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Titre : Strass, Scandale, Uniformes et Diadèmes (partie 3)
Auteur : Miss Saint-James (Participant 11)
Pour : Blue Djinn (Participant 1)
Fandom : Saga Vorkosigan
Persos/Couple : Ivan Vorpatril / Byerly Vorrutyer
Rating : On dira NC-17 pour être sûr mais c’est vraiment très soft.
Disclaimer : Tout appartient à la fantastique Lois McMaster Bujold dont j’adore certains des bouquins et sans lesquels je ne peux plus vivre.
Prompt : Ivan/By
Pauvre Ivan qui veut une vie simple et tranquille et qui est harcelé par la presse People (quelle idée stupide qu'a eu Gregor de décider que la liberté (certes relative) de la Presse était l'un des critères indispensables d'un Empire progressiste...)
Qui aurait cru qu'une simple photo même pas compromettante pouvait lancer les pires rumeurs ?
En Bonus : C'est du omegaverse. XD
Notes : (voir autres posts)
Note de la modératrice : La fic a été coupée en cinq parties pour cause de taille maximale des posts.
Exactement trois heures plus tard il commença à entendre du bruit dans le grand appartement vide. Il avait fini de passer et repasser la liste une heure plus tôt et depuis il avait erré de pièce en pièce, un peu coupable, très silencieux, juste un peu intimidé, essayant de comprendre Byerly à travers les objets hétéroclites et contradictoires qui peuplaient l’appartement.
Le salon aurait très bien pu avoir sa place dans la Demeure Vorrutyer, empli d’antiquités de bon goût et en parfait état. La pièce attenante par contre qui avait d’immenses fenêtres des deux côtés de l’immeuble était étrangement moderne, avec ce qu’il imaginait être des instruments de musique puisque même sans cordes la chose dans le coin ressemblait à une harpe. Ce qui rendait plus incongru et imposant encore l’énorme piano en bois ouvragé qui trônait au centre. La cuisine était résolument moderne sans même ces panneaux de bois qui essayaient de la camoufler et lui donner un aspect plus vieilli. La salle à manger était une antiquité elle aussi et chaque meuble portait le sceau des Vorrutyer. La salle de bain… Bref il ne s’était pas attardé. Il avait regardé les quelques portraits et holos placés dans le salon : Dono et Olivia à leur mariage, Pierre et Aurélia Vorrutyer avec leur oncle By, un homme sec et émacié debout devant un bureau empli de livres, une femme fragile au sourire doux regardant le coucher de soleil.
— Si tu veux voir ma chambre, Ivan c’est maintenant, enfin si tu veux la voir seul j’entends.
Comment est-ce qu’il savait ? Il était revenu sur son siège et à sa position devant la tablette et il avait veillé à tout remettre en place.
Il releva les yeux, irrité. Il n’aurait pas dû.
By sortait de la douche et était en train d’essuyer ses cheveux. Torse nu. Il y avait des gouttes qui accrochaient encore à sa peau. By n’aurait pas dû avoir autant de muscles. Au moins il n’avait pas de poils sur la poitrine. Non, en fait c’était perturbant. Il aurait mieux valu qu’il ait du poil sur le torse. Il avait l’habitude du poil au torse. Il avait l’habitude de voir des hommes se changer. Il était militaire (à un bureau) mais militaire quand même. C’était définitivement l’épilation qui le perturbait. A moins que ce soit naturel. Et comment avait-il eu tous ces muscles ? Il semblait tellement plus… massif.
By tourna la tablette et regarda la liste modifiée.
Il était juste à côté de lui et non seulement il sentait sa peau encore chaude et humide de la douche mais aussi l’odeur enivrante de son savon et de son after-shave et il voyait la peau rose de si près et les lignes fermes de ses épaules et sa mâchoire et la courbe gracieuse de son cou et ses boucles alourdies par l’humidité et brillantes.
Il avait trop chaud. Il était très mal à l’aise et il avait besoin de partir très vite. S’il y avait une chose dont il était sûr c’était que rester plus longtemps à côté de By était une mauvaise idée. Une très mauvaise idée. La pire idée qui soit. Jamais il n’avait été autant en danger que là et il était même près à s’enfermer dans un endroit clos avec le bruit de la mer qui montait tant que By n’était pas à côté de lui en train d’essayer de le faire tomber dans le pire des pièges de sa vie.
Okay, il allait reculer sa chaise et s’éloigner et demander asile chez Miles et il ne parlerait plus à By que par console de comm interposée. Oui il allait le faire. Maintenant. Et il allait retenir sa respiration aussi. Parce que l’odeur qui se dégageait de la peau fraîche et nue lui faisait tourner la tête. Oui. Il allait le faire.
— Regina Vortala ? Vraiment ? Avant ou après son opération ?
By le regardait, ce sourire amusé et insupportable aux lèvres, si près. Il déglutit, incapable de répondre, la gorge sèche.
— Avant donc ? Et bien Ivan, je savais que la cavalerie était dans le sang mais quand même pas à ce point…
By retourna à la liste et il put retrouver son souffle.
Il n’arrivait pas à comprendre. By flirtait avec tout ce qui se présentait et avait assez de cerveau pour le comprendre, il le savait, il en avait été témoin à maintes reprises. By était intelligent. Il savait lire les signes, tout comme Ivan, il avait joué le jeu de la séduction assez longtemps. Et tout à l’heure… Tout à l’heure By avait juste à l’embrasser et il serait tombé dans son lit, aussi simple que ça.
Alors pourquoi ne l’avait-il pas fait ?
En fait il n’avait aucune idée de s’il lui plaisait.
La révélation fut comme un choc. Non seulement il avait jusqu’à présent toujours plu, mais en plus il n’avait aucune idée de ce que By cherchait. Il savait ce que recherchaient les femmes Vor, ce que leur éducation et la société leur avait appris à voir comme traits désirables. Mais il n’avait aucune idée de ce qui pouvait motiver quelqu’un comme By, voire même de ce qui pouvait motiver un homosexuel, quel qu’il soit. Il ne s’était jamais véritablement posé la question.
— Ivan, je te parle !
By avait pris son menton entre ses doigts et le regardait de très voire beaucoup trop près.
— Je… Je…
— Epargne ta salive et dis-moi si tu es sûr d’être sorti avec Zina Vorgood.
Il cligna des yeux.
— Oui je suis sûr. Nous avons même été faire un tour en lightflyer jusqu’à Hassadar.
— Zut, son père est un haut gradé au moins ça expliquait comment elle pouvait avoir eu accès aux informations…
— By, ce n’est pas la peine de vérifier, je me souviens encore des femmes avec qui je suis sorti.
— Vraiment ? Quelle mémoire prodigieuse mon cher Ivan, je te félicite.
C’était bien sûr ironique et By était en train de continuer à lire. Ivan soupira et se laissa tomber contre le dossier de la chaise. Bien sûr Byerly n’était toujours pas habillé et la lumière jouait sur ses muscles et se cheveux étaient en train de sécher et de boucler plus encore, épais et lustrés, encore plus noirs sur sa peau tellement blanche. Une peau sans défaut et qui semblait si douce…
— Bon.
By reposa la tablette et s’étira et la lumière accrocha ses tétons et Ivan se sentit rougir exactement comme s’il avait vu les seins d’une femme, sauf que c’était un homme et c’était totalement normal de voir un homme torse nu, et un torse ça avait des tétons et…
— Il reste environ une douzaine de noms, voyons voir ce que nous trouvons sur ces demoiselles.
Ivan tourna la tête, rouge, gêné et luttant contre le désir qui montait en lui.
— Café ?
— Euh oui, s’il te plait.
Et s’il pouvait se rhabiller ce serait juste la cerise sur le gâteau.
— Pendant ce temps écris-moi tout ce que tu sais sur les jeunes femmes restantes.
Une diversion, une excellente idée. Ivan se lança dedans avec un enthousiasme démesuré et en ignorant soigneusement le fait qu’il jetait des coups d’œil discrets aux fesses de By allant vers la cuisine moulées dans un caleçon noir sur sa peau d’ivoire.
Définitivement il fallait qu’il fuie.
Dès qu’il aurait fini cette liste.
***
Byerly hésita un instant. Continuer à parader à moitié nu ou mettre Ivan à l’aise ? Le voir perdre sa concentration, regarder son corps était amusant et plus que flatteur en plus de juste un peu dangereux mais ils avaient un lourd problème sur les bras et Lady Alys allait véritablement finir par glisser quelques mots à l’oreille d’Illyan, veiller à ce qu’ils y restent assez longtemps pour parvenir jusqu’à Allegre et alors il serait en partance pour le trou le plus paumé de l’univers : le Continent Sud ou peut-être Sergyar…
Oui, pour une fois il valait mieux errer du côté de la préservation. Le pire était de penser qu’il lui faudrait attendre un très long moment avant de pouvoir recommencer à jouer avec Ivan. En combien de temps un scandale pareil pourrait-il se calmer ?
S’il jouait bien ses cartes…
Il lança le café et se rendit vers sa chambre tout en réfléchissant à comment éclipser assez sa supposée liaison avec Ivan pour pouvoir le fréquenter à nouveau. Taquiner Ivan était toujours drôle et lui au moins comprenait ses remarques. Et ne s’offusquait pas. Franchement, certains Vor auraient péri très vite s’ils avaient vécu au Temps de l’Isolation à prendre la mouche pour un rien.
Et Ivan savait qui il était. Non seulement ça pouvait faciliter son travail puisqu’il pouvait aisément passer des messages à sa mère et qu’il avait un haut niveau de sécurité, mais en plus ça lui permettait nombre de double sens.
Il ne niait pas que ça avait… crée un lien ? Ce n’était pas exactement ça, il n’avait aucune idée de ce qu’Ivan pensait de lui quand il était sobre et pas en train de rire à ses remarques, il savait que le capitaine continuait à essayer de l’éviter comme la peste ce qui rendait la chasse d’autant plus savoureuse et amusante. Mais de son côté, il y avait une certaine facilité auprès d’Ivan, parfois il laissait tomber le masque, il n’était pas sûr qu’Ivan s’en apercevait mais parfois il se contentait d’être lui-même, pas seulement le bouffon de la haute noblesse là pour faire rire aux dépends de tous et animer les conversations.
Oh, bien sûr il flirtait avec Ivan, c’était tellement drôle, mais il n’y avait aucun risque. Ivan était trop… trop Ivan pour se mettre à questionner une sexualité sûrement plaisante et surtout sans embûche ni complications. Et puis il ne tenait pas à faire face à la fureur de Lady Alys si ça finissait par revenir à ses oreilles.
Il passa une chemise et un pantalon, il était encore trop tôt pour s’habiller pour la soirée chez les Vortala. Il jeta un coup d’œil au miroir. La crème avait fait effet et il pourrait aisément camoufler le bleu sur sa mâchoire et sa joue, sa lèvre était en train de cicatriser.
Il se détourna et commença à boutonner la chemise, revenant vers la salle à manger et Ivan en train de travailler. Il fit un crochet par la cuisine, remplit deux tasses et revint.
Il se pencha au-dessus du militaire pour activer l’option holo de la tablette et s’assit sur la chaise la plus proche.
— Bien voyons voir…
Ivan frémit et une rougeur sembla se propager sur son visage. By retint un sourire.
— Marianne Vorrivers, fille de l’amiral Vorrivers et de l’ancienne attachée culturelle de l’ambassade betane. J’aurais pensé qu’elle serait dans l’autre liste.
Il lança à Ivan un regard interrogateur. Le capitaine se contenta de hausser les épaules.
— Elle est beaucoup trop… enfin pas assez…
— Quoi Ivan ? Trop « galactique » ? Elle ne joue pas assez les vierges Vor faibles et timides ?
Ivan eut une moue d’hésitation, d’un peu de colère et de gêne.
— Elle n’est pas vraiment ce que je cherche chez une femme.
Bien sûr, Ivan comme la plupart des mâles Vor cherchait une compagne féminine, d’apparence frêle et douce mais à qui on demandait de pouvoir faire face à une guerre et en revenir avec une tête dans un sac… Le concept de la femme Vor était au moins aussi incompréhensible et contradictoire que celui de l’homme.
— L’accès à un éditeur au vu des contacts que sa mère doit encore avoir est assez aisé. Par contre je n’ai aucune idée de comment elle aurait pu mettre la main sur des faits comme ceux-ci… Son père pourrait y avoir accès mais il est sans cesse au loin. Et depuis son mariage à Emil Givorsky elle est uniquement centrée sur leur projet de terraforming du Continent Sud.
Il déplaça le fichier après avoir noté tout ceci.
— Elle n’est même pas à Vorbarr Sultana, ajouta Ivan, elle a promis de ne plus y mettre les pieds tant que la Société des Géobiologistes continuerait à refuser sa candidature au poste de secrétaire.
— Une information passionnante et que j’ignorais.
— J’ai entendu Ekaterin s’en plaindre à Miles, c’est tout.
