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obscur_echangeTitre : La valeur d’un homme
Auteur : Écholalie (Participant.e 13)
Pour : Poisson d'avril (Participant.e 9)
Fandom : La Momie
Persos/Couple : Ardeth, Jonathan
Rating : K
Disclaimer : La Momie appartient à Stephen Sommers
Prompt : Avec sa sœur qui est la réincarnation d’une princesse égyptienne, Rick qui a la marque des Medjai, et Alex qui est destiné à un avenir tout aussi prometteur que celui de ses parents, Jonathan doit peut-être se sentir un peu délaissé. Lui n’a pas de fabuleuse destinée ou de passé obscur et glorieux. Il y aurait de quoi manquer de confiance et d’assurance. Ce serait intéressant de voir une fic où Jonathan, pour ces raisons ou pour des raisons plus personnelles (il joue, boit, est moins responsable que sa sœur) estime qu’il n’est pas à la hauteur et, sous sa fausse assurance, ses sourires forcés et son humour, manque de confiance en lui. J’aimerais voir Ardeth, autant attaché à Jonathan qu’au reste de la famille, s’en apercevoir et tout faire pour redonner confiance à son ami
- Ardeth/Jonathan peut être en ship, sous-entendu ou pas, ou juste en gen, ça n’a aucune importance, tant qu’ils sont le focus de la fic.
Notes : Se passe durant la Momie 2, durant la poursuite en dirigeable. J’avoue ne pas shiper du tout Ardeth et Jonathan, mais ces deux-là me sont précieux, alors merci de m’avoir donné l’occasion d’écrire sur eux !
Le ciel, avait découvert Ardeth en rencontrant un certain trio d’Anglais, était froid. Avant, il ne s’était jamais posé de question à ce sujet. Le ciel était le ciel, immense et et magnifique, comme le désert. Depuis, il avait chevauché un avion avant de s’écraser dans le désert et maintenant, il se tenait dans un dirigeable, dans l’espoir d’atteindre l’Oasis d’Ahm Shere à temps pour sauver un enfant et empêcher la destruction du monde, avec trois Anglais qu’il avait l’honneur d’appeler ses amis. Il en était encore le premier étonné, même après toutes ces années, mais il en était ainsi. La vie réservait parfois d’étrange surprises.
La preuve lui en était administrée à l’instant même. Ardeth Bay appelait ses amis trois personnes qu’il aurait jadis tuer pour les punir de l’erreur commise en libérant Imothep. Maintenant, il se battait à leurs côtés et il volait. Il n’aimait pas les Occidentaux et leur besoin de s’emparer des richesses millénaires de son pays, mais il devait reconnaître que certaines de leurs inventions étaient absolument fascinantes. Voler comme les oiseaux, traverser l’Égypte sur les ailes du vent était une sensation incroyable, mais pour l’instant tout ce qu’Ardeth pensait, c’était que le ciel était froid. Dès son deuxième voyage dans les cieux il était déjà quelque peu blasé de cette nouveauté. Il ne valait pas mieux que les Occidentaux au final. Le froid faisait vite oublier la poésie de l’instant.
Ardeth n’était pas le seul à être touché par le froid nocturne. À l’avant du dirigeable, Rick et Evy dormaient serrés l’un contre l’autre. Ardeth en était presque soulagé. Ils avaient à peine dormi depuis que Alex avait été enlevé et ils avaient besoin de récupérer afin d’être d’attaque pour confronter Imhotep.
Jonathan, par contre, ne dormait pas. Il y avait une bonne heure qu’il était assis appuyé contre le bastingage du dirigeable, occupé en apparence à regarder la terre qui défilait sous leurs pieds. Régulièrement, il se frottait les mains l’une contre l’autre dans un vain effort de les réchauffer. Il n’avait pas l’air prêt à dormir. À vrai dire, Ardeth même n’y parvenait pas non plus, même s’il savait que ce serait sage. Lui aussi avait besoin d’être frais et dispos pour les combats qui les attendaient.
