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obscur_echange2023-05-23 07:42 am
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[Fic] Deux choix, Blood of Zeus, Hermès/Arès/Apollon [d'Hetepsabet, pour Taliesin le Barde]
Titre : Deux choix
Auteur : Hetepsabet (Participant.e 14)
Pour : Taliesin le Barde (Participant.e 11)
Fandom : Blood of Zeus
Persos/Couple : Hermès/Arès/Apollon, mention d’Héra et de Zeus
Rating : G
Disclaimer : Blood of Zeus appartient aux frères Parlapanides
Prompt : Ton threesome Arès/Hermès/Apollon m’intrigue beaucoup parce que l’un des trois était dans le camp opposé, j’aimerais bien avoir une scène où Arès essaie de faire adhérer les deux autres au parti d’Héra (soit en utilisant l’argument « notre père est un connard », soit d’autres arguments). Ou tu peux explorer les conséquences de cette séparation dans une scène qui se passe après, mais dans tous les cas, j’aimerais beaucoup que tu creuses le personnage d’Arès parce que je l’ai toujours trouvé intéressant, et aussi que tu explores tout l’aspect « ils ne m’ont pas suivi ». Je te laisse choisir si tu pars dans l’angst total ou si tu veux faire quelque chose de plus doux-amer.
Notes : contente de voir que quelqu’un d’autre trouve Arès intéressant ! :D J’ai essayé de caler cette scène dans le canon et je suis partie avec quelques présupposés, expliquant par exemple qu’Hermès n’a rapporté que leur présence chez Hadès. Je ne sais pas non plus comment tu perçois les personnages et leurs relations, mais j’espère que cette version te conviendra dans tous les cas.
Arès quitta la pièce et referma la porte derrière lui. A la suite de ce énième affront, la décision de sa mère était prise, irrévocable. Elle ne tolérerait plus davantage. Il n’avait pas été surpris de l’initiative de son père ; il agissait toujours ainsi, au gré de ses envies. Cependant, il n’était pas sûr que ce qu’envisageait sa mère fût une solution. Elle ne lui avait pas encore fourni tous les détails pour se concentrer sur les grandes lignes et le rôle qu’il aurait bientôt à jouer ; pas ceux, en l’occurrence, qui justifiaient son assurance sur le fait que tout resterait sous contrôle. Pour l’heure, elle se souciait plutôt de s’adjoindre le soutien de son autre frère et l’avait contacté dans l’espoir que ses partisans et elle pussent se réfugier en son royaume. Mais utiliser les géants pour vaincre Zeus ? Était-ce réellement une bonne idée que de les ressusciter ? Tant de choses étaient susceptibles de mal tourner… Malgré cela, il n’avait pas contesté sa mère, seulement acquiescé à ses propos. Il n’avait rien d’autre à lui proposer.
Ses yeux balayèrent le couloir, désormais vide. Les soutiens d’Héra s’étaient dispersés pour préparer leur départ. Cependant, il devinait qu’il n’était pas seul. Que Zeus envoyât Hermès suivre sa mère, rapporter ses moindres faits et gestes, ainsi que ses plans, paraissait logique. Discrètement, Héra lui avait signifié de ne rien dire, sourire aux lèvres. Elle savait mais se taisait, s’en réjouissait, même. Arès avait craint, sur l’instant, d’en comprendre la raison, et son sentiment s’était vu confirmer lorsqu’Héra lui avait brièvement explicité ce qu’elle attendait de lui. Lui n’avait ressenti nul enthousiasme, mais il n’avait pas protesté. Cependant, si les choses pouvaient aller autrement…
Arès se mit en mouvement et prit la direction de ses propres quartiers ; même si Hadès refusait leur venue, ils ne pouvaient rester sur l’Olympe. Il sentait l’attention d’Hermès peser sur lui, dans son dos. Les appartements d’Héra lui étaient interdits, la magie qui en protégeait l’accès s’en assurait. Une chance pour eux, ce qui leur avait permis de discuter des événements à suivre sans oreilles indiscrètes. Une précaution qui s’avérerait inutile si Hermès les rejoignait.
Des échos de pas et de murmures attirèrent son regard, et il reconnut Apollon et sa jumelle qui se séparaient alors qu’ils posaient les yeux sur eux. Hermès et lui étaient ceux qu’il craignait le plus de devoir combattre. Non pas par peur du combat lui-même mais de son éventuelle issue, parce qu’il ne désirait pas arriver à une telle extrémité avec eux. Parce qu’avec ce qui se profilait, la possibilité devenait plus tangible que jamais. Pour l’heure, ni l’un ni l’autre ne semblait décidé à s’opposer à leur père ; serait-il possible de les en convaincre ?
– Arès ?
L’interpellation l’extirpa de ses pensées et il s’aperçut qu’Apollon se tenait désormais à quelques pas de lui, ainsi que de ses quartiers. Une certaine hésitation baignait ses traits.
– Ta mère… ?
– Dans ses appartements, souffla Arès, tandis qu’Hermès apparaissait derrière une colonne, comme par enchantement.
Lui aussi le fixait, attentif. Il ouvrit la porte et ne dit rien tandis que ses frères lui emboîtaient automatiquement le pas. Apollon n’hésita pas à se servir une coupe ; Hermès, plus mesuré, se contenta de rester debout, dans l’attente, le jaugeant. Il leur arrivait fréquemment de se rendre dans les quartiers de l’un ou de l’autre. Arès n’avait aucune idée de ce qu’ils pensaient de lui, comment ils le percevaient, mais c’était le genre de détails qui le laissait espérer qu’il représentait quelque chose pour eux, plus qu’un simple frère parmi tant d’autres.
