’ont pas manqué au fur et à mesure que la nouvelle se répandait et… »

Olivia arrêta là sa lecture.

Dono la regardait avec un grand sourire.

— Voilà en tous cas qui obligera les comtes, l’opinion publique et même l’Empereur à régler la question.

— Tu es sûr que les Progressistes le seront assez pour accepter ce genre d’attaque à leur conception de la virilité ?

— Je suis à peu près sûr de pouvoir persuader Miles Vorkosigan de se ranger de mon côté, après tout, comment pourrait-il refuser à son cousin une chance de pouvoir lui aussi convoler en justes noces.

Olivia rit.

— Ivan va être vert en apprenant la nouvelle.

— Surtout quand quelqu’un lui fera remarquer que tout est de sa faute.

— Pauvre Ivan, obligé de prendre ses responsabilités…

— En ma qualité de comte je pourrai exiger d’Ivan qu’il fasse un honnête homme de mon cousin ou qu’il paye le prix de la mariée.

— Pour ça mon amour il faudrait encore que tu trouves deux témoins dignes de foi pour attester de la vertu de ton cousin. Je crains qu’Ivan ne s’en sorte sans te payer de dot pour avoir abusé de la naïveté de By.

— Tant que Vorkosigan ne vient pas me demander de forcer By à faire entrer Ivan dans la famille je pense que tout ira bien.

— Oh, Ivan est adorable.

— Oui, je m’en souviens et il se ferait dévorer par By en quelques mois.

— Je ne sais pas, il a survécu à plus de trente ans de Miles.

— Oui, en se laissant marcher dessus.

— Mais il n’était pas en couple avec Miles, ça a toujours été une relation inégale, Ivan s’en est toujours voulu d’avoir ce physique et de montrer à Miles tout ce qu’il ne pouvait pas être. C’est pour ça qu’il le laisse si facilement avoir le dernier mot. Il n’a aucune raison de se sentir coupable par rapport à By.

— Sauf s’il lui a volé sa vertu.

— Bien sûr.

***

« Les mains étaient chaudes et puissantes alors qu’elles parcouraient les muscles de son torse. Il laissa sa tête retomber sur l’oreiller et ne put retenir un gémissement. Tant d’heures, tant de jours, tant de nuits passées à rêver du retour de ces mains sur son corps.

Lorsque l’une vint caresser son visage il laissa le pouce s’introduire entre ses lèvres, le mordillant, le caressant de sa langue, le suçant. Il vit les yeux bruns s’embraser comme la braise avivée par un souffle de vent. Le pouce glissa lentement sur sa chair, dans le creux de son cou, laissant un sillage frais. Il lécha ses lèvres et regarda les yeux qui le contemplaient.

Ses mains étaient attachées aux montants du lit immense et qui avait été sûrement crée pour la débauche plus que pour le repos. Il aurait aimé pouvoir les passer dans les boucles que la passion avait rendu folles. Mais il dut se contenter de faire rouler ses hanches contre celles de son amant assis sur lui. Il réprima un gémissement mais Ty ne le put et il voyait la preuve de son désir sous le pantalon indécemment ajusté qu’il avait porté au bal des Vorfanfreluche.

— Mets fin à ce jeu, Ty. Laisse-moi te prendre dans mes bras.

— Faudra-t-il que je te bâillonne, prince Vassili ? Car je le ferai, n’en aie aucun doute.

Les ongles parfaitement manucurés de Ty passèrent sur ses épaules comme de brûlantes caresses et il frissonna. Bien sûr il pourrait forcer sur les liens et sûrement se libérer. Mais Ty était en colère, il n’avait plus confiance en lui, il avait besoin de réaffirmer qu’il n’était pas qu’un pion, qu’il était son égal.

