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Titre : Café et chocolat
Auteur : Sitka (Participant 8)
Pour : Pince à linge (Participant 26)
Fandom : Pokémon (jeux)
Persos/Couple : Red/Green
Rating : PG
Disclaimer : Pokémon est la propriété de Nintendo.
Prompt : Pokémon (jeux) - Red (héros) et Green (le rival) durant la génération OAC : Entre le moment où Green est devenu maître d'arène et la « disparition » officielle de Red, les deux se retrouvent par hasard à Lavanville. J'aimerais une atmosphère très maladroite entre les deux, que l'on voie clairement que leur rivalité a disparu et qu'ils n'arrivent pas à maîtriser complètement leur nouvelle relation, que ce soit juste professionnel, de l'amitié, du pré-slash ou du slash. Bonus si Red laisse entrevoir la raison qui justifiera son retranchement.
Notes : J'ai fait quelques petites recherches parce que mes souvenirs des jeux sont assez confus, du coup s'il y a des éléments inexacts je m'en excuse. Il y a aussi des choses inventées pour les besoins de cette fic.
Lavanville n'avait pas le cachet de Céladopole ou le charme désuet de Bourg Palette, mais il y avait dans l'air un je-ne-sais-quoi d'unique qui vous poussait à flâner dans les rues sans vous soucier du temps ou des circonstances. Green n'avait jamais été un grand romantique ; pourtant, il se sentait presque inspiré en traversant l'avenue qui séparait le Centre Pokémon de la Tour Pokémon. Il faut dire que la ville éveillait en lui de vieux souvenirs. Ou, s'il était assez honnête pour l'admettre sans ricaner, un en particulier : son combat contre Red dans la Tour Pokémon, et sa défaite cuisante face au pikachu de celui-ci.
S'il était pris de tels accès de mélancolie à chaque retour dans un lieu où il avait affronté Red, il n'avait pas fini ! Chaque ville de Kanto avait été le témoin de leurs affrontements, à commencer par le Bourg Palette, où tout avait commencé. Il n'y avait rien de nouveau à cela. Chaque fois qu'ils se croisaient, c'était pour se défier et se battre, que ce soit par pokémons interposés ou pas. C'était ainsi depuis toujours : Red et lui étaient rivaux, un point c'est tout.
– Tu as l'air stupide à garder le nez en l'air comme ça, fit une voix derrière lui.
Green ne put s'empêcher de pousser un grognement ironique. Quand on parle du Suicune ! Green se retourna vivement, la main déjà sur sa ceinture, étreignant la première pokéball du lot. Rhinoféros. Il était aussi bien qu'un autre pour débuter le combat.
– Du calme, je ne suis pas là pour me battre.
– Ah oui ?
– Évidemment. Je ne savais même pas que tu étais ici.
– Alors que fais-tu là ?
– Un vainqueur de Ligue n'a pas le droit de se balader ?
Green fronça les sourcils, troublé. Vainqueur de Ligue. Il avait tendance à l'oublier. Pour lui, Red serait toujours le gamin un peu idiot qui lui avait chipé sa peluche de Rondoudou à l'âge de trois ans pour jouer au coordinateur, pas un dresseur compétent qui avait battu son quota de champions d'arènes. Comme quoi, la vie vous réservait des surprises pas toujours agréables.
– Tu comptes rester là à me zieuter d'un air méchant ou on peut bouger ? Les passants commencent à croire qu'on va se défier en combat pokémon.
– Pourquoi pas ? fit Green, méfiant. C'est ce qu'on fait toujours, non ?
Red se tut.
– Alors ?
– Je t'offre un verre, en souvenir du bon vieux temps ? Café, thé, chocolat, soda, même de l'alcool si t'as envie. C'est moi qui paye.
Green le regarda sans comprendre.
– Quoi ? C'est une offre honnête, non ? Pour une fois que c'est moi qui paye !
– Tu parles, balbutia Green. Tout cet argent, tu me l'as extorqué après nos combats.
– Après tes défaites, tu veux dire. Je l'ai gagné !
– Je croyais que tu ne voulais pas te battre ? fit Green, irrité cette fois.
– Je ne le veux pas !
– Alors arrête de me défier !
– Je ne l'ai pas fait !
Tout près d'eux, un vieillard à la longue barbe fournie toussa.
– Décidez-vous, les enfants. Ou vous allez boire un verre, ou vous vous battez ici et maintenant, mais ne dérangez pas le commerce. J'ai des remèdes à vendre, moi.