– Elle est toujours furieuse ? demanda Apollon avant de porter sa coupe à ses lèvres.
– Pourquoi ne le serait-elle pas ? rétorqua-t-il, et il se mordit aussitôt les joues en regrettant la note acerbe dans son ton.
Il grogna une vague excuse, gêné. Apollon ne s’en formalisa pas, bien que son regard se voilât un peu. Arès sentit son regard peser sur lui tandis qu’il l’imitait et se servait à boire à son tour.
– Vous comptez partir, n’est-ce pas ?
Arès se retourna et observa ses frères un instant. Ils attendaient sa réponse, tendus. Le guerrier aimait penser que cette situation les affectait autant que lui, que peut-être… Cependant, rien n’était moins sûr. Et mieux valait ne pas prendre ses espoirs pour une réalité.
– C’est une possibilité, admit-il, sans étayer davantage.
A ces mots, Apollon fronça les sourcils et Hermès pinça les lèvres. Cela l’incita à se justifier :
– Zeus est allé trop loin, cette fois. Vous ne pouvez pas le nier.
Seul Apollon écarta le regard, gêné.
– Et qu’espérez-vous faire, exactement ? s’inquiéta le second.
Arès ne répondit pas. Il n’était pas question d’évoquer les plans de sa mère, pas à ce stade. Leur loyauté envers leur père serait-elle plus forte que leur relation et la considération qu’ils lui portaient ? Il en craignait la réponse, comme il devinait que les heures voire les jours à venir la lui apporteraient.
Il sentait un certain fossé se creuser entre eux, une chape alourdir l’air, pesante, malaisante, pleine de non-dits. Arès s’en désolait, mais nourrissait l’espoir que ce ne fût que passager.
– Vous pourriez venir avec nous.
Les yeux d’Hermès s’écarquillèrent, ce qui donna l’impression à Arès qu’il estimait la suggestion aberrante – et cela le blessa. Ceux d’Apollon étaient plus vagues. Arès ne s’en étonna pas ; Hermès avait été le premier à aller vers le mortel, leur demi-frère, et Apollon l’avait suivi ; seul Apollon, et non Hermès, s’était présenté avec eux, cette nuit-là, pour s’opposer Zeus en train de contrevenir à ses propres lois. Des deux, il serait sans doute le moins difficile à convaincre. Arès était moins sûr qu’Hermès nourrît le moindre reproche envers leur père, en revanche. Réussirait-il à le pousser à reconsidérer les choses ?
– Zeus ne cesse de contrevenir à ses propres lois quand il a l’hypocrisie d’exiger de nous que nous les respections, et ce depuis des siècles, et il s’entête dans ses positions. Lui-même a admis ne pas être dérangé par l’idée d’apporter le chaos au passage, par ses actions ; tu dois t’en rappeler, Apollon ?
Hermès se tourna vers ce dernier qui, gêné, confirma d’un signe de tête, après un temps de retard. Le messager haussa les sourcils. Arès espéra que ce fût bon signe. Il poursuivit :
– Il ne montre aucun respect pour quiconque, ni pour sa femme, qu’il ne cesse de trahir, ni nous autres, qu’il traite avec mépris, et ni même ses multiples conquêtes, mortelles et autres, qu’il trompe pour la plupart afin de coucher avec.
Combien d’apparences Zeus n’avait-il pas empruntées afin de les duper, mortels et nymphes, et se glisser dans leur couche, s’évitant ainsi un éventuel refus ? Combien en avaient souffert en apprenant la supercherie, quand cela se produisait ?
– Nous aurions de quoi écrire sur toutes ses aventures sexuelles…, cracha-t-il d’un ton plus bas, plus pour lui-même, sombre. Zeus ne cesse de nous tourner au ridicule.
Arès avait conscience de ne nourrir qu’une bien piètre image de son père. L’absence de lien entre eux facilitait cela, le rendait plus dur que d’autres vis-à-vis de lui. Zeus n’avait jamais été un père décent pour aucun de ses enfants, et encore moins pour lui. Arès doutait même que Zeus le considérât comme tel, au-delà de leur lien biologique. Peut-être était-ce un détail de plus qui accroissait la rancœur d’Héra à l’égard de son époux, qui paraissait préférer certains de ses enfants adultérins plutôt que le fils légitime qu'elle lui avait donné. Arès, lui, n’en voulait pas à ses frères pour cela, ni ne les jalousait. D’une certaine façon, il se désolait que sa relation avec son père parût se résumer à du mépris et, de son côté, à de la crainte – une crainte qu’il jugeait justifiée, tandis qu’il se remémorait son attaque surprise dans l’arène. Zeus était injuste et ce n’était là qu’une manifestation parmi d’autres de cette injustice.
Il perçut leur réserve, et cela l’alarma.
– Je ne peux nier la véracité de tes propos, Arès, et te rejoins sur de nombreux points, se hasarda Apollon d’un ton prudent, pendant qu’il reposait sa coupe vide sur le meuble le plus proche de lui. L’attitude de Père n’est pas… sans reproche.
Il marqua une pause, réfléchissant à la formulation de ses propos, tandis qu’Hermès baissait les yeux, songeur. Arès devinait le ‘mais’ à venir, sous-entendu par l’intonation empruntée, encore en suspens, et cela accrut son angoisse. Il n’en montra cependant rien et attendit.
– Mais…
– Je ne suis pas sûr que l’idée d’Héra, quelle qu’elle soit, soit la conduite à adopter, compléta Hermès à sa place, propos qu’Apollon valida d’un acquiescement.