— C’est toujours ça de pris, au moins nous savons qu’elle est en colère, même si je doute que la Société des Géobiologistes soit très affectée par la publication du Prince et l’Espion.
Il rajouta une note au dossier avant de le renvoyer dans un coin.
— Passons à la suivante.
Une nouvelle photo s’ouvrit.
— Elinor Vorchaucer, fille de Thomas Vorchaucer et son épouse, fonctionnaires tous deux de second rang dans le District Vordarian.
— Jamais vue, lança Ivan.
— Raison de plus mon cher Ivan car elle a sûrement dû te voir et je ne doute pas que de loin tes qualités soient amplement magnifiées. Mademoiselle Vorchaucer a gagné une bourse pour étudier un an la littérature comparée sur Beta. Elle est revenue il y a deux ans et depuis travaille comme gouvernante chez le comte Vorwells.
— Vorwells est un reclus qui ne sort de son District que si il ’y a un mandat Impérial devant lui.
— Certes. Suivante.
Il écrivit et renvoya le dossier dans un coin.
— Irene Constantin, fille de Théodore Constantin, magnat de l’industrie lourde et de son épouse Illythia Constantin née Vortapoulos. Irene a fait ses études dans un pensionnat sur Terre pour plus de prestige familial. Elle est revenue il y a environ un an et depuis chasse le mari et semble avoir mis le grappin sur Oliver Vorsmythe, neveu du comte et à présent commandant.
— Irene est très engagée dans le Parti Progressiste, quand Tante Cordelia était de retour je l’ai vu très souvent. Je crois qu’elle participe au projet de Miles pour reformer le corps auxiliaire et donner aux femmes le droit de servir comme les hommes.
By haussa un sourcil.
— Voilà qui va faire avaler plus d’une barbe si le projet vient à bout. En tous cas elle est motivée et clairement pleine d’idées subversives. Reste le problème de la fuite, Vorsmythe n’est pas encore assez haut placé mais elle peut avoir d’autres contacts que nous ignorons dans l’armée.
— Des femmes dans le Service… Franchement… maugréa Ivan.
— Je croyais que toi entre tous saurait tout du courage des femmes, après tout est-ce que Lady Alys ne t’a pas mis au monde en pleine Guerre des Prétendants ?
— Raison de plus, dans quelques générations nous serons tous obsolètes, il n’y a qu’à voir les femmes dont Miles s’entourait pour comprendre que les femmes sont sacrément effrayantes.
— Ivan très cher, ce type de discours va finir par me faire douter de ta réputation de séducteur, n’est-ce pas quand la femme est le plus difficile à conquérir que plus douce est la conquête.
— Je préfère faire la conquête et non être conquis.
Il eut un petit rire.
— Je commence à comprendre pourquoi toutes ces femmes ne font que défiler à ton bras mon cher. Ne t’est-il jamais venu à l’idée que l’on pouvait être tour à tour conquérant et conquis ? Je commence à soupçonner que beaucoup ont déjà du te dire « ce n’est pas toi c’est moi ».
— C’est ce que toutes les femmes disent, répliqua Ivan un peu plus droit, un peu plus drapé dans sa dignité, un peu plus fermé.
— Ivan, Ivan, Ivan, c’est ce qu’elles disent quand le problème vient clairement de toi et de ton attitude et qu’elles savent qu’elles ne t’en feront pas changer. Mais passons sur tes échecs amoureux. Douchka Vorthys fille de Roger Vorthys et de son épouse, fonctionnaires dans le District Vorthys. Douchka a bénéficié d’une bourse d’un an pour étudier la sociologie sur Beta il y a trois ans. Elle travaille à présent comme secrétaire de Lady Rose Vorlatur, mère du nouveau comte Vorlatur.
— Mobile ?
— Rien, c’est une jeune fille discrète qui semble contente de son travail.
— Connections ?
— Aucunes. En plus en ce moment Lady Rose semble avoir enfin décidé de faire vœu de chasteté.
— Je ne serais pas si sûr, je suis persuadé que je l’ai vu en position sans équivoque au dernier bal des Vorstamos.
— Intéressant. Une idée de qui ?
— Non.
— Je me renseignerai. Suivante. Isadora Lyokoff, fille de Henri Lyokoff et de son épouse Zunia Vorbretten, a passé quelques années chez sa tante ambassadrice dans l’empire Cetagandan. Fiancée au capitaine François Vortalan.
— Donc qui peut avoir les connections. Mais pas de mobile apparent.
— Aucun. D’autres informations ?
— Très imbue d’elle-même mais je crains que ça n’apporte rien à l’enquête.
— Donc, si elle était l’auteur elle voudrait que ça se sache, elle aurait peut-être laissé des indices. J’ai lu les livres de fond en comble, tous les noms sont retouchés et à part quelques très grandes figures politiques impossibles à méconnaître, il n’y a même pas de persifflages ou de règlement de compte… quoi que…
By réfléchit. Il y avait bien une scène dans Pour une danse de trop qui lui avait toujours paru un peu longue et inutile dans laquelle Vassili sauvait une jeune fille de vils commérages et il y avait une certaine insistance sur chacune d’entre elles…
Il se tourna pour aller prendre la copie du livre posée sur sa table de nuit et couverte d’annotations, il feuilleta rapidement jusqu’à trouver la bonne page.
« Ty était parti. Vassili détourna les yeux, bombant le torse, souriant malgré la douleur qui était comme un poids sur tous ses membres. Il fallait continuer à faire bonne figure, il ne pouvait pas laisser voir ses émotions, il était là en représentant de Sa Majesté Impériale, il avait un rang à tenir.
Un serveur passa et il attrapa un verre, le finissant avant même que l’homme ait le temps de pouvoir s’en aller. C’est alors que son œil fut attiré par un amoncellement de couleurs. Ce n’avait rien d’extraordinaire à un bal où chaque jeune fille et chaque femme faisait étalage de sa beauté pour attirer un bon parti ou faire état de la chance qu’avait celui qui l’avait épousé. Mais malgré tout la scène le perturbait.
Il s’approcha donc et comprit enfin lorsqu’il se rendit compte que le cercle de robes vaporeuses et colorées s’était de toute évidence refermé autour d’une pauvre proie.
« Si tu crois que je ne t’ai pas vu flirter avec mon fiancé tu te trompes ! siffla d’une voix désagréable Madeline Vorlaclos, une débutante aux cheveux couleur de nuit et à la peau blanche comme le lait qui de ses yeux bleus comme les glaciers des hauts Monts Dendarii avait séduit tout Vorbarr Sultana.
— Mais je… »
La pauvre jeune fille qui essayait de parler se fit immédiatement interrompre.
« Je ne comprends même pas qu’on t’ait laissé entrer, déclara Phillipa Vorchénier en rejetant une mèche des beaux cheveux blonds qui lui avait valu la réputation d’Ange du Sud.
— Les Vorronsard sont bien généreux d’accueillir quelqu’un comme toi ici, ajouta Caroline Vorlizt de sa voix mélodieuse.
— Oh, ils l’auront pris en pitié, continua Victoria Vormanet de derrière son éventail noir qui faisait ressortir encore plus ses superbes yeux violets.
— Allons, mesdemoiselles, un peu de compassion, tout le monde ne peut pas concilier, la beauté, l’élégance et la richesse, conclut Gloria Vorwilde, l’aînée de ce petit groupe.
— Heureusement, elle est comme les juments de mon oncle, elle a un excellent pédigrée et de très grands nasaux, se moqua Madeline. »
C’en était trop, Vassili s’avança et, faisant claquer ses bottes sur le marbre fit se retourner les jeunes filles dont les yeux vinrent caresser le bleu et l’or de son uniforme et les lignes droites de sa mâchoire.
Il ne leur prêta aucune attention, se rendant jusqu’à la jeune fille aux yeux gros de larmes.
« Mademoiselle Vorbalzac, il me semble que c’est notre danse. »
Et il emporta la jeune fille. »
By reposa le livre sur la table.
— C’est là. Tu lui a sûrement sauvé la mise lors d’un bal, ce qui explique l’admiration démesurée qu’elle te porte.
— Si c’est le cas je n’en ai aucun souvenir. Ma mère m’a assez envoyé sauver des pauvres filles en détresse et autres filles faisant tapisserie pour que ce ne soit pas vraiment impérissable.
— Pour elle ça l’a été. Tu es devenu son chevalier blanc, son prince charmant…
— Qui couche avec un autre homme et ça c’est bizarre.
— Ce n’est pas le plus important, déclara-t-il en repoussant l’argument d’une main.
Ivan maugréa dans sa barbe mais il l’ignora.
— Nous avons appris deux choses : d’abord elle a été marginalisée, soit par sa naissance soit par le manque d’argent. De deux choses l’une, soit elle est Vor mais d’une famille sans les moyens de véritablement lui payer une Saison pour trouver un riche mari, soit elle est riche mais aucunement Vor. Et justement, le deuxième indice c’est qu’elle a été Présentée la même année que quatre autres jeunes filles Vor qu’elle a assez bien détaillé pour qu’il soit possible de les reconnaître.
— Vraiment ? N’est-ce pas juste une invention ?
— Non, c’est une revanche, elle expose leur méchanceté au grand jour et leur montre qu’à la fin c’est elle qui a gagné.
— Oui, enfin si l’une d’entre elles sait qui est l’auteur le scandale éclatera, aucune femme Vor comme il faut n’écrirait ce genre de livre.
— Pourquoi ?
— Et bien…
Ivan semblait un peu perdu, les joues rouges.
— Et bien je suis sûr qu’aucun des membres de sa famille ne pourrait s’imaginer qu’elle écrit des scènes aussi explicites et descriptives de sexe entre hommes.
Il avait tout dit d’une traite et ses yeux fuyaient immanquablement le pavé posé devant lui.
— Ivan, tu sais que si tu veux les autres tomes de la série il te suffira de me les demander… lança-t-il, joueur et amusé.
— Une femme comme il faut ne passe pas son temps à penser à des hommes en train de… en train de faire l’amour.
— Et pourquoi non ? Après tout, il me semble que beaucoup d’hommes passent leur temps à penser à des femmes en train de faire l’amour, même si pas forcément entre elles. Pourquoi n’aurait-elle pas droit à une réciproque ?
— Parce que ce n’est pas un comportement correct.
Il se contenta de lever un sourcil et Ivan prit sa tête entre ses mains avant de la laisser tomber sur la table.
— Je ne comprends pas l’intérêt, si au moins le prince Vassili finissait avec la jeune fille, mais qu’y trouve-t-elle s’il finit avec cet espion ? Quel plaisir une femme peut-elle avoir à imaginer deux hommes ensemble ? Ce n’est même pas la même anatomie !
— Et alors ? Crois-tu que les caresses d’une femme soient différentes des caresses d’un homme ? Que la bouche d’un homme soit plus différente ? Le plaisir n’a pas de sexe, tout comme le désir et il y a autant de plaisir à avoir dans un cas comme dans l’autre.
Ivan le dévisageait, clignant des yeux, empourpré.
— Tu… Tu l’as fait avec des femmes et des hommes ?
Sa voix était rauque et il passa sa langue sur ses lèvres, mais ses yeux bruns, eux étaient fixés sur lui, comme cloués.
— Et j’ai aussi eu une relation avec un hermaphrodite lors de mes études. J’avoue avoir une préférence pour la forme mâle et pour certains traits de comportement qui sur Barrayar sont associés à la virilité, mais peut-être que si j’avais poursuivi mes études sur Beta serais-je resté dans une relation avec une femme, certaines betanes sont fascinantes.
Il regarda le large torse d’Ivan se soulever plus vite et eut un sourire amusé.
— Mais trêve de souvenirs, je demanderai à Dono et à Lady Alys de m’aider à retrouver l’année où une… beauté à la peau blanche, aux cheveux noirs et aux yeux bleus à été la Débutante la plus remarquée et même temps qu’une blonde appelée l’Ange du Sud, qu’une jeune fille à la voix mélodieuse qui devait surement porter un surnom ridicule tel que le Rossignol de Voruntel et une jeune fille aux yeux violets. Quand nous saurons en quelle année elles furent Présentées nous tiendrons le nom de notre auteur.
Oui, ça pourrait marcher, Dono serait ravi de replonger dans ses souvenirs et de partager quelques piques et ragots et Lady Alys serait heureuse de voir avancer l’enquête. Et il ne parlait même pas de sa hiérarchie.
— By ?
Il se tourna un oui sur les lèvres.
La bouche d’Ivan s’écrasa contre la sienne, les mains du capitaine glissèrent sur son cou en une caresse qui le fit frissonner jusqu’à se poser sur son visage. Le baiser se fit plus appuyé et il sentit la langue passer doucement sur ses lèvres, entre ses lèvres, l’amenant à la laisser pénétrer, à goûter le plaisir de ses caresses, à la poursuivre de la sienne pour venir à son tour taquiner sa bouche, commençant une ronde de plaisirs et de faveurs qui réveillait son désir.