Alors il le laissa faire et sentit les doigts glisser sous la ceinture de son pantalon, si près de son membre viril gonflé de désir. Il le regarda lécher ses lèvres roses. Il aurait juré qu’il l’avait fait exprès, qu’il souhaitait qu’il se rappelle des nombreuses fois où sa bouche s’était posée sur lui, où il l’avait accueilli à genoux comme on adore un dieu, où il l’avait laissé se répandre dans sa gorge sans en perdre une… »

La sonnette retentit et le fit sursauter, une main sur la tablette, l’autre étrangement proche de son entrejambe. Il n’arrivait pas à savoir si c’était la peur ou la honte qui l’avait fait avoir cette réaction honteuse chez un soldat de son grade.

Il se releva, il sentait ses joues lui cuire un peu et il était légèrement mal à l’aise dans son pantalon.

Il alla ouvrir la porte. Peut-être était-ce By pour lui dire où il en était de la liste de suspects potentiels.

— Ivan il y a des journalistes à l’entrée de ton immeuble. Etant donné le nombre d’officiers et leur famille qui vivent ici ils ne peuvent y pénétrer mais je crois qu’ils ont l’intention d’attendre que tu ne sortes.

Miles entra sans attendre, ses mots précédant son corps mais de très peu.

— Des journalistes ?

— Ma voiture est au parking souterrain et mes hommes d’arme se sont chargés d’éloigner les curieux, donc si tu veux partir avec moi tu pourras les éviter.

— Partir ? Où ?

— Je pense que tu voudras partir, dit-il en lui tendant un magazine.

Les photos cette fois-ci montraient By penché au-dessus d’Ivan torse nu, ses bras amoureusement portés autour de lui alors que tous deux lisaient paisiblement un livre. Elles les montraient aussi converser agréablement au petit-déjeuner, By habillé sa tasse de café à la main et Ivan toujours à moitié nu. Aucun doute possible sur leur identité. Aucun doute non plus sur le lieu, c’était son appartement !

Il ne put s’empêcher de regarder autour de lui, la caméra devait se trouver là et…

Et By était le seul à être entré chez lui.

Il se doutait que les photos étaient le fait de By. Il imaginait mal un journaliste perdre des heures de sa vie à la recherche de quelque chose qui n’existait pas, alors que c’était tout à fait dans les cordes de l’espion de manipuler la réalité pour lui donner une apparence toute autre.

— Je vais le tuer !

Miles hocha la tête, de toute évidence satisfait par la déclaration mais lui tendit un autre journal.

Cette fois-ci une photo de By assit dans un café à la mode du Caravansérail embellissait une très longue interview dont quelques citations avaient été tirées pour apparaître en encadré : « Le mariage ? Une erreur bien trop commune, ma chère. » « Je ne laisse pas les jugements des autres me définir. » « Ivan ? Voyons, un homme bien né garde les secrets qui lui sont confiés sur, sous et en travers de l’oreiller. »

— Je vais le tuer !

***

Miles ne le largua dans l’immeuble de By qu’après en avoir fait fuir les journalistes.

— Ne fais rien que je ne ferais ou regretterais.

Venant de Miles ça équivalait à une totale liberté d’action puisque son cousin ne regrettait presque jamais rien et avait déjà tout fait ou presque.

Il n’avait jamais mis les pieds chez Byerly mais il trouva sans vraiment y penser la bonne porte sur laquelle tambouriner violement. Et tambouriner il fit. Longtemps et avec plus de violence à chaque nouveau moment qui passait. La fureur grandissait en lui. Comment osait-il ? Il lui avait fait confiance. On ne pouvait pas faire confiance à By, tout était toujours pour lui un moyen de s’amuser, comme avec Dono et Richars, il était incapable de s’arrêter. Dire qu’il l’avait cru ! Dire qu’il avait lu ces fichus bouquins et…

— Ivan, je n’arrive pas à savoir pour quelle raison aucun de mes scrupuleux voisins n’a encore appelé les forces de l’ordre.

Il se retourna, la voix était venue de derrière lui.