Arès contint un soupir.
– Vous ne savez même pas ce qu’elle a prévu de faire.
– Non, en effet, répondit Apollon. Et qu’a-t-elle prévu de faire ? Tu n’as pas répondu à Hermès, tout à l’heure.
Arès se retint de détourner les yeux, mal à l’aise.
– C’est encore en réflexion, mentit-il, un peu honteux d’en venir là avec eux. Cela signifie-t-il que nous devrions ne rien faire ? rétorqua-t-il ensuite, priant pour qu’ils n’insistassent pas sur le sujet. Laisser Zeus faire ce qu’il lui chante, que ce soit avec le mortel qu’il a ramené ou le reste ?
– Il s’appelle Héron, et c’est notre frère, lui rappela Hermès, plutôt blessé qu’en colère face au semblant de dédain qu’Arès témoignait envers le concerné.
Celui-ci se refusa de glisser sur cette pente. Le demi-dieu… Le désigner comme son frère reviendrait à trahir sa mère. De toute façon, là n’était pas le débat. Il haussa les épaules.
– Ce n’est pas tant lui le problème ici mais Zeus. Il avait d‘autres options que de l’amener sur l’Olympe.
Et dans quel but, d’ailleurs ? Arès n’y avait pas réfléchi et ne cherchait pas à comprendre les lubies de son père. Il prétendait aspirer à résoudre le problème qu’il avait lui-même créé, mais en quoi cette initiative le permettrait-elle ? Il n’avait fait que provoquer une rupture entre les dieux. Il n’aurait jamais dû agir ainsi.
– Si l’un d’entre nous avait commis seulement la moitié de ce qu’il a fait, cette personne aurait déjà été condamnée, à mort ou autre. Et lui, rien. Vous trouvez cela normal ?
– Je ne suis pas sûr qu’entrer en conflit ouvert avec lui soit la bonne solution, rétorqua Apollon. Car c’est cela qu’Héra envisage, n’est-ce pas ?
Il semblait attristé en lâchant ces mots et fixait Arès, attentif à sa future réponse. Ce dernier garda le silence, songeur. Il avait constaté seulement que la conversation ne prenait pas la tournure désirée, ainsi ne s’en rendit-il pas compte. De plus, un autre point taraudait également son esprit, à présent que la pensée lui était venue.
– Est-ce Mère le problème ?
Le brusque revirement surprit ses deux frères.
– Pardon ?
– Sa… façon de vous traiter. Est-ce pour cela que… ?
Le reste de sa phrase demeura en suspens. Arès avait conscience qu’Héra se montrait injuste et même cruelle envers eux, les traitant parfois avec un certain mépris à cause de leur origine adultérine. Le malaise qu’Hermès exprima à cette simple mention en témoignait ; le visage d’Apollon s’était, quant à lui, fermé, indéchiffrable. Combien de fois ne les avait-elle pas qualifiés de bâtards ? Le sujet le mettait toujours mal à l’aise. Il n’avait jamais osé confronter sa mère là-dessus ; peut-être le devrait-il. Sans doute, d’ailleurs. Même s’il doutait parvenir au moindre effet.
– Non, répondit Apollon dans un murmure, les yeux perdus dans le vague. Elle n’est pas… mais cela n’a rien à voir.
Il se reprit et adopta une voix plus ferme :
– Ce n’est pas le problème. Je ne suis toujours pas convaincu qu’entrer en conflit de la sorte avec notre père soit la solution. Et pour quel résultat, d’ailleurs ? Le détrôner ?
– Pourquoi pas ? s’hasarda Arès, mal à l’aise, cependant, devant la pente glissante qu’ils empruntaient. Il tient désormais davantage du tyran que du roi respectable que nous espérions qu’il soit.
– Et qui le remplacerait ? rétorqua son frère avec scepticisme.
Sur l’instant, Arès n’en eut pas la moindre idée, n’y avait pas réfléchi. Sa mère restait la reine, peut-être règnerait-elle seule ? Après tout, elle gérait déjà beaucoup de choses en l’absence de son époux, lorsqu’il prenait l’envie à ce dernier d’assouvir ses désirs… ce qui le prenait très régulièrement.
Sa gorge se noua, tandis qu’il scrutait ses frères avec attention. Il posa sa coupe derrière lui, sans même se rendre compte qu’il n’y avait finalement pas touché. Hermès affichait la même incertitude que le blond. Plus la discussion avançait, plus il en redoutait l’issue. Si seulement… mais leur révéler le plan d’Héra risquait davantage de les convaincre à s’opposer à eux plutôt qu’à les rejoindre, selon son point de vue.
Une fois encore, il détourna les yeux.
– Nous n’en sommes pas là.
– Cela reste une question à se poser, si nous suivons cette logique, insista-t-il. Nous ne pouvons pas demeurer sans roi.
– Mère peut très bien gouverner seule. En un sens, elle le fait déjà pour bien des aspects depuis des années.
L’affirmation demeura sans réponse. Arès ne remarqua pas comme les traits de ses frères s’adoucirent devant son malaise et sa moue pensive. Ni l’approche d’Hermès, jusqu’à ce que ce dernier posât sa main sur son bras, là où sa peau était nue, attirant le regard d’Arès sur lui.
– Les choses n’ont pas à aller jusque-là. Tu n’es pas obligé de suivre ta mère.
Arès croisa son regard. Il crut y lire une certaine espérance, similaire à la sienne et en même temps inverse ; mais peut-être voyait-il juste ce qu’il avait envie de voir. Apollon le fixait de la même manière. Il détourna une fois encore les yeux.