Une main glissa dans ses cheveux, les doigts s’emmêlant dans ses boucles pendant que l’autre descendait le long de son torse, jusqu’à faire le tour de sa taille et se poser au creux de ses reins. Il était à présent pressé contre le torse d’Ivan et il empoigna le tissu de sa tunique, l’embrassant avec plus de force et de profondeur, le sentant gémir sous l’assaut soudain.
Quand il le lâcha ils respiraient tous deux avec plus de difficultés et il ressentit immédiatement le besoin de se rapprocher à nouveau, de l’attirer à lui pour reprendre leurs baisers, de laisser ses mains le délester de ses vêtements et parcourir son corps et…
Il pencha légèrement la tête et passa la langue sur ses lèvres qui devaient être rouges.
— Alors, Ivan, prêt à visiter ma chambre à présent ?
Il avait pris sa voix la plus maniérée et il battit des cils. Le capitaine ne répondit pas. Il prit sa main et la posa contre son cœur. Le rythme était trop rapide, irrégulier.
— Je veux t’embrasser encore. Mais je ne crois pas que je suis encore prêt à aller plus loin.
Ce n’était pas la réponse qu’il attendait, il avait anticipé un cri et un départ précipité, pas ce sérieux et ces yeux bruns, graves et décidés plantés dans les siens.
Il retourna sa main et entrelaça leurs doigts avant de baisser la tête pour l’embrasser. C’était stupide, un risque inutile, il était sûr d’échouer, ce ne serait qu’une passade pour Ivan, pour l’heure il croyait que c’était sérieux mais ça lui passerait. Mais quand avait-il été capable de résister à une action insensée et d’éclat comme celle-là ?
— Alors pour l’instant nous n’irons pas plus loin.
***
Ivan était étrangement peu perturbé. Il s’attendait encore à tout moment à avoir une crise aigue d’horreur ou d’angoisse ou de stress mais non. Il se sentait normal, voire même mieux que d’habitude parce qu’il souriait dès qu’il repensait à By. Ce n’était clairement pas normal, personne n’était sensé sourire en pensant à By, l’homme était un aimant à problème, ou peut-être pas vraiment un aimant à problème, mais il semblait utiliser Ivan comme un paratonnerre à problèmes… Bref, By n’était jamais une bonne nouvelle et il n’était pas sensé sourire en pensant à lui. Sauf qu’il ne pouvait pas s’en empêcher parce que ses baisers…
Il n’avait aucune idée de si c’était un truc de Vorrutyer et à dire vrai il n’avait pas envie de continuer à comparer ses souvenirs de Donna et de By parce que déjà c’était de mauvais goût mais en plus c’était assez… perturbant, mais en tous cas une chose était sûre, By savait embrasser à en perdre même le souvenir de son nom.
En tous cas il avait perdu le souvenir de l’heure sur le canapé où ils avaient continué à s’embrasser et où By avait été un véritable gentleman et avait gardé ses mains au-dessus des vêtements et Ivan n’avait jamais véritablement fait ça avant, convainquant ses conquêtes progressivement de le laisser aller au moins jusqu’à leur peau laiteuse. Oui le fait que les femmes portaient des vêtements plus dénudés aidaient beaucoup il fallait le dire…
Bref By s’était montré gentleman et il attendait toujours de se mettre à hurler et à angoisser parce qu’il n’était pas homosexuel et que clairement embrasser un homme et aimer ça au point d’oublier l’heure et de ne faire que ça sur un canapé était définitivement très peu hétérosexuel.
Mais la crise n’arrivait toujours pas. Alors il finissait tranquillement son travail en sifflotant.
Lorsqu’il avait fallu qu’il se prépare pour la réception des Vortala By avait passé quelques coups de fils pour faire débarquer la police du District de façon à le laisser filer tranquillement pendant que les reporters étaient autrement occupés. Et au matin il avait même trouvé un message sur la console de comm de la caserne lui demandant s’ils pouvaient manger ensemble demain. A l’abri des journalistes quand même et donc dans un des meilleurs et plus privés restaurants de Vorbarr Sultana.
— Capitaine il y a quelqu’un qui demande à vous voir.
Il leva les yeux pour regarder le lieutenant Yarros.
C’était mauvais signe, les seules personnes qui le demandaient quand il était au quartier général étaient ses supérieurs (et toujours avec des récriminations et plus de travail) et sa mère. Or il n’avait aucune envie de parler avec sa mère. Aucune ! Surtout pas là tout de suite maintenant.
— Qui est-ce ?
— Un civil. Il n’a pas voulu me donner son nom, mon capitaine.
Un civil ? Sûrement pas Miles, tout le monde reconnaissait Lord mon Cousin Auditeur, même Yarros qui n’était pas physionomiste pour deux sous.
— Très bien lieutenant, faites-le passer dans le salon.
Le mot pompeux de salon désignait une ridicule petite salle sans fenêtre où on recevait les civils et le personnel non autorisé à pénétrer dans certaines sphères sensibles.
Il se leva et passa la main dans ses cheveux avant de jeter un coup d’œil au miroir. Sa tenue était impeccable, il se mit en route.
Qui pouvait-ce être ? Les civils ne venaient pas le voir lui, les gens ne venaient généralement pas le voir, il n’était pas vraiment l’homme à aller voir il fallait bien l’avouer, si on avait un problème mieux valait demander une audience à Lord Auditeur mon Cousin.
Et si c’était un journaliste ?
Au moins il aurait le plaisir de pouvoir le faire raccompagner à la porte par des gorilles, Rolland et Gentry seraient parfaits pour le job. Mais il doutait qu’ils osent pénétrer dans un bâtiment militaire pour obtenir une interview, faire le pied de grue comme des charognards devant son immeuble oui, mais infiltrer un quartier général…
— Mon capitaine.
Le soldat en faction ouvrit la porte de ce qui n’était en réalité qu’une cellule un peu mieux aménagée.
— Vous vouliez me voir ? annonça-t-il en entrant.
Il reconnut immédiatement son interlocuteur, avant même qu’il ne lève la tête du livre dans lequel il était plongé assis sur le bureau comme une gravure de mode. Le costume d’un bleu paon et le chapeau posé sur sa tête suffisaient à l’identifier.
Une chaleur traîtresse s’alluma dans son ventre et il dut réprimer un sourire.
— By.
— Bonjour Ivan, j’espère que tu as bientôt fini car nous avons une petite visite à rendre à une demoiselle. En plus tu es en uniforme, ce sera parfait. Je crois qu’elle risque de s’évanouir devant si masculine et belle apparition mais j’ai amené des sels…
Il sentit le regard de By remonter comme une longue caresse le long de son corps.
— Je peux avoir fini dans un quart d’heure.
— Parfait. Tu diras à un des bleus de m’apporter un café, veux-tu, et un de ceux du Général Foch, pas cet immonde jus de chaussette que vous buvez à longueur de journée.
By lui sourit et Ivan souhaita qu’il l’embrasse ce qui était stupide en plein milieu du quartier général alors que la porte pouvait à tout moment s’ouvrir sur un gradé.
Il se hâta de tourner les talons et d’aller envoyer Yarros soudoyer le secrétaire du général pour obtenir un café pour By.
Il finit son travail en un temps record, rangea sa console de comm, laissa les simulations de la nuit tourner et souhaita une bonne soirée aux autres officiers avant d’aller chercher By.
— Non, personne ne m’enlèvera de l’idée que la version de Rosenkoff est meilleure.
— Sur ce point, Général, vous me trouverez toujours en désaccord avec vous hélas, mais Diaz-Trovarr est la meilleure version en existence des Noces du Silence, sa version de l’Aria de la Duchesse est la seule qui mérite d’exister et la sobriété de la mise en scène donne une nouvelle jeunesse à ce qui est une histoire somme toute perdue sous la pompe.
— Sottises, Les Noces doivent être somptueuses et même si j’admets que l’Aria n’a jamais été aussi bien réalisée, c’est uniquement dû au talent de la Fiallas, cet absence de décors et de costumes dénature l’histoire même des Noces qui est que la raison d’Etat doit être la plus forte.
— Nous voici donc arrivé au début d’une longue guerre de tranchées, général puisque aucun de nous ne veux bouger de sa position.
— Ah, Vorpatril, vous arrivez à point nommé. Quel est la meilleure production des Noces du Silence, celle de Rosenkoff au Théâtre Impérial de Vorbarr Sultana, ou celle de Diaz-Trovarr à l’Opera Magna de Komarr ?
Les yeux amusés et luisants de By se tournèrent vers lui en même temps que ceux imperturbables et imposants de Foch. Définitivement l’homme aurait dû être à SécImp, la double vision des yeux sur le col et sur ce visage froid suffirait à faire parler les ennemis de l’Imperium les plus récalcitrants.
Il déglutit.
— Mon général je ne suis pas véritablement un amant de l’Opera.
— Sottise, n’importe quel singe avec une moitié de cerveau peut répondre à cette question.
— Encore faudrait-il que j’eusse vu ces deux productions, hélas je n’étais pas…
— Oh, mais Ivan j’ai les holos des deux chez moi, je peux facilement te les prêter.
Le Général cessa de le fixer et sourit à By.
— A défaut de la véritable prestation, voilà qui devra suffire à vous faire une idée Vorpatril.
— Nous passerons par chez moi après notre petite entrevue en ce cas Ivan, je suis sûr que ça pourra occuper tes soirées un petit moment...
Le regard qu’il lui lança par-dessus l’épaule de son supérieur n’avait sa place que dans une chambre et Ivan lutta contre la traitresse rougeur qui montait sur ses joues.
— Bien, bien. J’attends votre réponse lundi, Vorpatril. Bonne journée, Byerly.
— Mes hommages à madame votre épouse, Général, répondit ce dernier avec un petit salut qui aurait presque pu être militaire s’il n’avait pas été aussi gracieux et indolent.
By se tourna vers lui et pris le manteau qu’il avait laissé sur le dossier d’une chaise.
— Laisse-moi deviner, Ivan, l’Opera te fait dormir.
— Non ! se hâta-t-il de corriger.
A la vérité, les nombreuses fois où il avait accompagné ses conquêtes à l’Opéra il avait étouffé plus d’un bâillement ou dû étouffer d’autres bruits parce que quelques unes avaient les mains trop baladeuses.
— Je promets de n’influencer en rien ton jugement.
— Tant que tu peux me donner des arguments suffisants pour soutenir au général que la version Barrayaranne est la meilleure je n’aurai même pas à les voir.
— Sottise, Vorpatril, tu les verras et je peux t’assurer que tu aimeras ça.
La lueur dans les yeux presque dorés par la lumière artificielle était indécente et il déglutit à nouveau alors qu’il devait lutter pour ne pas laisser ses pensées s’égarer sur des chemins dangereux et bien trop excitants.
— Allons-y, lança By à la porte.
— Au fait, où allons-nous ? demanda-t-il en le rattrapant.
— Voilà les coordonnées. Mes informateurs ont joint leurs forces pour déterminer l’année à laquelle notre demoiselle a Débuté, il en est sorti qu’elle a eu sa saison il y a cinq ans et que la jeune fille qui fut humiliée publiquement au bal des Vorhinis et publiquement sauvée par un preux et beau chevalier blanc se nomme Elinor Vorchaucer.
Ivan fronça les sourcils.
— Elle était dans la liste, non ? Mais elle n’a pas ni mobile ni connections.
— Non, mais Dono a découvert autre chose.
Ils étaient arrivés au parking et Ivan ouvrit la porte de son lightflyer.
— Lors de son séjour d’un an sur Beta, mademoiselle Vorchaucer est entrée en relation avec une certaine Douchka Vorthys qui avait elle aussi reçu une bourse d’étude.
— Et qui était sur la liste.
— En effet, mais ce que Dono a découvert c’est que la famille Vorchaucer a envoyé d’urgence sa fille travailler pour les Vorwells après ce qui a failli être un scandale. En effet les deux demoiselles se sont liées d’une amitié plus que profonde et à leur retour les parents Vorthys ont failli porter plainte contre la jeune Vorchaucer pour corruption de mineure alors que toutes deux sont majeures et visiblement plus que consentantes.
Il alluma les moteurs.
— Toutes deux ont donc besoin d’argent pour s’émanciper de leurs parents.
— Après une petite enquête, Douchka Vorthys continue sa thèse en parallèle à l’université de Vorbarr Sultana et postule depuis des années pour une nouvelle bourse, tout comme Elinor Vorchaucer.
— J’imagine qu’elles veulent repartir ensemble de Barrayar et l’argent nécessaire...
— Ne devrait pas être difficile à obtenir de ce que j’ai compris. Les livres se sont vendus à travers toute la galaxie et il est question de les adapter en holo…
En holo ?
— Bien, quant aux connexions…
Ivan esquiva un danger volant et s’inséra dans la circulation, encore fluide pour l’heure, de la capitale.
— Lady Vorlatur a bel et bien trouvé un nouvel amant d’après mon cousin, un certain Dimitrios Michelakis, dont le frère travaille pour SécImp.
— Voilà qui semble presque trop facile.