D'un geste, il désigna son modeste étal ainsi que la dizaine de passants qu'une perspective de combat pokémon avait fait s'arrêter dans leurs déambulations. Green fit la grimace. Pourquoi fallait-il qu'à chaque fois qu'il croise Red, cela finisse en dispute ?
– On y va, dit Red sur un ton déterminé. Désolé du dérangement.
Il empoigna le bras de Green avant qu'il ait eu le temps de protester et l'entraîna loin de la rue principale, à la grande déception de leur public. Green fixa son bras. Red avait posé la main sur lui, sans lui faire de mal ou tenter de lui en faire. C'était un acte presque... intime. Dérangeant. Il fit un geste pour essayer de se débattre, sans y arriver. Cela plus que la pose en elle-même le surprit.
– C'est là. Ils servent un chocolat excellent, à ce qu'il paraît.
Il s'étaient arrêtés devant un petit café sans prétentions, à l'extrémité sud-ouest de la ville. La façade présentait bien, avec ses pokémons plante peints à la main et ses vitres joliment ornées de rideaux à fleurs. Ce n'était pas vraiment le style de Green. Celui de Red non plus d'ailleurs.
Une serveuse habillée d'un tablier à carreaux les installa à la terrasse. Green commanda un café, Red un chocolat chaud avec supplément de lait. Lorsqu'elle fut partie, un silence inconfortable prit place.
Red fit un pâle sourire.
– Tu aimes le café maintenant ? demanda-t-il, la voix grêle.
– Pas vraiment. Mais je m'y suis habitué.
– Oh.
Il baissa les yeux.
– Félicitations pour ta nomination. Champion d'arène. Wow.
Ce fut au tour de Green de détourner le regard.
– Merci.
La serveuse leur apporta les boissons. Ils restèrent sans parler tant qu'elle fut présente ; seul Red lança un « merci ! » sans conviction à la fin. Elle leur fit un sourire éclatant. Que devait-elle penser ? Deux grands garçons comme ça, assis tout penauds à la terrasse d'un café. Ils n'osaient même plus se regarder. C'était ridicule. Green sentit le rouge lui venir aux joues.
– Prenez votre temps, dit-elle d'une voix douce. Et n'hésitez pas à m'appeler si vous avez besoin de quoi que ce soit.
Son départ n'atténua en rien la tension qui s'était installée, bien au contraire. Pour rompre cela, Green prit sa cuillère et s'en servit pour touiller son café.
– Tu ne mets pas de sucre ?
– Non.
– Pourquoi ?
– Je le préfère noir.
– Mais tu adores le sucre ! Tu en mettais tout le temps dans le lait !
– Les goûts changent.
Red plongea son regard dans son chocolat.
– Je sais.
Il n'y avait rien à ajouter. Green goûta son café du bout des lèvres. Amer. Red ne fit pas un geste en sa direction.
– Je n'aime pas ça, chuchota-t-il.
– On s'y habitue.
– Pas moi.
Il se saisit de la petite carafe de lait que la serveuse avait posée pour Green et en versa le contenu dans sa tasse, jusqu'à la faire presque déborder.
– Tu as déjà beaucoup de lait dans ton chocolat, fit remarquer Green, sans manifester la moindre animosité envers ce manque de tenue.
Ce n'était que du lait. Si Red le voulait... ce n'était que du lait. Cela n'avait pas d'importance. Plus vraiment.
– Ce n'était pas assez, dit Red. Il m'en faut plus. Toujours plus.
– Il y a un moment où tu ne pourras plus en avoir autant.
– Je sais.
Il restait un fond de lait. Red vida la carafe. Sa tasse déborda, inondant la nappe à fleurs.
– Tu ne peux plus le boire, maintenant. Demande un torchon. La serveuse va essuyer ça.
– Non.
Red esquissa l'ombre d'un sourire.
– C'est ma faute si ça en est arrivé là. Je vais le boire. Même s'il y en a trop ou si je me salis les mains. C'est ma faute.
Green étreignit sa tasse. Un souvenir fugitif lui traversa l'esprit, l'éclat de voix d'un enfant qui le défie, un match qui tourne mal. Ils aimaient tellement les pokémons ! Red lui sourit pour de bon cette fois, un sourire douloureux qui n'avait rien de naturel.
– Tu te souviens d'Évoli ? Tu l'adorais.
– Je m'en souviens, fit Green d'une voix plus sèche qu'il ne l'avait voulu.
Le sourire de Red se crispa.
– Comment va-t-il ?