– Je ne me contente pas de suivre ma mère.
Même s’il était vrai que sa loyauté envers elle jouait énormément et le poussait à se taire sur certaines choses. Cependant, son agacement vis-à-vis de l’attitude de son père était bien réel, et il pensait vraiment qu’ils ne pouvaient plus tolérer cette situation d’hypocrisie. Qu’ils devaient réagir, d’une manière ou d’une autre.
Affligé, Hermès se détacha de lui sans le quitter des yeux.
– Ce n’est pas ce que je voulais dire.
– Je sais.
Il marqua une pause, réfléchit. Que dire d’autre ? Il ne se sentait pas doué dans ces choses-là, l’argumentation, l’éloquence. Essayer de les inciter à les rejoindre pour le suivre, lui ? Il n’osait pas, redoutait le retour, craignait que cela ne les convainquît plutôt du contraire, qu’ils considérassent l’initiative comme une sorte de chantage émotionnel. Au fond, il espérait réellement que, même sans être totalement convaincus, ils le suivissent malgré tout, au moins pour lui, qu’il comptait suffisamment pour cela ; que, tout comme lui, ils ne désiraient pas être obligés de s’affronter en ces circonstances, avec ce que cela était susceptible d’impliquer. Alors que, en définitive, il ne savait même pas ce qu’ils pensaient de lui.
Son regard se posa sur le linteau sculpté au-dessus de l’entrée de la pièce, et une vague de lassitude l’assaillit.
– Un conflit éclatera, dans tous les cas. Zeus a trop usé de notre patience. Pensez-y ; ce sera peut-être notre seule chance.
Un soupir. Il perçut du coin de l’œil les silhouettes de ses frères se mouvoir, approcher de la sortie. En pensée, il nota alors qu’il devait se faire tard. Il préféra ne pas penser plus loin.
– Toi aussi, réfléchis-y.
C’était Apollon, cette fois. La porte émit un léger grincement. En lui-même, Arès sourit, amer. Son choix était déjà fait, dans tous les cas.
Ne restait plus que le leur.
**
Arès n’avait jamais eu de réelle occasion de visiter le palais de son oncle, ni n’en avait ressenti la curiosité, du moins pas dans ses souvenirs immédiats. Les conversations allaient bon train autour de lui mais il n’y prêtait pas davantage attention. Une seule chose accaparait son esprit, à cet instant, un constat simple : ils n’étaient pas là. Ni Apollon ni Hermès n’étaient venus. Cela était sans doute moins vrai pour Hermès, qui avait dû les suivre, comme le lui avait sans nul doute ordonné leur père. Cependant, il demeurait invisible, dans les ombres, prêt à rebrousser chemin en toute discrétion pour l’informer de leur présence en ces lieux, si ce n’était pas déjà fait.
Ils avaient choisi, et l’avaient choisi lui, leur père. Ils avaient préféré lui rester loyaux, malgré ses agissements. Cette simple observation, terrible, se révélait particulièrement douloureuse pour lui. Jusqu’à la fin, Arès avait espéré qu’ils y réfléchissent et qu’ils cédassent à ses arguments – ou au moins Apollon, qui aurait pu infléchir Hermès à son tour. Ou même, désir futile et ô combien stupide, rien que pour le suivre lui, parce qu’ils l’auraient estimé plus important qu’un père qui n’en avait jamais été vraiment un pour eux, dont ils n’étaient pas si proches eux-mêmes. Mais non ; sans doute ne l’était-il pas assez, finalement, pas autant qu’eux l’étaient pour lui. Il s’était déjà douté qu’ils ne ressentaient pas la même chose que lui à son égard, et il s’y était résigné. Cependant, il avait quand même cru être plus qu’un frère parmi d’autres, en avait nourri l’illusion, mais sans doute n’était-ce que cela, justement : une surinterprétation née de ses envies, de ce qu’il aurait aimé avoir, mais qui ne coïncidait pas avec la réalité.
– Arès.
La voix de sa mère l’arracha à ses pensées. Il ne l’avait pas sentie approcher. Encore un moment plus tôt, elle se tenait auprès d’Hadès et discutait avec lui. Il glissa un instant un coup d’œil vers son oncle, qui accueillait à présent les nouveaux arrivants en son royaume.
– Va-t-il… ?
– Il affirme vouloir rester neutre, souffla Héra en croisant les bras. Cependant, il va faire savoir qu’il accueillera quiconque souhaiterait quitter l’Olympe et se joindre à nous.
Arès fit taire tout espoir en lui. Cela ne concernait pas ses frères ; ils seraient là si cela avait été leur choix. Il doutait qu’ils changeassent d’avis, à présent.
Héra balaya du regard l’environnement autour d’elle, considéra un instant ses partisans d’un œil neutre. Elle baissa la voix pour ne s’adresser qu’à lui :
– Hadès affirme qu’Hermès est parti, avertir ton père de notre arrivée ici. Nul doute qu’il reviendra me suivre à la trace. Je dois d’abord régler le problème avec cet imbécile de roi des démons qui joue les indépendants, puis nous procèderons comme je te l’ai dit. M’isoler pour que nous puissions lui prendre le gantelet ne sera pas un problème. Tâche cependant d’être discret, qu’il ne se doute de rien.
Le cœur d’Arès se serra à la perspective sous-entendue. Il ne désirait pas en arriver là, cependant les choses étaient telles qu’elles étaient. Ils avaient choisi Zeus, lui sa mère. Même si cela ne l’enchantait pas, il ferait ce qu’il avait à faire. Il devait s’y résoudre.