— Oh, quoi que maintenant je comprends pourquoi mes pauvres voisins sont restés loin de ces affaires. Tu as une mine affreuse mon cher.

Il le poussa sans ménagement de l’entrée et posa sa main sur le scanner avant d’entrer son code et de passer la porte.

Il le suivit.

— Mais je t’en prie fais comme chez t…

Le coup de poing le prit sur la mâchoire légèrement en remontant, l’empêchant de finir sa phrase et de se débarrasser de sa veste vert bouteille. By partit sur le côté et manqua de s’écraser sur une console à côté de l’entrée du salon.

Une joie comme il n’en avait pas ressentie depuis longtemps le prit et il avança vers l’autre homme qui se relevait, un filet de sang au coin de la bouche.

Il lança le poing gauche cette fois-ci. Il ne vit même pas By esquiver, soudain tout l’air se vida de ses poumons et il se sentit repousser en arrière, et son estomac essaya de remonter dans ses poumons et il ne sut ce qui lui fit le plus mal, le coup ou la surprise.

Il entendit les pas sur le tapis et fut forcé de relever la tête. By avançait vers lui, essuyant d’un revers de la main et d’une moue dégoûtée le sang qui coulait de sa lèvre.

— Je dois être chez les Vortala ce soir. Est-ce que tu as la moindre idée du temps et des efforts qu’il me faudra pour cacher ça ?

By n’avait pas l’air furieux et ça avivait son envie de violence. Comment osait-il le prendre à la légère, comment osait-il lui rendre ses coups ? Comment osait-il !

Il se releva dans un beuglement, fonçant droit devant lui. By esquiva et il manqua de peu la porte vers une autre pièce mais attrapa un morceau de la manche de la veste qui se déchira dans un bruit très satisfaisant.

— Ivan ! Idiot !

Le ton de By avait monté, c’était au moins ça. Il sourit, se redressant.

— Peur des dommages que je pourrais infliger à ta garde-robe, By ?

Il le vit lever les yeux au ciel.

— Vraiment, Ivan ?

Il se moquait encore de lui. Il se lança à nouveau mais cette fois-ci feinta, entraînant By à laisser son flanc droit ouvert. Il frappa un premier coup, assez pour lui couper le souffle et l’immobiliser avant de le plaquer à terre.

Il attrapa ses mains et installa ses jambes pour peser de tout son poids sur ses cuisses, l’immobilisant. Tendu et rigide, By devint soudain relaxé et malléable contre lui.

— Et maintenant, Ivan ?

La voix de By était étrangement basse, rauque en fait et la façon dont il tournait légèrement la tête, lui montrant son cou et la veine qui y palpitait lui paraissait…

— Que vas-tu faire ? Maintenant que je suis sans forces ? Maintenant que je suis entre tes mains ? En ton pouvoir ?

Il regarda le visage sur lequel commençait à se voir le bleu, le sang avait séché à la commissure de ses lèvres, il avait les yeux à moitié cachés par ses longs cils, baissés…

Ivan se sentit mal à l’aise, la rage remplacée par une envie de vomir. Qu’est-ce qu’il faisait là ?

Soudain il se retrouva le dos au sol, le bras de By coincé très désagréablement contre sa trachée, ses cuisses immobilisées par le poids beaucoup plus conséquent qu’il ne l’aurait imaginé du Vor.

— Ivan, très cher si tout ce que tu voulais était me mettre sur le dos tu n’avais qu’à demander. J’ai un lit tu sais.

Le ton de By était glacial, son sourire était aussi coupant et faux qu’un miroir. Mais lorsque les mots le pénétrèrent soudain toute la situation, ce corps contre le sien prit un tout autre sens.

Il essaya désespérément, désordonnément de se défaire de l’emprise, de ce poids, de cette chaleur sur lui. By ne bougeait pas, la pression toujours plus forte sur sa gorge alors qu’il avait du mal à respirer. Les quelques bouffées qu’il prenait amenaient son odeur de parfum hors de prix, ses mains ne le repoussaient pas tant qu’elles glissaient sur le tissus doux de sa veste à moitié descendue de ses épaules larges et …

By n’était plus là. Il était seul, sur le sol, hors d’haleine. Il regarda le Vorrutyer s’éloigner en lui tournant le dos.