– Bien.
Bien. Il n'y avait rien à ajouter. Évoli passait ses journées à jouer dans le jardin du professeur Chêne. Sa patte ne guérirait jamais, mais il était heureux, autant qu'il pouvait l'être.
Green aussi était heureux. Il était champion d'arène. C'était quelque chose, ça. Moins que vainqueur de Ligue, mais c'était là un honneur qu'un seul pouvait prétendre. Il se trouve que cette fois, cet honneur revenait à Red.
– Tu es heureux ? demanda Red.
Green se raidit. Red avait le don de le surprendre, même après toutes ces années. Il posa sa tasse, réfléchit à ce qu'il allait dire.
Il était sûrement heureux. Autant qu'il pouvait l'être, il était heureux. Le goût du café lui remonta à la langue.
– Oui, dit-il, les doigts crispés sur sa tasse. Je voulais faire la différence en tant que dresseur. Je suis champion d'arène à présent. C'est ce que j'ai toujours voulu, depuis que je suis tout petit.
– Je sais.
– Et toi tu es vainqueur de Ligue, continua Green sans faire attention à la manière dont Red l'observait. Personne ne peut t'égaler. Tu es le meilleur. C'est ce que tu voulais, non ?
– Je voulais être meilleur que toi, répliqua Red. Mais toi, tu...
Il ricana.
– Tu es très bon. Champion d'arène. Wow.
– Tu l'as déjà dit. Tu as réussi ton pari, tu sais. Tu m'as battu à chacun de nos combats, et maintenant tu dois être le dresseur le plus puissant qui existe. Il y a de quoi être fier.
– Tu en parles comme si ça t'était égal.
Green soupira.
– Disons que je suis allé aussi loin que je le pouvais. Toi, tu es allé plus loin encore. Trop pour moi, je crois.
– Tu n'en sais rien !
– Si, je le sais. Tu ne nous as pas écoutés ? Je suis très bien où je suis. Mais toi, tu n'en a pas assez, tu n'en auras jamais assez. C'est comme ça. C'est fini pour moi. Pour toi, ça commence à peine. Tu as de quoi devenir une légende dans ce monde, Red. Je suis sûr que dans plusieurs années, les gens parleront encore de toi. Chaque enfant qui recevra son premier pokémon se demandera si un jour il parviendra à t'égaler.
– Mais pas toi, chuchota Red.
– Je ne suis plus un enfant, dit calmement Green. Le voyage est fini pour moi. Il est temps que je pense à mon avenir.
Que dire d'autre ? Oui, Green était globalement satisfait de sa vie. Red baissa les yeux sur sa tasse et sur le désordre qu'il avait mis.
– Tu es devenu plus fort. Beaucoup plus fort.
– Tu trouves ?
Green se mit à rire. Où trouvait-il la force de le faire ? Il avait l'impression de sortir à peine d'un long tunnel sombre. Red leva enfin les yeux vers lui et rit aussi.
– Oh oui. Tu peux me croire.
– À ce rythme, j'espère ne pas devenir gâteux avant l'âge.
– Tu n'as pas intérêt. Je n'aimerais pas affronter un vieux pépé la prochaine fois qu'on se reverra.
– Tu comptes continuer ton périple ?
Red haussa les épaules.
– Tu me connais, je suis un peu simple. Pour moi, la force c'est la force. Mais il y a des choses qu'on doit faire seul. Toi, tu as trouvé ta voie. Je dois me préparer.
– À quoi ?
Red ne répondit pas. Il sortit une bourse pleine de sa poche, largement de quoi payer cinquante cafés s'il le fallait.
– Pour le désordre, dit-il. Le chocolat était excellent.
– Tu t'en vas déjà ?
– Oui. Je t'ai dit, je dois me préparer.
– Ah bon.
– Toi aussi.
– Hein ?
Le visage de Red se rapprocha. Quelque chose frôla les lèvres de Green, trop rapidement pour qu'il puisse réagir. Puis Red partit en courant, riant aux éclats.
– À plus tard !
Green se pourlécha les lèvres. Red avait raison, ce chocolat était décidément excellent. Il se leva et quitta le café sans un regard en arrière. Il devait rentrer à Jadielle. Dès le lendemain, son arène serait prise d'assaut par tous les nouveaux dresseurs de la région soucieux de se faire une place dans la compétition.
Le voyage était fini pour lui. Ne restait que l'attente. Tout bien considéré, ce n'était pas si mal.
– À plus tard, murmura-t-il à personne en particulier.