– Oui, mère.
Auteur : Hetepsabet (Participant.e 14)
Pour : Taliesin le Barde (Participant.e 11)
Fandom : Blood of Zeus
Persos/Couple : Hermès/Arès/Apollon, mention d’Héra et de Zeus
Rating : G
Disclaimer : Blood of Zeus appartient aux frères Parlapanides
Prompt : Ton threesome Arès/Hermès/Apollon m’intrigue beaucoup parce que l’un des trois était dans le camp opposé, j’aimerais bien avoir une scène où Arès essaie de faire adhérer les deux autres au parti d’Héra (soit en utilisant l’argument « notre père est un connard », soit d’autres arguments). Ou tu peux explorer les conséquences de cette séparation dans une scène qui se passe après, mais dans tous les cas, j’aimerais beaucoup que tu creuses le personnage d’Arès parce que je l’ai toujours trouvé intéressant, et aussi que tu explores tout l’aspect « ils ne m’ont pas suivi ». Je te laisse choisir si tu pars dans l’angst total ou si tu veux faire quelque chose de plus doux-amer.
Notes : contente de voir que quelqu’un d’autre trouve Arès intéressant ! :D J’ai essayé de caler cette scène dans le canon et je suis partie avec quelques présupposés, expliquant par exemple qu’Hermès n’a rapporté que leur présence chez Hadès. Je ne sais pas non plus comment tu perçois les personnages et leurs relations, mais j’espère que cette version te conviendra dans tous les cas.
Arès quitta la pièce et referma la porte derrière lui. A la suite de ce énième affront, la décision de sa mère était prise, irrévocable. Elle ne tolérerait plus davantage. Il n’avait pas été surpris de l’initiative de son père ; il agissait toujours ainsi, au gré de ses envies. Cependant, il n’était pas sûr que ce qu’envisageait sa mère fût une solution. Elle ne lui avait pas encore fourni tous les détails pour se concentrer sur les grandes lignes et le rôle qu’il aurait bientôt à jouer ; pas ceux, en l’occurrence, qui justifiaient son assurance sur le fait que tout resterait sous contrôle. Pour l’heure, elle se souciait plutôt de s’adjoindre le soutien de son autre frère et l’avait contacté dans l’espoir que ses partisans et elle pussent se réfugier en son royaume. Mais utiliser les géants pour vaincre Zeus ? Était-ce réellement une bonne idée que de les ressusciter ? Tant de choses étaient susceptibles de mal tourner… Malgré cela, il n’avait pas contesté sa mère, seulement acquiescé à ses propos. Il n’avait rien d’autre à lui proposer.
Ses yeux balayèrent le couloir, désormais vide. Les soutiens d’Héra s’étaient dispersés pour préparer leur départ. Cependant, il devinait qu’il n’était pas seul. Que Zeus envoyât Hermès suivre sa mère, rapporter ses moindres faits et gestes, ainsi que ses plans, paraissait logique. Discrètement, Héra lui avait signifié de ne rien dire, sourire aux lèvres. Elle savait mais se taisait, s’en réjouissait, même. Arès avait craint, sur l’instant, d’en comprendre la raison, et son sentiment s’était vu confirmer lorsqu’Héra lui avait brièvement explicité ce qu’elle attendait de lui. Lui n’avait ressenti nul enthousiasme, mais il n’avait pas protesté. Cependant, si les choses pouvaient aller autrement…
Arès se mit en mouvement et prit la direction de ses propres quartiers ; même si Hadès refusait leur venue, ils ne pouvaient rester sur l’Olympe. Il sentait l’attention d’Hermès peser sur lui, dans son dos. Les appartements d’Héra lui étaient interdits, la magie qui en protégeait l’accès s’en assurait. Une chance pour eux, ce qui leur avait permis de discuter des événements à suivre sans oreilles indiscrètes. Une précaution qui s’avérerait inutile si Hermès les rejoignait.
Des échos de pas et de murmures attirèrent son regard, et il reconnut Apollon et sa jumelle qui se séparaient alors qu’ils posaient les yeux sur eux. Hermès et lui étaient ceux qu’il craignait le plus de devoir combattre. Non pas par peur du combat lui-même mais de son éventuelle issue, parce qu’il ne désirait pas arriver à une telle extrémité avec eux. Parce qu’avec ce qui se profilait, la possibilité devenait plus tangible que jamais. Pour l’heure, ni l’un ni l’autre ne semblait décidé à s’opposer à leur père ; serait-il possible de les en convaincre ?
– Arès ?
L’interpellation l’extirpa de ses pensées et il s’aperçut qu’Apollon se tenait désormais à quelques pas de lui, ainsi que de ses quartiers. Une certaine hésitation baignait ses traits.
– Ta mère… ?
– Dans ses appartements, souffla Arès, tandis qu’Hermès apparaissait derrière une colonne, comme par enchantement.
Lui aussi le fixait, attentif. Il ouvrit la porte et ne dit rien tandis que ses frères lui emboîtaient automatiquement le pas. Apollon n’hésita pas à se servir une coupe ; Hermès, plus mesuré, se contenta de rester debout, dans l’attente, le jaugeant. Il leur arrivait fréquemment de se rendre dans les quartiers de l’un ou de l’autre. Arès n’avait aucune idée de ce qu’ils pensaient de lui, comment ils le percevaient, mais c’était le genre de détails qui le laissait espérer qu’il représentait quelque chose pour eux, plus qu’un simple frère parmi tant d’autres.