Il se releva lentement, le cœur battant, perdu dans des sensations et sentiments contradictoires. Il suivit By au salon mais il ne savait pas exactement où se mettre et encore moins quoi dire, gêné, mal à l’aise. Il n’arrivait même pas à se sentir à nouveau en colère, pas en voyant By se servir un verre et l’engloutir d’un trait, pas en constatant les ombres noires sous ses yeux, l’état légèrement froissé de ses vêtements qui signifiait que l’espion avait passé la nuit et sans doute une bonne partie de la matinée a travailler.

— Je suis désolé.

By se tourna tellement vite qu’une partie de l’autre verre qu’il venait de se servir gicla sur sa main. Pour la première fois sans doute il voyait une expression véritable, sincère et honnête sur le visage aux traits aristocratiques : la surprise.

— Si tu veux que je parte…

— Non.

Une seconde, deux secondes s’écoulèrent puis By redevint lui-même et un sourire amusé, légèrement malicieux fleurit sur ses lèvres.

— Non, surtout pas, Ivan, c’est la première fois que j’entends un Vor s’excuser, je crois que j’ai besoin d’un autre verre et sûrement d’enregistrer ce moment pour la postérité. Crois-tu que tu pourrais répéter ?

— Je vois que tu vas mieux ?

— Oh, Ivan, mon chéri, t’inquiéterais-tu pour moi ? C’est tellement touchant.

Définitivement By était redevenu lui-même. Il pénétra dans la pièce, allant s’asseoir sur une des chaises du salon.

Il regarda By aller remplir deux poches de glaçons et attrapa celle qu’il lui lança avant de venir près de lui un plateau dans les mains.

— Merci, dit-il en prenant le verre rempli sans doute d’un alcool hors de prix et assez fort pour assommer un éléphant.

— Je t’en prie.

Ils étaient étrangement retombés dans les vieilles habitudes de la politesse, By assit face à lui dans le canapé luxueux.

— Il y a des photos de nous dans les journaux. Dans mon appartement.

— Je sais, se contenta de répondre By en sirotant son verre.

— Donc tu avoues ?

— Non. Je n’ai pas pris ces photos, et ce n’est pas moi qui ai planté cet appareil dans ton appartement.

Il prit le temps de siroter encore un peu du brandy sûrement venu des meilleures plantations d’Escobar avant de reprendre.

— Ce qui en fait donc un problème de sécurité de niveau… oh juste planétaire au vu de certaines connections. Et n’oublions pas la console de comm sécurisée que tu possèdes…

By se renversa dans son fauteuil.

— Bien sûr ça signifie que j’ai dû aller me terrer dans l’arrière-salle d’un salon de beauté jusqu’à l’arrivée d’une dame de notre connaissance et sans même pouvoir avoir un soin pour visage fatigué. Mais bon, voyons la vie du bon côté, les idiots qui ont fait ça passeront de très longues et très mauvaises heures avec SécImp avant de passer de très longues et très mauvaises années dans un des recoins les plus ingrats de Barrayar… ou peut-être Sergyar.

By avait l’un des sourires cruels les plus méchants qu’il eut vu. D’un certain côté il était heureux qu’il ait choisi d’espionner du côté de l’Imperium plutôt que par exemple pour ses propres fins. Il aurait très bien joué le rôle de génie du mal manipulateur, narcissique et bipolaire. Sans doute dans un décor kitch et avec des esclaves à moitié nus à ses pieds. Et un chat.