Auteur : Sitka (Participant 8)
Pour : Pince à linge (Participant 26)
Fandom : Pokémon (jeux)
Persos/Couple : Red/Green
Rating : PG
Disclaimer : Pokémon est la propriété de Nintendo.
Prompt : Pokémon (jeux) - Red (héros) et Green (le rival) durant la génération OAC : Entre le moment où Green est devenu maître d'arène et la « disparition » officielle de Red, les deux se retrouvent par hasard à Lavanville. J'aimerais une atmosphère très maladroite entre les deux, que l'on voie clairement que leur rivalité a disparu et qu'ils n'arrivent pas à maîtriser complètement leur nouvelle relation, que ce soit juste professionnel, de l'amitié, du pré-slash ou du slash. Bonus si Red laisse entrevoir la raison qui justifiera son retranchement.
Notes : J'ai fait quelques petites recherches parce que mes souvenirs des jeux sont assez confus, du coup s'il y a des éléments inexacts je m'en excuse. Il y a aussi des choses inventées pour les besoins de cette fic.
Lavanville n'avait pas le cachet de Céladopole ou le charme désuet de Bourg Palette, mais il y avait dans l'air un je-ne-sais-quoi d'unique qui vous poussait à flâner dans les rues sans vous soucier du temps ou des circonstances. Green n'avait jamais été un grand romantique ; pourtant, il se sentait presque inspiré en traversant l'avenue qui séparait le Centre Pokémon de la Tour Pokémon. Il faut dire que la ville éveillait en lui de vieux souvenirs. Ou, s'il était assez honnête pour l'admettre sans ricaner, un en particulier : son combat contre Red dans la Tour Pokémon, et sa défaite cuisante face au pikachu de celui-ci.
S'il était pris de tels accès de mélancolie à chaque retour dans un lieu où il avait affronté Red, il n'avait pas fini ! Chaque ville de Kanto avait été le témoin de leurs affrontements, à commencer par le Bourg Palette, où tout avait commencé. Il n'y avait rien de nouveau à cela. Chaque fois qu'ils se croisaient, c'était pour se défier et se battre, que ce soit par pokémons interposés ou pas. C'était ainsi depuis toujours : Red et lui étaient rivaux, un point c'est tout.
– Tu as l'air stupide à garder le nez en l'air comme ça, fit une voix derrière lui.
Green ne put s'empêcher de pousser un grognement ironique. Quand on parle du Suicune ! Green se retourna vivement, la main déjà sur sa ceinture, étreignant la première pokéball du lot. Rhinoféros. Il était aussi bien qu'un autre pour débuter le combat.
– Du calme, je ne suis pas là pour me battre.
– Ah oui ?
– Évidemment. Je ne savais même pas que tu étais ici.
– Alors que fais-tu là ?
– Un vainqueur de Ligue n'a pas le droit de se balader ?
Green fronça les sourcils, troublé. Vainqueur de Ligue. Il avait tendance à l'oublier. Pour lui, Red serait toujours le gamin un peu idiot qui lui avait chipé sa peluche de Rondoudou à l'âge de trois ans pour jouer au coordinateur, pas un dresseur compétent qui avait battu son quota de champions d'arènes. Comme quoi, la vie vous réservait des surprises pas toujours agréables.
– Tu comptes rester là à me zieuter d'un air méchant ou on peut bouger ? Les passants commencent à croire qu'on va se défier en combat pokémon.
– Pourquoi pas ? fit Green, méfiant. C'est ce qu'on fait toujours, non ?
Red se tut.
– Alors ?
– Je t'offre un verre, en souvenir du bon vieux temps ? Café, thé, chocolat, soda, même de l'alcool si t'as envie. C'est moi qui paye.
Green le regarda sans comprendre.
– Quoi ? C'est une offre honnête, non ? Pour une fois que c'est moi qui paye !
– Tu parles, balbutia Green. Tout cet argent, tu me l'as extorqué après nos combats.
– Après tes défaites, tu veux dire. Je l'ai gagné !
– Je croyais que tu ne voulais pas te battre ? fit Green, irrité cette fois.
– Je ne le veux pas !
– Alors arrête de me défier !
– Je ne l'ai pas fait !
Tout près d'eux, un vieillard à la longue barbe fournie toussa.
– Décidez-vous, les enfants. Ou vous allez boire un verre, ou vous vous battez ici et maintenant, mais ne dérangez pas le commerce. J'ai des remèdes à vendre, moi.