– Elle est toujours furieuse ? demanda Apollon avant de porter sa coupe à ses lèvres.
– Pourquoi ne le serait-elle pas ? rétorqua-t-il, et il se mordit aussitôt les joues en regrettant la note acerbe dans son ton.
Il grogna une vague excuse, gêné. Apollon ne s’en formalisa pas, bien que son regard se voilât un peu. Arès sentit son regard peser sur lui tandis qu’il l’imitait et se servait à boire à son tour.
– Vous comptez partir, n’est-ce pas ?
Arès se retourna et observa ses frères un instant. Ils attendaient sa réponse, tendus. Le guerrier aimait penser que cette situation les affectait autant que lui, que peut-être… Cependant, rien n’était moins sûr. Et mieux valait ne pas prendre ses espoirs pour une réalité.
– C’est une possibilité, admit-il, sans étayer davantage.
A ces mots, Apollon fronça les sourcils et Hermès pinça les lèvres. Cela l’incita à se justifier :
– Zeus est allé trop loin, cette fois. Vous ne pouvez pas le nier.
Seul Apollon écarta le regard, gêné.
– Et qu’espérez-vous faire, exactement ? s’inquiéta le second.
Arès ne répondit pas. Il n’était pas question d’évoquer les plans de sa mère, pas à ce stade. Leur loyauté envers leur père serait-elle plus forte que leur relation et la considération qu’ils lui portaient ? Il en craignait la réponse, comme il devinait que les heures voire les jours à venir la lui apporteraient.
Il sentait un certain fossé se creuser entre eux, une chape alourdir l’air, pesante, malaisante, pleine de non-dits. Arès s’en désolait, mais nourrissait l’espoir que ce ne fût que passager.
– Vous pourriez venir avec nous.
Les yeux d’Hermès s’écarquillèrent, ce qui donna l’impression à Arès qu’il estimait la suggestion aberrante – et cela le blessa. Ceux d’Apollon étaient plus vagues. Arès ne s’en étonna pas ; Hermès avait été le premier à aller vers le mortel, leur demi-frère, et Apollon l’avait suivi ; seul Apollon, et non Hermès, s’était présenté avec eux, cette nuit-là, pour s’opposer Zeus en train de contrevenir à ses propres lois. Des deux, il serait sans doute le moins difficile à convaincre. Arès était moins sûr qu’Hermès nourrît le moindre reproche envers leur père, en revanche. Réussirait-il à le pousser à reconsidérer les choses ?
– Zeus ne cesse de contrevenir à ses propres lois quand il a l’hypocrisie d’exiger de nous que nous les respections, et ce depuis des siècles, et il s’entête dans ses positions. Lui-même a admis ne pas être dérangé par l’idée d’apporter le chaos au passage, par ses actions ; tu dois t’en rappeler, Apollon ?
Hermès se tourna vers ce dernier qui, gêné, confirma d’un signe de tête, après un temps de retard. Le messager haussa les sourcils. Arès espéra que ce fût bon signe. Il poursuivit :
– Il ne montre aucun respect pour quiconque, ni pour sa femme, qu’il ne cesse de trahir, ni nous autres, qu’il traite avec mépris, et ni même ses multiples conquêtes, mortelles et autres, qu’il trompe pour la plupart afin de coucher avec.
Combien d’apparences Zeus n’avait-il pas empruntées afin de les duper, mortels et nymphes, et se glisser dans leur couche, s’évitant ainsi un éventuel refus ? Combien en avaient souffert en apprenant la supercherie, quand cela se produisait ?
– Nous aurions de quoi écrire sur toutes ses aventures sexuelles…, cracha-t-il d’un ton plus bas, plus pour lui-même, sombre. Zeus ne cesse de nous tourner au ridicule.
Arès avait conscience de ne nourrir qu’une bien piètre image de son père. L’absence de lien entre eux facilitait cela, le rendait plus dur que d’autres vis-à-vis de lui. Zeus n’avait jamais été un père décent pour aucun de ses enfants, et encore moins pour lui. Arès doutait même que Zeus le considérât comme tel, au-delà de leur lien biologique. Peut-être était-ce un détail de plus qui accroissait la rancœur d’Héra à l’égard de son époux, qui paraissait préférer certains de ses enfants adultérins plutôt que le fils légitime qu'elle lui avait donné. Arès, lui, n’en voulait pas à ses frères pour cela, ni ne les jalousait. D’une certaine façon, il se désolait que sa relation avec son père parût se résumer à du mépris et, de son côté, à de la crainte – une crainte qu’il jugeait justifiée, tandis qu’il se remémorait son attaque surprise dans l’arène. Zeus était injuste et ce n’était là qu’une manifestation parmi d’autres de cette injustice.
Il perçut leur réserve, et cela l’alarma.
– Je ne peux nier la véracité de tes propos, Arès, et te rejoins sur de nombreux points, se hasarda Apollon d’un ton prudent, pendant qu’il reposait sa coupe vide sur le meuble le plus proche de lui. L’attitude de Père n’est pas… sans reproche.
Il marqua une pause, réfléchissant à la formulation de ses propos, tandis qu’Hermès baissait les yeux, songeur. Arès devinait le ‘mais’ à venir, sous-entendu par l’intonation empruntée, encore en suspens, et cela accrut son angoisse. Il n’en montra cependant rien et attendit.
– Mais…
– Je ne suis pas sûr que l’idée d’Héra, quelle qu’elle soit, soit la conduite à adopter, compléta Hermès à sa place, propos qu’Apollon valida d’un acquiescement.
Arès contint un soupir.