— En tous cas mon cher Ivan, ça te laisse coincé ici jusqu’à ce que SécImp ait fait un petit nettoyage. A moins bien sûr que tu ne veuilles que je fasse appeler un taxi pour t’emmener jusqu’à la Demeure Vorkosigan… ou pourquoi pas chez Lady Alice ? Après tout, il serait irresponsable de ma part de te laisser sortir pour aller ailleurs que dans un endroit hautement sécurisé… Quoique, je suppose que Dono et Olivia pourraient t’accueillir. J’espère que les cris d’enfants ne te gênent pas…

— Ou je pourrais passer la nuit à la caserne.

— Bien sûr, si tu aimes les ronflements, les lits comme la pierre, les odeurs de pieds et les murs d’une couleur tellement insupportable qu’elle n’en mérite pas un nom, je t’en prie, fait.

Le Vorrutyer était à nouveau détendu, sa main droite bougeant pour ponctuer gracieusement ses propos comme celle d’une femme l’aurait fait. C’était étrange, le comportement de By, sa façon de bouger son corps, les moues de son visage, la cadence de ses phrases, tout était copié, ressemblait à ce qu’il avait toujours vu les femmes Vor faire. C’était la raison pour laquelle By était un objet de ridicule. Après tout des Vor sans argent, sans travail et sans carrière militaire il y en avait toujours eu, mais aucun n’avait l’audace de se comporter aussi… différemment. Mais lorsque c’était By qui le faisait ces mots, ces gestes ne sonnaient pas comme une copie, ça semblait naturel, et quelque part viril. Ou était-ce parce que maintenant il savait ? Associait-il la virilité au service de l’Imperium ? Si c’était le cas qu’est-ce que ça disait de sa mère ? Et donc forcément de lui puisqu’il avait assez de connaissances de la psychologie pour savoir que tout commençait et finissait là…

Byerly le regardait avec un air amusé.

— Je n’arrive pas à déterminer si j’ai vu un grand vide ou au contraire un flux ininterrompu de pensées passer derrière tes beaux yeux bruns, mon cher Ivan.

— Et l’interview ? Je crois que c’était sur, sous et en travers de l’oreiller.

Les yeux bruns brillèrent, presque ambrés comme le cognac et il regarda la langue de By passer lentement sur ses lèvres.

— Vraiment Ivan, je ne te savais pas aussi aventureux…

Puis il retrouva son sérieux.

— Les rumeurs et propositions d’articles sur Le Prince et l’Espion commencent à s’amonceler et il fallait bien que j’offre quelque chose en contrepartie… Je trouve que c’est assez peu cher payé. Bon bien sûr le fait que ça ait correspondu avec les photos risque de relancer beaucoup de conversations, mais puisque tu y as survécu une fois…

By bâilla.

— Pardon, dit-il d’un ton presque surpris. Je crains qu’il ne commence à se faire tard pour moi.

Il se leva et prit une tablette.

— Voici la liste préliminaire, Lady Alys a déjà fait un premier tri mais il serait bon que tu continues à séparer le bon grain de l’ivraie. Je serais réveillé dans…

Il jeta un coup d’œil à l’horloge monumentale et antique qui portait l’écu des Vorrutyer.

— Trois heures à peu près. En attendant, fais comme chez toi.

Et sur ce il partit vers sa chambre, le laissant seul avec le tic-tac régulier. Lui faisait-il confiance pour ne pas fouiller ou est-ce qu’il ne gardait rien de valeur ici tout comme il semblait toujours cacher ce qu’il ressentait et qui il était vraiment ?



Partie 1
Partie 2
Partie 3
Partie 4
Partie 5
If you don't have an account you can create one now.
HTML doesn't work in the subject.
More info about formatting

Profile

obscur_echange: (Default)
Communauté d'échange de fanworks sur les fandoms rares en français

June 2025

S M T W T F S
12 3 4 56 7
8 9 101112 1314
15161718192021
22232425262728
2930     

Most Popular Tags

Style Credit

Expand Cut Tags

No cut tags
Page generated Jun. 14th, 2025 12:39 am
Powered by Dreamwidth Studios