D'un geste, il désigna son modeste étal ainsi que la dizaine de passants qu'une perspective de combat pokémon avait fait s'arrêter dans leurs déambulations. Green fit la grimace. Pourquoi fallait-il qu'à chaque fois qu'il croise Red, cela finisse en dispute ?
– On y va, dit Red sur un ton déterminé. Désolé du dérangement.
Il empoigna le bras de Green avant qu'il ait eu le temps de protester et l'entraîna loin de la rue principale, à la grande déception de leur public. Green fixa son bras. Red avait posé la main sur lui, sans lui faire de mal ou tenter de lui en faire. C'était un acte presque... intime. Dérangeant. Il fit un geste pour essayer de se débattre, sans y arriver. Cela plus que la pose en elle-même le surprit.
– C'est là. Ils servent un chocolat excellent, à ce qu'il paraît.
Il s'étaient arrêtés devant un petit café sans prétentions, à l'extrémité sud-ouest de la ville. La façade présentait bien, avec ses pokémons plante peints à la main et ses vitres joliment ornées de rideaux à fleurs. Ce n'était pas vraiment le style de Green. Celui de Red non plus d'ailleurs.
Une serveuse habillée d'un tablier à carreaux les installa à la terrasse. Green commanda un café, Red un chocolat chaud avec supplément de lait. Lorsqu'elle fut partie, un silence inconfortable prit place.
Red fit un pâle sourire.
– Tu aimes le café maintenant ? demanda-t-il, la voix grêle.
– Pas vraiment. Mais je m'y suis habitué.
– Oh.
Il baissa les yeux.
– Félicitations pour ta nomination. Champion d'arène. Wow.
Ce fut au tour de Green de détourner le regard.
– Merci.
La serveuse leur apporta les boissons. Ils restèrent sans parler tant qu'elle fut présente ; seul Red lança un « merci ! » sans conviction à la fin. Elle leur fit un sourire éclatant. Que devait-elle penser ? Deux grands garçons comme ça, assis tout penauds à la terrasse d'un café. Ils n'osaient même plus se regarder. C'était ridicule. Green sentit le rouge lui venir aux joues.
– Prenez votre temps, dit-elle d'une voix douce. Et n'hésitez pas à m'appeler si vous avez besoin de quoi que ce soit.
Son départ n'atténua en rien la tension qui s'était installée, bien au contraire. Pour rompre cela, Green prit sa cuillère et s'en servit pour touiller son café.
– Tu ne mets pas de sucre ?
– Non.
– Pourquoi ?
– Je le préfère noir.
– Mais tu adores le sucre ! Tu en mettais tout le temps dans le lait !
– Les goûts changent.
Red plongea son regard dans son chocolat.
– Je sais.
Il n'y avait rien à ajouter. Green goûta son café du bout des lèvres. Amer. Red ne fit pas un geste en sa direction.
– Je n'aime pas ça, chuchota-t-il.
– On s'y habitue.
– Pas moi.
Il se saisit de la petite carafe de lait que la serveuse avait posée pour Green et en versa le contenu dans sa tasse, jusqu'à la faire presque déborder.
– Tu as déjà beaucoup de lait dans ton chocolat, fit remarquer Green, sans manifester la moindre animosité envers ce manque de tenue.
Ce n'était que du lait. Si Red le voulait... ce n'était que du lait. Cela n'avait pas d'importance. Plus vraiment.
– Ce n'était pas assez, dit Red. Il m'en faut plus. Toujours plus.
– Il y a un moment où tu ne pourras plus en avoir autant.
– Je sais.
Il restait un fond de lait. Red vida la carafe. Sa tasse déborda, inondant la nappe à fleurs.
– Tu ne peux plus le boire, maintenant. Demande un torchon. La serveuse va essuyer ça.
– Non.
Red esquissa l'ombre d'un sourire.
– C'est ma faute si ça en est arrivé là. Je vais le boire. Même s'il y en a trop ou si je me salis les mains. C'est ma faute.
Green étreignit sa tasse. Un souvenir fugitif lui traversa l'esprit, l'éclat de voix d'un enfant qui le défie, un match qui tourne mal. Ils aimaient tellement les pokémons ! Red lui sourit pour de bon cette fois, un sourire douloureux qui n'avait rien de naturel.
– Tu te souviens d'Évoli ? Tu l'adorais.
– Je m'en souviens, fit Green d'une voix plus sèche qu'il ne l'avait voulu.
Le sourire de Red se crispa.
– Comment va-t-il ?