– Vous ne savez même pas ce qu’elle a prévu de faire.
– Non, en effet, répondit Apollon. Et qu’a-t-elle prévu de faire ? Tu n’as pas répondu à Hermès, tout à l’heure.
Arès se retint de détourner les yeux, mal à l’aise.
– C’est encore en réflexion, mentit-il, un peu honteux d’en venir là avec eux. Cela signifie-t-il que nous devrions ne rien faire ? rétorqua-t-il ensuite, priant pour qu’ils n’insistassent pas sur le sujet. Laisser Zeus faire ce qu’il lui chante, que ce soit avec le mortel qu’il a ramené ou le reste ?
– Il s’appelle Héron, et c’est notre frère, lui rappela Hermès, plutôt blessé qu’en colère face au semblant de dédain qu’Arès témoignait envers le concerné.
Celui-ci se refusa de glisser sur cette pente. Le demi-dieu… Le désigner comme son frère reviendrait à trahir sa mère. De toute façon, là n’était pas le débat. Il haussa les épaules.
– Ce n’est pas tant lui le problème ici mais Zeus. Il avait d‘autres options que de l’amener sur l’Olympe.
Et dans quel but, d’ailleurs ? Arès n’y avait pas réfléchi et ne cherchait pas à comprendre les lubies de son père. Il prétendait aspirer à résoudre le problème qu’il avait lui-même créé, mais en quoi cette initiative le permettrait-elle ? Il n’avait fait que provoquer une rupture entre les dieux. Il n’aurait jamais dû agir ainsi.
– Si l’un d’entre nous avait commis seulement la moitié de ce qu’il a fait, cette personne aurait déjà été condamnée, à mort ou autre. Et lui, rien. Vous trouvez cela normal ?
– Je ne suis pas sûr qu’entrer en conflit ouvert avec lui soit la bonne solution, rétorqua Apollon. Car c’est cela qu’Héra envisage, n’est-ce pas ?
Il semblait attristé en lâchant ces mots et fixait Arès, attentif à sa future réponse. Ce dernier garda le silence, songeur. Il avait constaté seulement que la conversation ne prenait pas la tournure désirée, ainsi ne s’en rendit-il pas compte. De plus, un autre point taraudait également son esprit, à présent que la pensée lui était venue.
– Est-ce Mère le problème ?
Le brusque revirement surprit ses deux frères.
– Pardon ?
– Sa… façon de vous traiter. Est-ce pour cela que… ?
Le reste de sa phrase demeura en suspens. Arès avait conscience qu’Héra se montrait injuste et même cruelle envers eux, les traitant parfois avec un certain mépris à cause de leur origine adultérine. Le malaise qu’Hermès exprima à cette simple mention en témoignait ; le visage d’Apollon s’était, quant à lui, fermé, indéchiffrable. Combien de fois ne les avait-elle pas qualifiés de bâtards ? Le sujet le mettait toujours mal à l’aise. Il n’avait jamais osé confronter sa mère là-dessus ; peut-être le devrait-il. Sans doute, d’ailleurs. Même s’il doutait parvenir au moindre effet.
– Non, répondit Apollon dans un murmure, les yeux perdus dans le vague. Elle n’est pas… mais cela n’a rien à voir.
Il se reprit et adopta une voix plus ferme :
– Ce n’est pas le problème. Je ne suis toujours pas convaincu qu’entrer en conflit de la sorte avec notre père soit la solution. Et pour quel résultat, d’ailleurs ? Le détrôner ?
– Pourquoi pas ? s’hasarda Arès, mal à l’aise, cependant, devant la pente glissante qu’ils empruntaient. Il tient désormais davantage du tyran que du roi respectable que nous espérions qu’il soit.
– Et qui le remplacerait ? rétorqua son frère avec scepticisme.
Sur l’instant, Arès n’en eut pas la moindre idée, n’y avait pas réfléchi. Sa mère restait la reine, peut-être règnerait-elle seule ? Après tout, elle gérait déjà beaucoup de choses en l’absence de son époux, lorsqu’il prenait l’envie à ce dernier d’assouvir ses désirs… ce qui le prenait très régulièrement.
Sa gorge se noua, tandis qu’il scrutait ses frères avec attention. Il posa sa coupe derrière lui, sans même se rendre compte qu’il n’y avait finalement pas touché. Hermès affichait la même incertitude que le blond. Plus la discussion avançait, plus il en redoutait l’issue. Si seulement… mais leur révéler le plan d’Héra risquait davantage de les convaincre à s’opposer à eux plutôt qu’à les rejoindre, selon son point de vue.
Une fois encore, il détourna les yeux.
– Nous n’en sommes pas là.
– Cela reste une question à se poser, si nous suivons cette logique, insista-t-il. Nous ne pouvons pas demeurer sans roi.
– Mère peut très bien gouverner seule. En un sens, elle le fait déjà pour bien des aspects depuis des années.
L’affirmation demeura sans réponse. Arès ne remarqua pas comme les traits de ses frères s’adoucirent devant son malaise et sa moue pensive. Ni l’approche d’Hermès, jusqu’à ce que ce dernier posât sa main sur son bras, là où sa peau était nue, attirant le regard d’Arès sur lui.
– Les choses n’ont pas à aller jusque-là. Tu n’es pas obligé de suivre ta mère.
Arès croisa son regard. Il crut y lire une certaine espérance, similaire à la sienne et en même temps inverse ; mais peut-être voyait-il juste ce qu’il avait envie de voir. Apollon le fixait de la même manière. Il détourna une fois encore les yeux.