Voyant que c’était peine perdue que d’essayer de dormir pour l’instant, il se leva pour aller s’asseoir à côté de Jonathan. Deux solitudes valaient mieux qu’une, mais Jonathan semblait à peine s’en rendre compte. Il bougea à peine à son approche, aussi Ardeth tâcha-t-il de s’installer plus confortablement pour lui tenir compagnie. Ses efforts payèrent au bout de quelques minutes.
-Déjà songé à quel point nous sommes tout petits vu d’en haut ?, demanda Jonathan.
Ardeth se pencha à son tour. Il faisait nuit noire, et même avec la lune pour les éclairer, il était impossible de distinguer le sol. De toute manière, Ardeth doutait que Jonathan soit vraiment en train de parler du sol.
-Parfois, les choses nous semblent loin quelle que soit leur distance réelle.
-Parfois les choses sont loin tout court.
Il secoua la tête et se tut, visiblement prit dans des pensées sinistres. Ardeth l’imita, attendant qu’il se confie. Il en avait visiblement besoin et Ardeth le connaissais assez pour savoir que l’Anglais avait du mal à supporter le silence. Sa tendance à la logorrhée pouvait même le rendre insupportable, mais Ardeth devinait qu’il n’était pas devenu ainsi sans raison. Il refusait de trop s’avancer, car chacun avait droit à son intimité, mais s’il devait émettre une hypothèse, il serait forcé de dire qu’il craignait qu’un parent ne soit responsable tant de l’immaturité affichée de Jonathan que de la maladresse et de la nervosité d’Evy. Celle-ci s’était soignée depuis leur première rencontre, sans doute en partie grâce à l’amour de Rick. Jonathan n’avait pas eu la chance d’une telle rencontre, aussi Ardeth essayait de se montrer indulgent avec lui.
-Si au moins il y avait de l’alcool sur cette horreur volante, soupira Jonathan.
Ardeth se mordit les lèvres pour garder pour lui tout ce qu’il avait à dire sur l’alcool et ce que cette horreur faisait au meilleur des hommes. Il doutait que Jonathan l’entende correctement. Peut être y aurait-il d’autres occasions de le travailler sur le sujet, mais Ardeth savait choisir ses batailles, et il en avait une autre à mener cette nuit.
-L’alcool est la dernière chose que je recommanderais dans les circonstances qui sont les nôtres, le tança-t-il le plus doucement qu’il put. Lorsque nous rattraperons Imothep, nous aurons besoin de toute notre clarté d’esprit.
-Je dirais que c’est justement parce qu’on va affronter ce fou meurtrier que j’aimerais pouvoir me noyer dans l’alcool. Mes mains tremblent rien qu’à l’idée de le revoir.
Il leva sa main droite comme preuve, s’attendant sans doute à recevoir quelque pique acide en retour sur sa peur qui n’était pas digne d’un fils de lord anglais, mais Ardeth respectait la peur. Le sage avait peur, le fou prétendait l’ignorer jusqu’à ce qu’elle le submerge. Au lieu de répondre, Ardeth étudia attentivement son vis à vis. Lui même était coupable de ne pas reconnaître à Jonathan les qualités qu’il possédait. Celle-ci étaient étouffées par la somme de ses défauts. Jonathan était tout ce qu’Ardeth détestait chez ces Anglais qui n’avaient qu’à contrecœur renoncé à leur protectorat sur l’Égypte. Il était bruyant, il buvait, il jouait à des jeux d’argent, il ne voyait dans l’héritage millénaire de son pays que des richesses à piller, dans le meilleur des cas pour les exposer dans un musée, plus souvent pour son profit personnel.
Oui, Jonathan était tout ça, mais ce n’était pas tout ce qu’il était. Il était débrouillard, intelligent et loyal à sa famille, trois qualités qu’Ardeth appréciait chez un allié.
-Tu doutes de ta place parmi nous, constata-t-il pour relancer la discussion.