— Nous verrons bien mon cher Ivan. Et arrête de te plaindre avant que toute cette affaire ne développe soudain des connexions galactiques et que nous ne nous retrouvions obligés de fuir des tueurs envoyés par une puissance étrangère comme dans n’importe lequel des romans écrits par mademoiselle Vorthys. Où d’ailleurs nos alter ego bien plus en forme se sauvent un nombre équitable de fois l’un l’autre.
Du coin de l’œil il vit By se laisser aller dans son siège, un sourire sur les lèvres. Le silence s’installa autour d’eux, ni lourd ni chargé, presque confortable et il dut s’empêcher de poser la main sur la cuisse du Vorrutyer. Ce qui lui valu un regard étonné suivit d’un sourire prometteur.
Il gara son bolide dans le parking devant le complexe de petites résidences cossues où vivait la comtesse douairière Vorlatur.
Lorsqu’il sortit du véhicule By était toujours assis. Levant les yeux au ciel et soupirant un peu il partit lui ouvrir la portière et tendre sa main pour l’aider à sortir. Les yeux que la lumière de l’après-midi rendait de la couleur du miel lui sourirent et le remerciement prononcé d’une voix grave et rauque le fit frissonner légèrement.
— Byerly Vorrutyer et Lord Ivan Vorpatril pour voir Mademoiselle Douchka Vorthys, annonça By à l’homme d’arme aux couleurs des Vorlatur qui faisait office de majordome.
Ils furent conduits dans un petit salon aux lignes résolument modernes. Ils ne parlèrent pas, By se plaça dans le fauteuil énorme qui faisait face à la porte et Ivan vint se mettre en place, une main sur le haut dossier, le plus droit possible dans son uniforme. Il vit By sourire du coin de l’œil en regardant leur reflet dans le miroir.
Un homme d’arme en livrée laissa entrer une jeune femme aux cheveux sagement tressés et vêtu dans une des tenues les plus informes et ennuyeuse qu’il ait jamais été donné de voir à Ivan. Il était à peu près sûr qu’il devait y avoir d’honorables matrones dans les Monts Dendarii qui portaient exactement les mêmes vêtements mais en noir.
Elle ne marqua pas un temps d’arrêt et plongea dans une révérence.
— Monsieur Vorrutyer, Lord Vorpatril.
— Relevez-vous, mademoiselle Vorthys, nous sommes bien loin de la pompe de la Résidence Impériale et puis c’est comme si nous nous connaissions déjà, non ?
La jeune femme se releva et attendit, droite et silencieuse, juste un peu tremblante et timide.
— Mais asseyez-vous, je vous en prie, continua By qui avait pris la parole, le laissant se contenter de paraître beau, noble et sérieux, ce qui lui convenait complètement.
— Merci. Madame la comtesse est sortie cependant…
— Oh, nous savons, déclara By en accompagnant son propos d’un geste élégant de la main. C’est à vous que nous souhaitons parler Mademoiselle Eloïse Vorbujold Master.
Les yeux poliment tournés vers le sol se relevèrent d’un coup et plongèrent dans les yeux de By. Soudain un sourire gagna les lèvres roses de la jeune femme et toute son attitude changea, elle se laissa aller en arrière, prenant plus de place sur le canapé, posant le pied sur son genou.
— Je vous ai vu de loin mais nous n’avons jamais été présentés. On ne présente pas quelqu’un comme vous à une jeune fille comme il faut.
By sourit.
— Une véritable tragédie pour vous, j’en suis sûr, mais voilà qui est maintenant remédié et à présent nous aurions quelques petites questions.
Les yeux gris, intelligents se posèrent sur lui.
— N’êtes-vous pas sensés vous détester ? Enfin, surtout lui… lança-t-elle à By tout en continuant de l’observer.
— Oh, mais de la haine à l’amour il n’y a qu’un pas, vous devriez le savoir, nos alter ego sont plus qu’amis après tout.
— On appelle ceci une licence poétique. Vous devez en avoir entendu parler, monsieur Vorrutyer il y a une différence entre les personnages de fiction et la réalité, et mes personnages sont très éloignés de cette dernière. Il y a longtemps qu’ils ont brisé le moule à partir duquel je les ai conçus.
— Justement, si nous parlions un peu de vos personnages et de certaines de leurs aventures ?
— Avant que vous ne me fassiez emmener pour me faire interroger et me perdre au fin fond d’une cellule vous serez sans doute heureux de savoir que si mon éditeur ne reçoit pas de nouvelles de mon manuscrit et de moi il publiera un court mais émouvant texte expliquant comment et pourquoi j’ai été injustement emprisonnée alors que mon texte ne désigne aucune personne réelle, que toutes les circonstances ont été assez changées pour n’être en aucun cas révélatrices de quelconques secrets d’Etat comme le soutiendront les avocats de la maison d’édition en accord avec la loi betane sur la vie privée.
Elle pencha légèrement la tête, un sourire sur les lèvres.
— Je ne suis pas vraiment sûre que vous vouliez faire tant de publicité à mes livres, surtout si vous êtes tant préoccupés par la discrétion…
Elle se renversa en arrière, s’appuyant sur l’accoudoir.
— Mais bien sûr je serais ravie de collaborer et vous aider à avoir accès aux dossiers que Madame pense cachés et inaccessibles et avec lesquels elle espère… En fait je ne sais toujours pas ce qu’elle espère, ce sont des affaires classées depuis des années et les circonstances ont tellement changées que leur connaissance apporterait bien peu à un ennemi de l’Imperium.
— Je vois que nous pourrions arriver à un arrangement, mademoiselle Vorthys, déclara By avec un sourire sincère et un brin admirateur.
— Je vous en serai extrêmement reconnaissant, monsieur Vorrutyer. Mes projets n’ont jamais été de rester enfermée bien longtemps sur Barrayar.
— Voyons après ces quelques milliers de pages, j’ai l’impression que nous sommes presque intimes, appelez-moi donc By.
Les yeux gris brillaient de malice.
— Comme vous voudrez, By.
— Voilà donc qui est fait, si nous passions à des sujets plus plaisants. Sur quoi préparez-vous votre thèse ?
— « Dons, échanges et mélanges sur le territoire barrayaran durant l’Occupation. »
— Vraiment ?
Ivan fut le premier surpris de son interruption.
— N’est-ce pas un sujet un peu trop sensible encore ? Il n’y a que peu de matériel déclassifié pour le moment.
Elle releva les yeux vers Ivan.
— Les archives commencent à faire parvenir des documents déclassifiés, nous n’avons pas encore tout, mais nous commençons et c’est justement parce que c’est encore un sujet sensible qu’il est important de se pencher dessus. Enfin ça et bien sûr le fait que ça ait été une transition brutale entre les Temps de l’Isolation et ce qui est l’Imperium moderne.
— J’imagine que vous avez lu Orloff ?
— Bien sûr, mais il y a plusieurs points de son analyse qui je pense sont remis en cause par le nouveau matériel qui nous parvient…
Elle marqua un arrêt.
— Si vous voulez je vous enverrai une copie.
***
« J’estime, et en ceci mon propos rejoint celui de nombreuses associations que l’égalité doit passer par une égalité totale non seulement des devoirs que tous les citoyens de l’Imperium partagent mais aussi des droits et protections offerts par la loi. Et cette égalité passe donc forcément par l’accès à tous au contrat civil qu’est le mariage, un contrat entre deux êtres mais aussi entre eux et la communauté, entre eux et l’Imperium dans lequel ils vivent et dans le cadre duquel s’insèrent leurs actions, leurs devoirs et leurs droits. »
Le Major Lefebvre faisait une figue de proue des plus attrayantes dans son uniforme de parade, debout sur l’estrade, blond, grand, déterminé.
Miles éteignit l’holovid. La vague était à peine en train d’enfler mais clairement tout ceci allait devenir rapidement une tempête. Et il y avait quelque chose qui le perturbait.
— My Lord.
— Oui Pym ?
— Le comte Vorrutyer souhaiterait vous voir, my lord.
— Fais-le entrer.
Dono devait penser la même chose que lui, Lady Donna n’avait jamais été du genre à attendre que quelque chose lui tombe par surprise dessus. Il venait chercher son soutien. C’était une bonne chose, il avait justement besoin de celui des Vorrutyer pour son dernier projet.
— Le comte Vorrutyer, my lord, annonça Pym.
Il se leva de son siège.
— Dono, content de te voir.
— Moi aussi, Miles.
Leur poignée de main fut franche. Il lui fit signe de s’installer et reprit sa place.
— Que puis-je pour toi ?
— C’est plutôt ce que je peux pour toi. Je suis venu t’apporter mon soutien. Des femmes dans l’armée hors des corps auxiliaires ? Voilà qui fera verdir et se révulser plus d’une vieille perruque. Et qui fera peut-être comprendre le principe d’égalité à beaucoup d’hommes.
— Donc je peux compter sur ton vote ?
— Pour ouvrir une Académie Militaire Mixte ? Totalement. Je ne sais pas si j’aurais aimé faire une carrière dans le Service, il y aura beaucoup de travail au niveau de l’éducation avant de pouvoir obtenir non seulement un nombre de recrues conséquent mais aussi l’idée que tous peuvent servir l’Imperium à leur façon, mais l’idée me plait.
— Ça ne prendra peut-être pas autant de temps que tu sembles le penser. Il y a eu cette série de holos qui est passée pendant des années sur l’équipage d’un vaisseau de reconnaissance betan, les personnages viennent de toutes les origines et leur capitaine est une femme. Je crois qu’elle a beaucoup inspiré. Bien sûr la pression sociale et familiale est toujours là mais l’envie, la possibilité existe dans le cerveau de ces enfants et jeunes filles…
— N’était-ce pas « Frontière de l’Infini »? J’ai cru comprendre que le personnage du capitaine était très… inspiré.
— Il y a beaucoup d’autres femmes capitaines de vaisseaux de reconnaissance betan.
— Qui se retrouvent perdues et seules sur une planète inconnue et rencontrent le capitaine d’une armée ennemie et tombent amoureuses ?
— C’est peut-être légèrement inspiré, mais passons.
— En tous les cas je devrais être en mesure d’apporter à la cause d’autres soutiens mais pour ça il faudra m’aider sur une autre mesure qui est à adopter.
Dono posa un dossier sur la table.
— Je n’ai pas besoin de te convaincre avec ça, je le garde pour les cœurs tendres. Après l’avoir mis entre les mains de René et posé l’hypothèse de ce qui arriverait si Jean et Anya aimaient une personne de même sexe, s’il n’aimerait pas les protéger, s’il ne voudrait pas se tenir dans leur Cercle à leur mariage… Bref, c’est un vote gagné facilement au milieu des larmes.
Miles prit le dossier, il était lourd, épais et plein de statistiques.
— Une simple enquête sur une durée de cinq ans dans le District Vorrutyer, les chiffres doivent sûrement varier légèrement dans le District Vorkosigan et être bien pire dans d’autres, mais voilà la vérité nue.
La première page portait sur les suicides adolescents.
Il referma le dossier.
— Suicides, internements par la famille dans des « centres de soin mentaux et de redressement social », pour les plus chanceux un aller-simple pour Komarr où l’égalité existe et le mariage est autorisé ou Sergyar où le Vice-Roi ne tolère pas les discriminations. Ce n’est pas seulement un tragédie humaine, c’est aussi une tragédie démographique, mais ça c’est mon argument pour certaines vieilles têtes dures.
Dono le regarda dans les yeux.
— Je ne parlerai même pas de raisons familiales, non, je sais que les Vorkosigan luttent contre les discriminations, pour le droit à être différent et à ne pas devoir lutter jusqu’à la mort juste pour survivre. Je sais que je n’ai pas besoin de te convaincre que c’est une motion juste et bénéfique pour tous les citoyens de l’Imperium.
— Et tu as mon soutien, Dono, mais ce sera une croisade difficile et très peu voudront accepter ce qu’ils considèrent comme une union contre-nature.
— Je n’en doute pas, mais j’ai plus d’une façon d les convaincre, il y a plus d’un Vor coincé avec quelques squelettes au fond de l’armoire et je crois que beaucoup seraient heureux de sortir, et que leurs mères le seraient encore plus si ça signifiait qu’ils pourraient faire un bon et grand mariage. Une dose de manipulation, une autre de chantage, un peu de publicité, la menace qu’une partie de la population des Districts s’exile… Une stratégie comme une autre.
— Je devrais être capable de convaincre les Progressistes que c’est le seul vote possible, que nous ne pouvons pas continuer à ignorer le problème.
— En ce cas je m’occuperai des autres.
Dono se leva. Miles fit de même.
— Je te soutiendrai, Dono, dit-il en lui serrant la main.
— Merci Miles.
— C’est normal. Que vas-tu faire maintenant ?
— La première phase de mon plan est de demander une audience à Lady Alys, nous avons besoin d’elle et elle a besoin de savoir quelques petites choses que j’ai découvertes récemment.
Miles leva un sourcil.
— Peut-être serait-il temps que tu rendes une visite à ton cousin, Miles.