– Bien.
Bien. Il n'y avait rien à ajouter. Évoli passait ses journées à jouer dans le jardin du professeur Chêne. Sa patte ne guérirait jamais, mais il était heureux, autant qu'il pouvait l'être.
Green aussi était heureux. Il était champion d'arène. C'était quelque chose, ça. Moins que vainqueur de Ligue, mais c'était là un honneur qu'un seul pouvait prétendre. Il se trouve que cette fois, cet honneur revenait à Red.
– Tu es heureux ? demanda Red.
Green se raidit. Red avait le don de le surprendre, même après toutes ces années. Il posa sa tasse, réfléchit à ce qu'il allait dire.
Il était sûrement heureux. Autant qu'il pouvait l'être, il était heureux. Le goût du café lui remonta à la langue.
– Oui, dit-il, les doigts crispés sur sa tasse. Je voulais faire la différence en tant que dresseur. Je suis champion d'arène à présent. C'est ce que j'ai toujours voulu, depuis que je suis tout petit.
– Je sais.
– Et toi tu es vainqueur de Ligue, continua Green sans faire attention à la manière dont Red l'observait. Personne ne peut t'égaler. Tu es le meilleur. C'est ce que tu voulais, non ?
– Je voulais être meilleur que toi, répliqua Red. Mais toi, tu...
Il ricana.
– Tu es très bon. Champion d'arène. Wow.
– Tu l'as déjà dit. Tu as réussi ton pari, tu sais. Tu m'as battu à chacun de nos combats, et maintenant tu dois être le dresseur le plus puissant qui existe. Il y a de quoi être fier.
– Tu en parles comme si ça t'était égal.
Green soupira.
– Disons que je suis allé aussi loin que je le pouvais. Toi, tu es allé plus loin encore. Trop pour moi, je crois.
– Tu n'en sais rien !
– Si, je le sais. Tu ne nous as pas écoutés ? Je suis très bien où je suis. Mais toi, tu n'en a pas assez, tu n'en auras jamais assez. C'est comme ça. C'est fini pour moi. Pour toi, ça commence à peine. Tu as de quoi devenir une légende dans ce monde, Red. Je suis sûr que dans plusieurs années, les gens parleront encore de toi. Chaque enfant qui recevra son premier pokémon se demandera si un jour il parviendra à t'égaler.
– Mais pas toi, chuchota Red.
– Je ne suis plus un enfant, dit calmement Green. Le voyage est fini pour moi. Il est temps que je pense à mon avenir.
Que dire d'autre ? Oui, Green était globalement satisfait de sa vie. Red baissa les yeux sur sa tasse et sur le désordre qu'il avait mis.
– Tu es devenu plus fort. Beaucoup plus fort.
– Tu trouves ?
Green se mit à rire. Où trouvait-il la force de le faire ? Il avait l'impression de sortir à peine d'un long tunnel sombre. Red leva enfin les yeux vers lui et rit aussi.
– Oh oui. Tu peux me croire.
– À ce rythme, j'espère ne pas devenir gâteux avant l'âge.
– Tu n'as pas intérêt. Je n'aimerais pas affronter un vieux pépé la prochaine fois qu'on se reverra.
– Tu comptes continuer ton périple ?
Red haussa les épaules.
– Tu me connais, je suis un peu simple. Pour moi, la force c'est la force. Mais il y a des choses qu'on doit faire seul. Toi, tu as trouvé ta voie. Je dois me préparer.
– À quoi ?
Red ne répondit pas. Il sortit une bourse pleine de sa poche, largement de quoi payer cinquante cafés s'il le fallait.
– Pour le désordre, dit-il. Le chocolat était excellent.
– Tu t'en vas déjà ?
– Oui. Je t'ai dit, je dois me préparer.
– Ah bon.
– Toi aussi.
– Hein ?
Le visage de Red se rapprocha. Quelque chose frôla les lèvres de Green, trop rapidement pour qu'il puisse réagir. Puis Red partit en courant, riant aux éclats.
– À plus tard !
Green se pourlécha les lèvres. Red avait raison, ce chocolat était décidément excellent. Il se leva et quitta le café sans un regard en arrière. Il devait rentrer à Jadielle. Dès le lendemain, son arène serait prise d'assaut par tous les nouveaux dresseurs de la région soucieux de se faire une place dans la compétition.
Le voyage était fini pour lui. Ne restait que l'attente. Tout bien considéré, ce n'était pas si mal.
– À plus tard, murmura-t-il à personne en particulier.