– Je ne me contente pas de suivre ma mère.
Même s’il était vrai que sa loyauté envers elle jouait énormément et le poussait à se taire sur certaines choses. Cependant, son agacement vis-à-vis de l’attitude de son père était bien réel, et il pensait vraiment qu’ils ne pouvaient plus tolérer cette situation d’hypocrisie. Qu’ils devaient réagir, d’une manière ou d’une autre.
Affligé, Hermès se détacha de lui sans le quitter des yeux.
– Ce n’est pas ce que je voulais dire.
– Je sais.
Il marqua une pause, réfléchit. Que dire d’autre ? Il ne se sentait pas doué dans ces choses-là, l’argumentation, l’éloquence. Essayer de les inciter à les rejoindre pour le suivre, lui ? Il n’osait pas, redoutait le retour, craignait que cela ne les convainquît plutôt du contraire, qu’ils considérassent l’initiative comme une sorte de chantage émotionnel. Au fond, il espérait réellement que, même sans être totalement convaincus, ils le suivissent malgré tout, au moins pour lui, qu’il comptait suffisamment pour cela ; que, tout comme lui, ils ne désiraient pas être obligés de s’affronter en ces circonstances, avec ce que cela était susceptible d’impliquer. Alors que, en définitive, il ne savait même pas ce qu’ils pensaient de lui.
Son regard se posa sur le linteau sculpté au-dessus de l’entrée de la pièce, et une vague de lassitude l’assaillit.
– Un conflit éclatera, dans tous les cas. Zeus a trop usé de notre patience. Pensez-y ; ce sera peut-être notre seule chance.
Un soupir. Il perçut du coin de l’œil les silhouettes de ses frères se mouvoir, approcher de la sortie. En pensée, il nota alors qu’il devait se faire tard. Il préféra ne pas penser plus loin.
– Toi aussi, réfléchis-y.
C’était Apollon, cette fois. La porte émit un léger grincement. En lui-même, Arès sourit, amer. Son choix était déjà fait, dans tous les cas.
Ne restait plus que le leur.
**
Arès n’avait jamais eu de réelle occasion de visiter le palais de son oncle, ni n’en avait ressenti la curiosité, du moins pas dans ses souvenirs immédiats. Les conversations allaient bon train autour de lui mais il n’y prêtait pas davantage attention. Une seule chose accaparait son esprit, à cet instant, un constat simple : ils n’étaient pas là. Ni Apollon ni Hermès n’étaient venus. Cela était sans doute moins vrai pour Hermès, qui avait dû les suivre, comme le lui avait sans nul doute ordonné leur père. Cependant, il demeurait invisible, dans les ombres, prêt à rebrousser chemin en toute discrétion pour l’informer de leur présence en ces lieux, si ce n’était pas déjà fait.
Ils avaient choisi, et l’avaient choisi lui, leur père. Ils avaient préféré lui rester loyaux, malgré ses agissements. Cette simple observation, terrible, se révélait particulièrement douloureuse pour lui. Jusqu’à la fin, Arès avait espéré qu’ils y réfléchissent et qu’ils cédassent à ses arguments – ou au moins Apollon, qui aurait pu infléchir Hermès à son tour. Ou même, désir futile et ô combien stupide, rien que pour le suivre lui, parce qu’ils l’auraient estimé plus important qu’un père qui n’en avait jamais été vraiment un pour eux, dont ils n’étaient pas si proches eux-mêmes. Mais non ; sans doute ne l’était-il pas assez, finalement, pas autant qu’eux l’étaient pour lui. Il s’était déjà douté qu’ils ne ressentaient pas la même chose que lui à son égard, et il s’y était résigné. Cependant, il avait quand même cru être plus qu’un frère parmi d’autres, en avait nourri l’illusion, mais sans doute n’était-ce que cela, justement : une surinterprétation née de ses envies, de ce qu’il aurait aimé avoir, mais qui ne coïncidait pas avec la réalité.
– Arès.
La voix de sa mère l’arracha à ses pensées. Il ne l’avait pas sentie approcher. Encore un moment plus tôt, elle se tenait auprès d’Hadès et discutait avec lui. Il glissa un instant un coup d’œil vers son oncle, qui accueillait à présent les nouveaux arrivants en son royaume.
– Va-t-il… ?
– Il affirme vouloir rester neutre, souffla Héra en croisant les bras. Cependant, il va faire savoir qu’il accueillera quiconque souhaiterait quitter l’Olympe et se joindre à nous.
Arès fit taire tout espoir en lui. Cela ne concernait pas ses frères ; ils seraient là si cela avait été leur choix. Il doutait qu’ils changeassent d’avis, à présent.
Héra balaya du regard l’environnement autour d’elle, considéra un instant ses partisans d’un œil neutre. Elle baissa la voix pour ne s’adresser qu’à lui :
– Hadès affirme qu’Hermès est parti, avertir ton père de notre arrivée ici. Nul doute qu’il reviendra me suivre à la trace. Je dois d’abord régler le problème avec cet imbécile de roi des démons qui joue les indépendants, puis nous procèderons comme je te l’ai dit. M’isoler pour que nous puissions lui prendre le gantelet ne sera pas un problème. Tâche cependant d’être discret, qu’il ne se doute de rien.
Le cœur d’Arès se serra à la perspective sous-entendue. Il ne désirait pas en arriver là, cependant les choses étaient telles qu’elles étaient. Ils avaient choisi Zeus, lui sa mère. Même si cela ne l’enchantait pas, il ferait ce qu’il avait à faire. Il devait s’y résoudre.
– Oui, mère.