Partie 1
Partie 2
Partie 3
Partie 4
Partie 5
Auteur : Miss Saint-James (Participant 11)
Pour : Blue Djinn (Participant 1)
Fandom : Saga Vorkosigan
Persos/Couple : Ivan Vorpatril / Byerly Vorrutyer
Rating : On dira NC-17 pour être sûr mais c’est vraiment très soft.
Disclaimer : Tout appartient à la fantastique Lois McMaster Bujold dont j’adore certains des bouquins et sans lesquels je ne peux plus vivre.
Prompt : Ivan/By
Pauvre Ivan qui veut une vie simple et tranquille et qui est harcelé par la presse People (quelle idée stupide qu'a eu Gregor de décider que la liberté (certes relative) de la Presse était l'un des critères indispensables d'un Empire progressiste...)
Qui aurait cru qu'une simple photo même pas compromettante pouvait lancer les pires rumeurs ?
En Bonus : C'est du omegaverse. XD
Notes : (voir autres posts)
Note de la modératrice : La fic a été coupée en cinq parties pour cause de taille maximale des posts.
Exactement trois heures plus tard il commença à entendre du bruit dans le grand appartement vide. Il avait fini de passer et repasser la liste une heure plus tôt et depuis il avait erré de pièce en pièce, un peu coupable, très silencieux, juste un peu intimidé, essayant de comprendre Byerly à travers les objets hétéroclites et contradictoires qui peuplaient l’appartement.
Le salon aurait très bien pu avoir sa place dans la Demeure Vorrutyer, empli d’antiquités de bon goût et en parfait état. La pièce attenante par contre qui avait d’immenses fenêtres des deux côtés de l’immeuble était étrangement moderne, avec ce qu’il imaginait être des instruments de musique puisque même sans cordes la chose dans le coin ressemblait à une harpe. Ce qui rendait plus incongru et imposant encore l’énorme piano en bois ouvragé qui trônait au centre. La cuisine était résolument moderne sans même ces panneaux de bois qui essayaient de la camoufler et lui donner un aspect plus vieilli. La salle à manger était une antiquité elle aussi et chaque meuble portait le sceau des Vorrutyer. La salle de bain… Bref il ne s’était pas attardé. Il avait regardé les quelques portraits et holos placés dans le salon : Dono et Olivia à leur mariage, Pierre et Aurélia Vorrutyer avec leur oncle By, un homme sec et émacié debout devant un bureau empli de livres, une femme fragile au sourire doux regardant le coucher de soleil.
— Si tu veux voir ma chambre, Ivan c’est maintenant, enfin si tu veux la voir seul j’entends.
Comment est-ce qu’il savait ? Il était revenu sur son siège et à sa position devant la tablette et il avait veillé à tout remettre en place.
Il releva les yeux, irrité. Il n’aurait pas dû.
By sortait de la douche et était en train d’essuyer ses cheveux. Torse nu. Il y avait des gouttes qui accrochaient encore à sa peau. By n’aurait pas dû avoir autant de muscles. Au moins il n’avait pas de poils sur la poitrine. Non, en fait c’était perturbant. Il aurait mieux valu qu’il ait du poil sur le torse. Il avait l’habitude du poil au torse. Il avait l’habitude de voir des hommes se changer. Il était militaire (à un bureau) mais militaire quand même. C’était définitivement l’épilation qui le perturbait. A moins que ce soit naturel. Et comment avait-il eu tous ces muscles ? Il semblait tellement plus… massif.
By tourna la tablette et regarda la liste modifiée.
Il était juste à côté de lui et non seulement il sentait sa peau encore chaude et humide de la douche mais aussi l’odeur enivrante de son savon et de son after-shave et il voyait la peau rose de si près et les lignes fermes de ses épaules et sa mâchoire et la courbe gracieuse de son cou et ses boucles alourdies par l’humidité et brillantes.
Il avait trop chaud. Il était très mal à l’aise et il avait besoin de partir très vite. S’il y avait une chose dont il était sûr c’était que rester plus longtemps à côté de By était une mauvaise idée. Une très mauvaise idée. La pire idée qui soit. Jamais il n’avait été autant en danger que là et il était même près à s’enfermer dans un endroit clos avec le bruit de la mer qui montait tant que By n’était pas à côté de lui en train d’essayer de le faire tomber dans le pire des pièges de sa vie.
Okay, il allait reculer sa chaise et s’éloigner et demander asile chez Miles et il ne parlerait plus à By que par console de comm interposée. Oui il allait le faire. Maintenant. Et il allait retenir sa respiration aussi. Parce que l’odeur qui se dégageait de la peau fraîche et nue lui faisait tourner la tête. Oui. Il allait le faire.
— Regina Vortala ? Vraiment ? Avant ou après son opération ?
By le regardait, ce sourire amusé et insupportable aux lèvres, si près. Il déglutit, incapable de répondre, la gorge sèche.
— Avant donc ? Et bien Ivan, je savais que la cavalerie était dans le sang mais quand même pas à ce point…
By retourna à la liste et il put retrouver son souffle.
Il n’arrivait pas à comprendre. By flirtait avec tout ce qui se présentait et avait assez de cerveau pour le comprendre, il le savait, il en avait été témoin à maintes reprises. By était intelligent. Il savait lire les signes, tout comme Ivan, il avait joué le jeu de la séduction assez longtemps. Et tout à l’heure… Tout à l’heure By avait juste à l’embrasser et il serait tombé dans son lit, aussi simple que ça.
Alors pourquoi ne l’avait-il pas fait ?
En fait il n’avait aucune idée de s’il lui plaisait.
La révélation fut comme un choc. Non seulement il avait jusqu’à présent toujours plu, mais en plus il n’avait aucune idée de ce que By cherchait. Il savait ce que recherchaient les femmes Vor, ce que leur éducation et la société leur avait appris à voir comme traits désirables. Mais il n’avait aucune idée de ce qui pouvait motiver quelqu’un comme By, voire même de ce qui pouvait motiver un homosexuel, quel qu’il soit. Il ne s’était jamais véritablement posé la question.
— Ivan, je te parle !
By avait pris son menton entre ses doigts et le regardait de très voire beaucoup trop près.
— Je… Je…
— Epargne ta salive et dis-moi si tu es sûr d’être sorti avec Zina Vorgood.
Il cligna des yeux.
— Oui je suis sûr. Nous avons même été faire un tour en lightflyer jusqu’à Hassadar.
— Zut, son père est un haut gradé au moins ça expliquait comment elle pouvait avoir eu accès aux informations…
— By, ce n’est pas la peine de vérifier, je me souviens encore des femmes avec qui je suis sorti.
— Vraiment ? Quelle mémoire prodigieuse mon cher Ivan, je te félicite.
C’était bien sûr ironique et By était en train de continuer à lire. Ivan soupira et se laissa tomber contre le dossier de la chaise. Bien sûr Byerly n’était toujours pas habillé et la lumière jouait sur ses muscles et se cheveux étaient en train de sécher et de boucler plus encore, épais et lustrés, encore plus noirs sur sa peau tellement blanche. Une peau sans défaut et qui semblait si douce…
— Bon.
By reposa la tablette et s’étira et la lumière accrocha ses tétons et Ivan se sentit rougir exactement comme s’il avait vu les seins d’une femme, sauf que c’était un homme et c’était totalement normal de voir un homme torse nu, et un torse ça avait des tétons et…
— Il reste environ une douzaine de noms, voyons voir ce que nous trouvons sur ces demoiselles.
Ivan tourna la tête, rouge, gêné et luttant contre le désir qui montait en lui.
— Café ?
— Euh oui, s’il te plait.
Et s’il pouvait se rhabiller ce serait juste la cerise sur le gâteau.
— Pendant ce temps écris-moi tout ce que tu sais sur les jeunes femmes restantes.
Une diversion, une excellente idée. Ivan se lança dedans avec un enthousiasme démesuré et en ignorant soigneusement le fait qu’il jetait des coups d’œil discrets aux fesses de By allant vers la cuisine moulées dans un caleçon noir sur sa peau d’ivoire.
Définitivement il fallait qu’il fuie.
Dès qu’il aurait fini cette liste.
***
Byerly hésita un instant. Continuer à parader à moitié nu ou mettre Ivan à l’aise ? Le voir perdre sa concentration, regarder son corps était amusant et plus que flatteur en plus de juste un peu dangereux mais ils avaient un lourd problème sur les bras et Lady Alys allait véritablement finir par glisser quelques mots à l’oreille d’Illyan, veiller à ce qu’ils y restent assez longtemps pour parvenir jusqu’à Allegre et alors il serait en partance pour le trou le plus paumé de l’univers : le Continent Sud ou peut-être Sergyar…
Oui, pour une fois il valait mieux errer du côté de la préservation. Le pire était de penser qu’il lui faudrait attendre un très long moment avant de pouvoir recommencer à jouer avec Ivan. En combien de temps un scandale pareil pourrait-il se calmer ?
S’il jouait bien ses cartes…
Il lança le café et se rendit vers sa chambre tout en réfléchissant à comment éclipser assez sa supposée liaison avec Ivan pour pouvoir le fréquenter à nouveau. Taquiner Ivan était toujours drôle et lui au moins comprenait ses remarques. Et ne s’offusquait pas. Franchement, certains Vor auraient péri très vite s’ils avaient vécu au Temps de l’Isolation à prendre la mouche pour un rien.
Et Ivan savait qui il était. Non seulement ça pouvait faciliter son travail puisqu’il pouvait aisément passer des messages à sa mère et qu’il avait un haut niveau de sécurité, mais en plus ça lui permettait nombre de double sens.
Il ne niait pas que ça avait… crée un lien ? Ce n’était pas exactement ça, il n’avait aucune idée de ce qu’Ivan pensait de lui quand il était sobre et pas en train de rire à ses remarques, il savait que le capitaine continuait à essayer de l’éviter comme la peste ce qui rendait la chasse d’autant plus savoureuse et amusante. Mais de son côté, il y avait une certaine facilité auprès d’Ivan, parfois il laissait tomber le masque, il n’était pas sûr qu’Ivan s’en apercevait mais parfois il se contentait d’être lui-même, pas seulement le bouffon de la haute noblesse là pour faire rire aux dépends de tous et animer les conversations.
Oh, bien sûr il flirtait avec Ivan, c’était tellement drôle, mais il n’y avait aucun risque. Ivan était trop… trop Ivan pour se mettre à questionner une sexualité sûrement plaisante et surtout sans embûche ni complications. Et puis il ne tenait pas à faire face à la fureur de Lady Alys si ça finissait par revenir à ses oreilles.
Il passa une chemise et un pantalon, il était encore trop tôt pour s’habiller pour la soirée chez les Vortala. Il jeta un coup d’œil au miroir. La crème avait fait effet et il pourrait aisément camoufler le bleu sur sa mâchoire et sa joue, sa lèvre était en train de cicatriser.
Il se détourna et commença à boutonner la chemise, revenant vers la salle à manger et Ivan en train de travailler. Il fit un crochet par la cuisine, remplit deux tasses et revint.
Il se pencha au-dessus du militaire pour activer l’option holo de la tablette et s’assit sur la chaise la plus proche.
— Bien voyons voir…
Ivan frémit et une rougeur sembla se propager sur son visage. By retint un sourire.
— Marianne Vorrivers, fille de l’amiral Vorrivers et de l’ancienne attachée culturelle de l’ambassade betane. J’aurais pensé qu’elle serait dans l’autre liste.
Il lança à Ivan un regard interrogateur. Le capitaine se contenta de hausser les épaules.
— Elle est beaucoup trop… enfin pas assez…
— Quoi Ivan ? Trop « galactique » ? Elle ne joue pas assez les vierges Vor faibles et timides ?
Ivan eut une moue d’hésitation, d’un peu de colère et de gêne.
— Elle n’est pas vraiment ce que je cherche chez une femme.
Bien sûr, Ivan comme la plupart des mâles Vor cherchait une compagne féminine, d’apparence frêle et douce mais à qui on demandait de pouvoir faire face à une guerre et en revenir avec une tête dans un sac… Le concept de la femme Vor était au moins aussi incompréhensible et contradictoire que celui de l’homme.
— L’accès à un éditeur au vu des contacts que sa mère doit encore avoir est assez aisé. Par contre je n’ai aucune idée de comment elle aurait pu mettre la main sur des faits comme ceux-ci… Son père pourrait y avoir accès mais il est sans cesse au loin. Et depuis son mariage à Emil Givorsky elle est uniquement centrée sur leur projet de terraforming du Continent Sud.
Il déplaça le fichier après avoir noté tout ceci.
— Elle n’est même pas à Vorbarr Sultana, ajouta Ivan, elle a promis de ne plus y mettre les pieds tant que la Société des Géobiologistes continuerait à refuser sa candidature au poste de secrétaire.
— Une information passionnante et que j’ignorais.
— J’ai entendu Ekaterin s’en plaindre à Miles, c’est tout.
— C’est toujours ça de pris, au moins nous savons qu’elle est en colère, même si je doute que la Société des Géobiologistes soit très affectée par la publication du Prince et l’Espion.
Il rajouta une note au dossier avant de le renvoyer dans un coin.
— Passons à la suivante.
Une nouvelle photo s’ouvrit.
— Elinor Vorchaucer, fille de Thomas Vorchaucer et son épouse, fonctionnaires tous deux de second rang dans le District Vordarian.
— Jamais vue, lança Ivan.
— Raison de plus mon cher Ivan car elle a sûrement dû te voir et je ne doute pas que de loin tes qualités soient amplement magnifiées. Mademoiselle Vorchaucer a gagné une bourse pour étudier un an la littérature comparée sur Beta. Elle est revenue il y a deux ans et depuis travaille comme gouvernante chez le comte Vorwells.
— Vorwells est un reclus qui ne sort de son District que si il ’y a un mandat Impérial devant lui.
— Certes. Suivante.
Il écrivit et renvoya le dossier dans un coin.
— Irene Constantin, fille de Théodore Constantin, magnat de l’industrie lourde et de son épouse Illythia Constantin née Vortapoulos. Irene a fait ses études dans un pensionnat sur Terre pour plus de prestige familial. Elle est revenue il y a environ un an et depuis chasse le mari et semble avoir mis le grappin sur Oliver Vorsmythe, neveu du comte et à présent commandant.
— Irene est très engagée dans le Parti Progressiste, quand Tante Cordelia était de retour je l’ai vu très souvent. Je crois qu’elle participe au projet de Miles pour reformer le corps auxiliaire et donner aux femmes le droit de servir comme les hommes.
By haussa un sourcil.
— Voilà qui va faire avaler plus d’une barbe si le projet vient à bout. En tous cas elle est motivée et clairement pleine d’idées subversives. Reste le problème de la fuite, Vorsmythe n’est pas encore assez haut placé mais elle peut avoir d’autres contacts que nous ignorons dans l’armée.
— Des femmes dans le Service… Franchement… maugréa Ivan.
— Je croyais que toi entre tous saurait tout du courage des femmes, après tout est-ce que Lady Alys ne t’a pas mis au monde en pleine Guerre des Prétendants ?
— Raison de plus, dans quelques générations nous serons tous obsolètes, il n’y a qu’à voir les femmes dont Miles s’entourait pour comprendre que les femmes sont sacrément effrayantes.
— Ivan très cher, ce type de discours va finir par me faire douter de ta réputation de séducteur, n’est-ce pas quand la femme est le plus difficile à conquérir que plus douce est la conquête.
— Je préfère faire la conquête et non être conquis.
Il eut un petit rire.
— Je commence à comprendre pourquoi toutes ces femmes ne font que défiler à ton bras mon cher. Ne t’est-il jamais venu à l’idée que l’on pouvait être tour à tour conquérant et conquis ? Je commence à soupçonner que beaucoup ont déjà du te dire « ce n’est pas toi c’est moi ».
— C’est ce que toutes les femmes disent, répliqua Ivan un peu plus droit, un peu plus drapé dans sa dignité, un peu plus fermé.
— Ivan, Ivan, Ivan, c’est ce qu’elles disent quand le problème vient clairement de toi et de ton attitude et qu’elles savent qu’elles ne t’en feront pas changer. Mais passons sur tes échecs amoureux. Douchka Vorthys fille de Roger Vorthys et de son épouse, fonctionnaires dans le District Vorthys. Douchka a bénéficié d’une bourse d’un an pour étudier la sociologie sur Beta il y a trois ans. Elle travaille à présent comme secrétaire de Lady Rose Vorlatur, mère du nouveau comte Vorlatur.
— Mobile ?
— Rien, c’est une jeune fille discrète qui semble contente de son travail.
— Connections ?
— Aucunes. En plus en ce moment Lady Rose semble avoir enfin décidé de faire vœu de chasteté.
— Je ne serais pas si sûr, je suis persuadé que je l’ai vu en position sans équivoque au dernier bal des Vorstamos.
— Intéressant. Une idée de qui ?
— Non.
— Je me renseignerai. Suivante. Isadora Lyokoff, fille de Henri Lyokoff et de son épouse Zunia Vorbretten, a passé quelques années chez sa tante ambassadrice dans l’empire Cetagandan. Fiancée au capitaine François Vortalan.
— Donc qui peut avoir les connections. Mais pas de mobile apparent.
— Aucun. D’autres informations ?
— Très imbue d’elle-même mais je crains que ça n’apporte rien à l’enquête.
— Donc, si elle était l’auteur elle voudrait que ça se sache, elle aurait peut-être laissé des indices. J’ai lu les livres de fond en comble, tous les noms sont retouchés et à part quelques très grandes figures politiques impossibles à méconnaître, il n’y a même pas de persifflages ou de règlement de compte… quoi que…
By réfléchit. Il y avait bien une scène dans Pour une danse de trop qui lui avait toujours paru un peu longue et inutile dans laquelle Vassili sauvait une jeune fille de vils commérages et il y avait une certaine insistance sur chacune d’entre elles…
Il se tourna pour aller prendre la copie du livre posée sur sa table de nuit et couverte d’annotations, il feuilleta rapidement jusqu’à trouver la bonne page.
« Ty était parti. Vassili détourna les yeux, bombant le torse, souriant malgré la douleur qui était comme un poids sur tous ses membres. Il fallait continuer à faire bonne figure, il ne pouvait pas laisser voir ses émotions, il était là en représentant de Sa Majesté Impériale, il avait un rang à tenir.
Un serveur passa et il attrapa un verre, le finissant avant même que l’homme ait le temps de pouvoir s’en aller. C’est alors que son œil fut attiré par un amoncellement de couleurs. Ce n’avait rien d’extraordinaire à un bal où chaque jeune fille et chaque femme faisait étalage de sa beauté pour attirer un bon parti ou faire état de la chance qu’avait celui qui l’avait épousé. Mais malgré tout la scène le perturbait.
Il s’approcha donc et comprit enfin lorsqu’il se rendit compte que le cercle de robes vaporeuses et colorées s’était de toute évidence refermé autour d’une pauvre proie.
« Si tu crois que je ne t’ai pas vu flirter avec mon fiancé tu te trompes ! siffla d’une voix désagréable Madeline Vorlaclos, une débutante aux cheveux couleur de nuit et à la peau blanche comme le lait qui de ses yeux bleus comme les glaciers des hauts Monts Dendarii avait séduit tout Vorbarr Sultana.
— Mais je… »
La pauvre jeune fille qui essayait de parler se fit immédiatement interrompre.
« Je ne comprends même pas qu’on t’ait laissé entrer, déclara Phillipa Vorchénier en rejetant une mèche des beaux cheveux blonds qui lui avait valu la réputation d’Ange du Sud.
— Les Vorronsard sont bien généreux d’accueillir quelqu’un comme toi ici, ajouta Caroline Vorlizt de sa voix mélodieuse.
— Oh, ils l’auront pris en pitié, continua Victoria Vormanet de derrière son éventail noir qui faisait ressortir encore plus ses superbes yeux violets.
— Allons, mesdemoiselles, un peu de compassion, tout le monde ne peut pas concilier, la beauté, l’élégance et la richesse, conclut Gloria Vorwilde, l’aînée de ce petit groupe.
— Heureusement, elle est comme les juments de mon oncle, elle a un excellent pédigrée et de très grands nasaux, se moqua Madeline. »
C’en était trop, Vassili s’avança et, faisant claquer ses bottes sur le marbre fit se retourner les jeunes filles dont les yeux vinrent caresser le bleu et l’or de son uniforme et les lignes droites de sa mâchoire.
Il ne leur prêta aucune attention, se rendant jusqu’à la jeune fille aux yeux gros de larmes.
« Mademoiselle Vorbalzac, il me semble que c’est notre danse. »
Et il emporta la jeune fille. »
By reposa le livre sur la table.
— C’est là. Tu lui a sûrement sauvé la mise lors d’un bal, ce qui explique l’admiration démesurée qu’elle te porte.
— Si c’est le cas je n’en ai aucun souvenir. Ma mère m’a assez envoyé sauver des pauvres filles en détresse et autres filles faisant tapisserie pour que ce ne soit pas vraiment impérissable.
— Pour elle ça l’a été. Tu es devenu son chevalier blanc, son prince charmant…
— Qui couche avec un autre homme et ça c’est bizarre.
— Ce n’est pas le plus important, déclara-t-il en repoussant l’argument d’une main.
Ivan maugréa dans sa barbe mais il l’ignora.
— Nous avons appris deux choses : d’abord elle a été marginalisée, soit par sa naissance soit par le manque d’argent. De deux choses l’une, soit elle est Vor mais d’une famille sans les moyens de véritablement lui payer une Saison pour trouver un riche mari, soit elle est riche mais aucunement Vor. Et justement, le deuxième indice c’est qu’elle a été Présentée la même année que quatre autres jeunes filles Vor qu’elle a assez bien détaillé pour qu’il soit possible de les reconnaître.
— Vraiment ? N’est-ce pas juste une invention ?
— Non, c’est une revanche, elle expose leur méchanceté au grand jour et leur montre qu’à la fin c’est elle qui a gagné.
— Oui, enfin si l’une d’entre elles sait qui est l’auteur le scandale éclatera, aucune femme Vor comme il faut n’écrirait ce genre de livre.
— Pourquoi ?
— Et bien…
Ivan semblait un peu perdu, les joues rouges.
— Et bien je suis sûr qu’aucun des membres de sa famille ne pourrait s’imaginer qu’elle écrit des scènes aussi explicites et descriptives de sexe entre hommes.
Il avait tout dit d’une traite et ses yeux fuyaient immanquablement le pavé posé devant lui.
— Ivan, tu sais que si tu veux les autres tomes de la série il te suffira de me les demander… lança-t-il, joueur et amusé.
— Une femme comme il faut ne passe pas son temps à penser à des hommes en train de… en train de faire l’amour.
— Et pourquoi non ? Après tout, il me semble que beaucoup d’hommes passent leur temps à penser à des femmes en train de faire l’amour, même si pas forcément entre elles. Pourquoi n’aurait-elle pas droit à une réciproque ?
— Parce que ce n’est pas un comportement correct.
Il se contenta de lever un sourcil et Ivan prit sa tête entre ses mains avant de la laisser tomber sur la table.
— Je ne comprends pas l’intérêt, si au moins le prince Vassili finissait avec la jeune fille, mais qu’y trouve-t-elle s’il finit avec cet espion ? Quel plaisir une femme peut-elle avoir à imaginer deux hommes ensemble ? Ce n’est même pas la même anatomie !
— Et alors ? Crois-tu que les caresses d’une femme soient différentes des caresses d’un homme ? Que la bouche d’un homme soit plus différente ? Le plaisir n’a pas de sexe, tout comme le désir et il y a autant de plaisir à avoir dans un cas comme dans l’autre.
Ivan le dévisageait, clignant des yeux, empourpré.
— Tu… Tu l’as fait avec des femmes et des hommes ?
Sa voix était rauque et il passa sa langue sur ses lèvres, mais ses yeux bruns, eux étaient fixés sur lui, comme cloués.
— Et j’ai aussi eu une relation avec un hermaphrodite lors de mes études. J’avoue avoir une préférence pour la forme mâle et pour certains traits de comportement qui sur Barrayar sont associés à la virilité, mais peut-être que si j’avais poursuivi mes études sur Beta serais-je resté dans une relation avec une femme, certaines betanes sont fascinantes.
Il regarda le large torse d’Ivan se soulever plus vite et eut un sourire amusé.
— Mais trêve de souvenirs, je demanderai à Dono et à Lady Alys de m’aider à retrouver l’année où une… beauté à la peau blanche, aux cheveux noirs et aux yeux bleus à été la Débutante la plus remarquée et même temps qu’une blonde appelée l’Ange du Sud, qu’une jeune fille à la voix mélodieuse qui devait surement porter un surnom ridicule tel que le Rossignol de Voruntel et une jeune fille aux yeux violets. Quand nous saurons en quelle année elles furent Présentées nous tiendrons le nom de notre auteur.
Oui, ça pourrait marcher, Dono serait ravi de replonger dans ses souvenirs et de partager quelques piques et ragots et Lady Alys serait heureuse de voir avancer l’enquête. Et il ne parlait même pas de sa hiérarchie.
— By ?
Il se tourna un oui sur les lèvres.
La bouche d’Ivan s’écrasa contre la sienne, les mains du capitaine glissèrent sur son cou en une caresse qui le fit frissonner jusqu’à se poser sur son visage. Le baiser se fit plus appuyé et il sentit la langue passer doucement sur ses lèvres, entre ses lèvres, l’amenant à la laisser pénétrer, à goûter le plaisir de ses caresses, à la poursuivre de la sienne pour venir à son tour taquiner sa bouche, commençant une ronde de plaisirs et de faveurs qui réveillait son désir.
Une main glissa dans ses cheveux, les doigts s’emmêlant dans ses boucles pendant que l’autre descendait le long de son torse, jusqu’à faire le tour de sa taille et se poser au creux de ses reins. Il était à présent pressé contre le torse d’Ivan et il empoigna le tissu de sa tunique, l’embrassant avec plus de force et de profondeur, le sentant gémir sous l’assaut soudain.
Quand il le lâcha ils respiraient tous deux avec plus de difficultés et il ressentit immédiatement le besoin de se rapprocher à nouveau, de l’attirer à lui pour reprendre leurs baisers, de laisser ses mains le délester de ses vêtements et parcourir son corps et…
Il pencha légèrement la tête et passa la langue sur ses lèvres qui devaient être rouges.
— Alors, Ivan, prêt à visiter ma chambre à présent ?
Il avait pris sa voix la plus maniérée et il battit des cils. Le capitaine ne répondit pas. Il prit sa main et la posa contre son cœur. Le rythme était trop rapide, irrégulier.
— Je veux t’embrasser encore. Mais je ne crois pas que je suis encore prêt à aller plus loin.
Ce n’était pas la réponse qu’il attendait, il avait anticipé un cri et un départ précipité, pas ce sérieux et ces yeux bruns, graves et décidés plantés dans les siens.
Il retourna sa main et entrelaça leurs doigts avant de baisser la tête pour l’embrasser. C’était stupide, un risque inutile, il était sûr d’échouer, ce ne serait qu’une passade pour Ivan, pour l’heure il croyait que c’était sérieux mais ça lui passerait. Mais quand avait-il été capable de résister à une action insensée et d’éclat comme celle-là ?
— Alors pour l’instant nous n’irons pas plus loin.
***
Ivan était étrangement peu perturbé. Il s’attendait encore à tout moment à avoir une crise aigue d’horreur ou d’angoisse ou de stress mais non. Il se sentait normal, voire même mieux que d’habitude parce qu’il souriait dès qu’il repensait à By. Ce n’était clairement pas normal, personne n’était sensé sourire en pensant à By, l’homme était un aimant à problème, ou peut-être pas vraiment un aimant à problème, mais il semblait utiliser Ivan comme un paratonnerre à problèmes… Bref, By n’était jamais une bonne nouvelle et il n’était pas sensé sourire en pensant à lui. Sauf qu’il ne pouvait pas s’en empêcher parce que ses baisers…
Il n’avait aucune idée de si c’était un truc de Vorrutyer et à dire vrai il n’avait pas envie de continuer à comparer ses souvenirs de Donna et de By parce que déjà c’était de mauvais goût mais en plus c’était assez… perturbant, mais en tous cas une chose était sûre, By savait embrasser à en perdre même le souvenir de son nom.
En tous cas il avait perdu le souvenir de l’heure sur le canapé où ils avaient continué à s’embrasser et où By avait été un véritable gentleman et avait gardé ses mains au-dessus des vêtements et Ivan n’avait jamais véritablement fait ça avant, convainquant ses conquêtes progressivement de le laisser aller au moins jusqu’à leur peau laiteuse. Oui le fait que les femmes portaient des vêtements plus dénudés aidaient beaucoup il fallait le dire…
Bref By s’était montré gentleman et il attendait toujours de se mettre à hurler et à angoisser parce qu’il n’était pas homosexuel et que clairement embrasser un homme et aimer ça au point d’oublier l’heure et de ne faire que ça sur un canapé était définitivement très peu hétérosexuel.
Mais la crise n’arrivait toujours pas. Alors il finissait tranquillement son travail en sifflotant.
Lorsqu’il avait fallu qu’il se prépare pour la réception des Vortala By avait passé quelques coups de fils pour faire débarquer la police du District de façon à le laisser filer tranquillement pendant que les reporters étaient autrement occupés. Et au matin il avait même trouvé un message sur la console de comm de la caserne lui demandant s’ils pouvaient manger ensemble demain. A l’abri des journalistes quand même et donc dans un des meilleurs et plus privés restaurants de Vorbarr Sultana.
— Capitaine il y a quelqu’un qui demande à vous voir.
Il leva les yeux pour regarder le lieutenant Yarros.
C’était mauvais signe, les seules personnes qui le demandaient quand il était au quartier général étaient ses supérieurs (et toujours avec des récriminations et plus de travail) et sa mère. Or il n’avait aucune envie de parler avec sa mère. Aucune ! Surtout pas là tout de suite maintenant.
— Qui est-ce ?
— Un civil. Il n’a pas voulu me donner son nom, mon capitaine.
Un civil ? Sûrement pas Miles, tout le monde reconnaissait Lord mon Cousin Auditeur, même Yarros qui n’était pas physionomiste pour deux sous.
— Très bien lieutenant, faites-le passer dans le salon.
Le mot pompeux de salon désignait une ridicule petite salle sans fenêtre où on recevait les civils et le personnel non autorisé à pénétrer dans certaines sphères sensibles.
Il se leva et passa la main dans ses cheveux avant de jeter un coup d’œil au miroir. Sa tenue était impeccable, il se mit en route.
Qui pouvait-ce être ? Les civils ne venaient pas le voir lui, les gens ne venaient généralement pas le voir, il n’était pas vraiment l’homme à aller voir il fallait bien l’avouer, si on avait un problème mieux valait demander une audience à Lord Auditeur mon Cousin.
Et si c’était un journaliste ?
Au moins il aurait le plaisir de pouvoir le faire raccompagner à la porte par des gorilles, Rolland et Gentry seraient parfaits pour le job. Mais il doutait qu’ils osent pénétrer dans un bâtiment militaire pour obtenir une interview, faire le pied de grue comme des charognards devant son immeuble oui, mais infiltrer un quartier général…
— Mon capitaine.
Le soldat en faction ouvrit la porte de ce qui n’était en réalité qu’une cellule un peu mieux aménagée.
— Vous vouliez me voir ? annonça-t-il en entrant.
Il reconnut immédiatement son interlocuteur, avant même qu’il ne lève la tête du livre dans lequel il était plongé assis sur le bureau comme une gravure de mode. Le costume d’un bleu paon et le chapeau posé sur sa tête suffisaient à l’identifier.
Une chaleur traîtresse s’alluma dans son ventre et il dut réprimer un sourire.
— By.
— Bonjour Ivan, j’espère que tu as bientôt fini car nous avons une petite visite à rendre à une demoiselle. En plus tu es en uniforme, ce sera parfait. Je crois qu’elle risque de s’évanouir devant si masculine et belle apparition mais j’ai amené des sels…
Il sentit le regard de By remonter comme une longue caresse le long de son corps.
— Je peux avoir fini dans un quart d’heure.
— Parfait. Tu diras à un des bleus de m’apporter un café, veux-tu, et un de ceux du Général Foch, pas cet immonde jus de chaussette que vous buvez à longueur de journée.
By lui sourit et Ivan souhaita qu’il l’embrasse ce qui était stupide en plein milieu du quartier général alors que la porte pouvait à tout moment s’ouvrir sur un gradé.
Il se hâta de tourner les talons et d’aller envoyer Yarros soudoyer le secrétaire du général pour obtenir un café pour By.
Il finit son travail en un temps record, rangea sa console de comm, laissa les simulations de la nuit tourner et souhaita une bonne soirée aux autres officiers avant d’aller chercher By.
— Non, personne ne m’enlèvera de l’idée que la version de Rosenkoff est meilleure.
— Sur ce point, Général, vous me trouverez toujours en désaccord avec vous hélas, mais Diaz-Trovarr est la meilleure version en existence des Noces du Silence, sa version de l’Aria de la Duchesse est la seule qui mérite d’exister et la sobriété de la mise en scène donne une nouvelle jeunesse à ce qui est une histoire somme toute perdue sous la pompe.
— Sottises, Les Noces doivent être somptueuses et même si j’admets que l’Aria n’a jamais été aussi bien réalisée, c’est uniquement dû au talent de la Fiallas, cet absence de décors et de costumes dénature l’histoire même des Noces qui est que la raison d’Etat doit être la plus forte.
— Nous voici donc arrivé au début d’une longue guerre de tranchées, général puisque aucun de nous ne veux bouger de sa position.
— Ah, Vorpatril, vous arrivez à point nommé. Quel est la meilleure production des Noces du Silence, celle de Rosenkoff au Théâtre Impérial de Vorbarr Sultana, ou celle de Diaz-Trovarr à l’Opera Magna de Komarr ?
Les yeux amusés et luisants de By se tournèrent vers lui en même temps que ceux imperturbables et imposants de Foch. Définitivement l’homme aurait dû être à SécImp, la double vision des yeux sur le col et sur ce visage froid suffirait à faire parler les ennemis de l’Imperium les plus récalcitrants.
Il déglutit.
— Mon général je ne suis pas véritablement un amant de l’Opera.
— Sottise, n’importe quel singe avec une moitié de cerveau peut répondre à cette question.
— Encore faudrait-il que j’eusse vu ces deux productions, hélas je n’étais pas…
— Oh, mais Ivan j’ai les holos des deux chez moi, je peux facilement te les prêter.
Le Général cessa de le fixer et sourit à By.
— A défaut de la véritable prestation, voilà qui devra suffire à vous faire une idée Vorpatril.
— Nous passerons par chez moi après notre petite entrevue en ce cas Ivan, je suis sûr que ça pourra occuper tes soirées un petit moment...
Le regard qu’il lui lança par-dessus l’épaule de son supérieur n’avait sa place que dans une chambre et Ivan lutta contre la traitresse rougeur qui montait sur ses joues.
— Bien, bien. J’attends votre réponse lundi, Vorpatril. Bonne journée, Byerly.
— Mes hommages à madame votre épouse, Général, répondit ce dernier avec un petit salut qui aurait presque pu être militaire s’il n’avait pas été aussi gracieux et indolent.
By se tourna vers lui et pris le manteau qu’il avait laissé sur le dossier d’une chaise.
— Laisse-moi deviner, Ivan, l’Opera te fait dormir.
— Non ! se hâta-t-il de corriger.
A la vérité, les nombreuses fois où il avait accompagné ses conquêtes à l’Opéra il avait étouffé plus d’un bâillement ou dû étouffer d’autres bruits parce que quelques unes avaient les mains trop baladeuses.
— Je promets de n’influencer en rien ton jugement.
— Tant que tu peux me donner des arguments suffisants pour soutenir au général que la version Barrayaranne est la meilleure je n’aurai même pas à les voir.
— Sottise, Vorpatril, tu les verras et je peux t’assurer que tu aimeras ça.
La lueur dans les yeux presque dorés par la lumière artificielle était indécente et il déglutit à nouveau alors qu’il devait lutter pour ne pas laisser ses pensées s’égarer sur des chemins dangereux et bien trop excitants.
— Allons-y, lança By à la porte.
— Au fait, où allons-nous ? demanda-t-il en le rattrapant.
— Voilà les coordonnées. Mes informateurs ont joint leurs forces pour déterminer l’année à laquelle notre demoiselle a Débuté, il en est sorti qu’elle a eu sa saison il y a cinq ans et que la jeune fille qui fut humiliée publiquement au bal des Vorhinis et publiquement sauvée par un preux et beau chevalier blanc se nomme Elinor Vorchaucer.
Ivan fronça les sourcils.
— Elle était dans la liste, non ? Mais elle n’a pas ni mobile ni connections.
— Non, mais Dono a découvert autre chose.
Ils étaient arrivés au parking et Ivan ouvrit la porte de son lightflyer.
— Lors de son séjour d’un an sur Beta, mademoiselle Vorchaucer est entrée en relation avec une certaine Douchka Vorthys qui avait elle aussi reçu une bourse d’étude.
— Et qui était sur la liste.
— En effet, mais ce que Dono a découvert c’est que la famille Vorchaucer a envoyé d’urgence sa fille travailler pour les Vorwells après ce qui a failli être un scandale. En effet les deux demoiselles se sont liées d’une amitié plus que profonde et à leur retour les parents Vorthys ont failli porter plainte contre la jeune Vorchaucer pour corruption de mineure alors que toutes deux sont majeures et visiblement plus que consentantes.
Il alluma les moteurs.
— Toutes deux ont donc besoin d’argent pour s’émanciper de leurs parents.
— Après une petite enquête, Douchka Vorthys continue sa thèse en parallèle à l’université de Vorbarr Sultana et postule depuis des années pour une nouvelle bourse, tout comme Elinor Vorchaucer.
— J’imagine qu’elles veulent repartir ensemble de Barrayar et l’argent nécessaire...
— Ne devrait pas être difficile à obtenir de ce que j’ai compris. Les livres se sont vendus à travers toute la galaxie et il est question de les adapter en holo…
En holo ?
— Bien, quant aux connexions…
Ivan esquiva un danger volant et s’inséra dans la circulation, encore fluide pour l’heure, de la capitale.
— Lady Vorlatur a bel et bien trouvé un nouvel amant d’après mon cousin, un certain Dimitrios Michelakis, dont le frère travaille pour SécImp.
— Voilà qui semble presque trop facile.
— Nous verrons bien mon cher Ivan. Et arrête de te plaindre avant que toute cette affaire ne développe soudain des connexions galactiques et que nous ne nous retrouvions obligés de fuir des tueurs envoyés par une puissance étrangère comme dans n’importe lequel des romans écrits par mademoiselle Vorthys. Où d’ailleurs nos alter ego bien plus en forme se sauvent un nombre équitable de fois l’un l’autre.
Du coin de l’œil il vit By se laisser aller dans son siège, un sourire sur les lèvres. Le silence s’installa autour d’eux, ni lourd ni chargé, presque confortable et il dut s’empêcher de poser la main sur la cuisse du Vorrutyer. Ce qui lui valu un regard étonné suivit d’un sourire prometteur.
Il gara son bolide dans le parking devant le complexe de petites résidences cossues où vivait la comtesse douairière Vorlatur.
Lorsqu’il sortit du véhicule By était toujours assis. Levant les yeux au ciel et soupirant un peu il partit lui ouvrir la portière et tendre sa main pour l’aider à sortir. Les yeux que la lumière de l’après-midi rendait de la couleur du miel lui sourirent et le remerciement prononcé d’une voix grave et rauque le fit frissonner légèrement.
— Byerly Vorrutyer et Lord Ivan Vorpatril pour voir Mademoiselle Douchka Vorthys, annonça By à l’homme d’arme aux couleurs des Vorlatur qui faisait office de majordome.
Ils furent conduits dans un petit salon aux lignes résolument modernes. Ils ne parlèrent pas, By se plaça dans le fauteuil énorme qui faisait face à la porte et Ivan vint se mettre en place, une main sur le haut dossier, le plus droit possible dans son uniforme. Il vit By sourire du coin de l’œil en regardant leur reflet dans le miroir.
Un homme d’arme en livrée laissa entrer une jeune femme aux cheveux sagement tressés et vêtu dans une des tenues les plus informes et ennuyeuse qu’il ait jamais été donné de voir à Ivan. Il était à peu près sûr qu’il devait y avoir d’honorables matrones dans les Monts Dendarii qui portaient exactement les mêmes vêtements mais en noir.
Elle ne marqua pas un temps d’arrêt et plongea dans une révérence.
— Monsieur Vorrutyer, Lord Vorpatril.
— Relevez-vous, mademoiselle Vorthys, nous sommes bien loin de la pompe de la Résidence Impériale et puis c’est comme si nous nous connaissions déjà, non ?
La jeune femme se releva et attendit, droite et silencieuse, juste un peu tremblante et timide.
— Mais asseyez-vous, je vous en prie, continua By qui avait pris la parole, le laissant se contenter de paraître beau, noble et sérieux, ce qui lui convenait complètement.
— Merci. Madame la comtesse est sortie cependant…
— Oh, nous savons, déclara By en accompagnant son propos d’un geste élégant de la main. C’est à vous que nous souhaitons parler Mademoiselle Eloïse Vorbujold Master.
Les yeux poliment tournés vers le sol se relevèrent d’un coup et plongèrent dans les yeux de By. Soudain un sourire gagna les lèvres roses de la jeune femme et toute son attitude changea, elle se laissa aller en arrière, prenant plus de place sur le canapé, posant le pied sur son genou.
— Je vous ai vu de loin mais nous n’avons jamais été présentés. On ne présente pas quelqu’un comme vous à une jeune fille comme il faut.
By sourit.
— Une véritable tragédie pour vous, j’en suis sûr, mais voilà qui est maintenant remédié et à présent nous aurions quelques petites questions.
Les yeux gris, intelligents se posèrent sur lui.
— N’êtes-vous pas sensés vous détester ? Enfin, surtout lui… lança-t-elle à By tout en continuant de l’observer.
— Oh, mais de la haine à l’amour il n’y a qu’un pas, vous devriez le savoir, nos alter ego sont plus qu’amis après tout.
— On appelle ceci une licence poétique. Vous devez en avoir entendu parler, monsieur Vorrutyer il y a une différence entre les personnages de fiction et la réalité, et mes personnages sont très éloignés de cette dernière. Il y a longtemps qu’ils ont brisé le moule à partir duquel je les ai conçus.
— Justement, si nous parlions un peu de vos personnages et de certaines de leurs aventures ?
— Avant que vous ne me fassiez emmener pour me faire interroger et me perdre au fin fond d’une cellule vous serez sans doute heureux de savoir que si mon éditeur ne reçoit pas de nouvelles de mon manuscrit et de moi il publiera un court mais émouvant texte expliquant comment et pourquoi j’ai été injustement emprisonnée alors que mon texte ne désigne aucune personne réelle, que toutes les circonstances ont été assez changées pour n’être en aucun cas révélatrices de quelconques secrets d’Etat comme le soutiendront les avocats de la maison d’édition en accord avec la loi betane sur la vie privée.
Elle pencha légèrement la tête, un sourire sur les lèvres.
— Je ne suis pas vraiment sûre que vous vouliez faire tant de publicité à mes livres, surtout si vous êtes tant préoccupés par la discrétion…
Elle se renversa en arrière, s’appuyant sur l’accoudoir.
— Mais bien sûr je serais ravie de collaborer et vous aider à avoir accès aux dossiers que Madame pense cachés et inaccessibles et avec lesquels elle espère… En fait je ne sais toujours pas ce qu’elle espère, ce sont des affaires classées depuis des années et les circonstances ont tellement changées que leur connaissance apporterait bien peu à un ennemi de l’Imperium.
— Je vois que nous pourrions arriver à un arrangement, mademoiselle Vorthys, déclara By avec un sourire sincère et un brin admirateur.
— Je vous en serai extrêmement reconnaissant, monsieur Vorrutyer. Mes projets n’ont jamais été de rester enfermée bien longtemps sur Barrayar.
— Voyons après ces quelques milliers de pages, j’ai l’impression que nous sommes presque intimes, appelez-moi donc By.
Les yeux gris brillaient de malice.
— Comme vous voudrez, By.
— Voilà donc qui est fait, si nous passions à des sujets plus plaisants. Sur quoi préparez-vous votre thèse ?
— « Dons, échanges et mélanges sur le territoire barrayaran durant l’Occupation. »
— Vraiment ?
Ivan fut le premier surpris de son interruption.
— N’est-ce pas un sujet un peu trop sensible encore ? Il n’y a que peu de matériel déclassifié pour le moment.
Elle releva les yeux vers Ivan.
— Les archives commencent à faire parvenir des documents déclassifiés, nous n’avons pas encore tout, mais nous commençons et c’est justement parce que c’est encore un sujet sensible qu’il est important de se pencher dessus. Enfin ça et bien sûr le fait que ça ait été une transition brutale entre les Temps de l’Isolation et ce qui est l’Imperium moderne.
— J’imagine que vous avez lu Orloff ?
— Bien sûr, mais il y a plusieurs points de son analyse qui je pense sont remis en cause par le nouveau matériel qui nous parvient…
Elle marqua un arrêt.
— Si vous voulez je vous enverrai une copie.
***
« J’estime, et en ceci mon propos rejoint celui de nombreuses associations que l’égalité doit passer par une égalité totale non seulement des devoirs que tous les citoyens de l’Imperium partagent mais aussi des droits et protections offerts par la loi. Et cette égalité passe donc forcément par l’accès à tous au contrat civil qu’est le mariage, un contrat entre deux êtres mais aussi entre eux et la communauté, entre eux et l’Imperium dans lequel ils vivent et dans le cadre duquel s’insèrent leurs actions, leurs devoirs et leurs droits. »
Le Major Lefebvre faisait une figue de proue des plus attrayantes dans son uniforme de parade, debout sur l’estrade, blond, grand, déterminé.
Miles éteignit l’holovid. La vague était à peine en train d’enfler mais clairement tout ceci allait devenir rapidement une tempête. Et il y avait quelque chose qui le perturbait.
— My Lord.
— Oui Pym ?
— Le comte Vorrutyer souhaiterait vous voir, my lord.
— Fais-le entrer.
Dono devait penser la même chose que lui, Lady Donna n’avait jamais été du genre à attendre que quelque chose lui tombe par surprise dessus. Il venait chercher son soutien. C’était une bonne chose, il avait justement besoin de celui des Vorrutyer pour son dernier projet.
— Le comte Vorrutyer, my lord, annonça Pym.
Il se leva de son siège.
— Dono, content de te voir.
— Moi aussi, Miles.
Leur poignée de main fut franche. Il lui fit signe de s’installer et reprit sa place.
— Que puis-je pour toi ?
— C’est plutôt ce que je peux pour toi. Je suis venu t’apporter mon soutien. Des femmes dans l’armée hors des corps auxiliaires ? Voilà qui fera verdir et se révulser plus d’une vieille perruque. Et qui fera peut-être comprendre le principe d’égalité à beaucoup d’hommes.
— Donc je peux compter sur ton vote ?
— Pour ouvrir une Académie Militaire Mixte ? Totalement. Je ne sais pas si j’aurais aimé faire une carrière dans le Service, il y aura beaucoup de travail au niveau de l’éducation avant de pouvoir obtenir non seulement un nombre de recrues conséquent mais aussi l’idée que tous peuvent servir l’Imperium à leur façon, mais l’idée me plait.
— Ça ne prendra peut-être pas autant de temps que tu sembles le penser. Il y a eu cette série de holos qui est passée pendant des années sur l’équipage d’un vaisseau de reconnaissance betan, les personnages viennent de toutes les origines et leur capitaine est une femme. Je crois qu’elle a beaucoup inspiré. Bien sûr la pression sociale et familiale est toujours là mais l’envie, la possibilité existe dans le cerveau de ces enfants et jeunes filles…
— N’était-ce pas « Frontière de l’Infini »? J’ai cru comprendre que le personnage du capitaine était très… inspiré.
— Il y a beaucoup d’autres femmes capitaines de vaisseaux de reconnaissance betan.
— Qui se retrouvent perdues et seules sur une planète inconnue et rencontrent le capitaine d’une armée ennemie et tombent amoureuses ?
— C’est peut-être légèrement inspiré, mais passons.
— En tous les cas je devrais être en mesure d’apporter à la cause d’autres soutiens mais pour ça il faudra m’aider sur une autre mesure qui est à adopter.
Dono posa un dossier sur la table.
— Je n’ai pas besoin de te convaincre avec ça, je le garde pour les cœurs tendres. Après l’avoir mis entre les mains de René et posé l’hypothèse de ce qui arriverait si Jean et Anya aimaient une personne de même sexe, s’il n’aimerait pas les protéger, s’il ne voudrait pas se tenir dans leur Cercle à leur mariage… Bref, c’est un vote gagné facilement au milieu des larmes.
Miles prit le dossier, il était lourd, épais et plein de statistiques.
— Une simple enquête sur une durée de cinq ans dans le District Vorrutyer, les chiffres doivent sûrement varier légèrement dans le District Vorkosigan et être bien pire dans d’autres, mais voilà la vérité nue.
La première page portait sur les suicides adolescents.
Il referma le dossier.
— Suicides, internements par la famille dans des « centres de soin mentaux et de redressement social », pour les plus chanceux un aller-simple pour Komarr où l’égalité existe et le mariage est autorisé ou Sergyar où le Vice-Roi ne tolère pas les discriminations. Ce n’est pas seulement un tragédie humaine, c’est aussi une tragédie démographique, mais ça c’est mon argument pour certaines vieilles têtes dures.
Dono le regarda dans les yeux.
— Je ne parlerai même pas de raisons familiales, non, je sais que les Vorkosigan luttent contre les discriminations, pour le droit à être différent et à ne pas devoir lutter jusqu’à la mort juste pour survivre. Je sais que je n’ai pas besoin de te convaincre que c’est une motion juste et bénéfique pour tous les citoyens de l’Imperium.
— Et tu as mon soutien, Dono, mais ce sera une croisade difficile et très peu voudront accepter ce qu’ils considèrent comme une union contre-nature.
— Je n’en doute pas, mais j’ai plus d’une façon d les convaincre, il y a plus d’un Vor coincé avec quelques squelettes au fond de l’armoire et je crois que beaucoup seraient heureux de sortir, et que leurs mères le seraient encore plus si ça signifiait qu’ils pourraient faire un bon et grand mariage. Une dose de manipulation, une autre de chantage, un peu de publicité, la menace qu’une partie de la population des Districts s’exile… Une stratégie comme une autre.
— Je devrais être capable de convaincre les Progressistes que c’est le seul vote possible, que nous ne pouvons pas continuer à ignorer le problème.
— En ce cas je m’occuperai des autres.
Dono se leva. Miles fit de même.
— Je te soutiendrai, Dono, dit-il en lui serrant la main.
— Merci Miles.
— C’est normal. Que vas-tu faire maintenant ?
— La première phase de mon plan est de demander une audience à Lady Alys, nous avons besoin d’elle et elle a besoin de savoir quelques petites choses que j’ai découvertes récemment.
Miles leva un sourcil.
— Peut-être serait-il temps que tu rendes une visite à ton cousin, Miles.
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