-Un point pour la déduction, sourit Jonathan en levant un verre invisible.
-Peut être que ce n’est pas la peur, mais le froid qui te fait trembler. Nous avons déjà affronté Imothep une fois, et triomphé.
Jonathan se mit à rire, suffisamment doucement pour ne pas réveiller sa sœur et son beau-frère.
-Vous avez affronté Imothep et triomphé. Moi j’étais juste là.
Ardeth hocha la tête. Ils touchaient enfin au cœur du problème. Jonathan était resté très calme pendant la discussion de la veille concernant Rick et Evy. Trop calme, peut être. Ardeth commençait à les connaître tous les trois. C’était quand ils étaient silencieux qu’ils étaient les plus dangereux, chacun à sa manière. Jonathan parlait trop, et trop fort, parce qu’il manquait de confiance en lui et qu’il avait besoin d’exister, d’une manière ou d’une autre.
-Chaque petite contribution a son importance dans un combat aussi important que le nôtre, insista-t-il. Je crois me souvenir du récit fait par Rick et Evy de votre affrontement avec Imothep. Sans toi pour lire le livre des morts, l’issue n’aurait pas été la même.
-Peut être. Mais je suis rouillé maintenant. Alex en sait plus sur l’ancien égyptien que moi. Alex ! Il a neuf ans et c’est limite s’il savait pas déjà le lire au berceau.
-Je suppose que sa mère lui parlait autant en anglais qu’en égyptien ancien.
-Tu la connais. Elle lui chantait des berceuses dans cette langue. Elle a traduit des berceuses dans cette langue en fait.
Il n’y avait donc rien d’étonnant à ce que l’enfant en sache plus que Jonathan à l’âge adulte, mais celui-ci ne semblait pas se rendre compte de l’abîme qui séparait leurs deux expériences. Il ne savait que se comparer aux autres, et la comparaison était toujours en sa défaveur.
-Regarde-les, soupira Jonathan pendant qu’Ardeth réfléchissait. Evy et Rick sont solides comme vos pyramides. Tu vas voir qu’à eux deux ils vont sauver le monde. Encore. Toi et moi, on sera juste des notes de bas de page, et encore, si on a de la chance.
-Tu te trompes.
-Non. Je suis un lâche, et je le sais.
-Peut être que c’est pour le mieux. Quand nous serons face à nos ennemis, Evy et Rick auront besoin que tu sois lâche et que tu fuis avec leur fils plutôt que de rester et de se battre. Eux seront incapable de refuser le combat, et ils se haïront toute leur vie s’ils réussissent à arrêter Imothep seulement pour perdre leur fils. Fuir le combat demande parfois autant de bravoure que de se tenir debout et fier face au danger.
Jonathan hocha la tête, l’air dubitatif mais songeur. Ardeth commençait à l’atteindre.
-C’est… une manière de voir les choses. Je n’y avait pas pensé comme ça.
-J’ai dit hier qu’eux et Alex étaient comme les côtés d’une pyramide, mais une pyramide a quatre côtés. Rick est un guerrier medjaï, qu’il l’accepte ou non. Dans une vie passée, Evy fut une princesse égyptienne. Tous deux sont nés pour protéger. Leur fils est capable d’ouvrir des voies vers des secrets perdus depuis longtemps. Il est un guide. Mais quel est le quatrième côté de cette pyramide ?
-Toi.
Il n’avait même pas hésité. Ardeth haussa un sourcil, mi-flatté, mi-atterré.
-Vraiment ?
Avec un petit rire d’auto-dénigrement, Jonathan les désigna tous les deux successivement. Un peu agacé de le voir si décidé à ne pas comprendre, Ardeth secoua la tête. Il comprenait que Jonathan soit intimidé par la révélation que sa sœur avait été une princesse égyptienne dans une vie passée, et qui plus est la gardienne d’un dangereux trésor. Lui-même n’avait jamais rencontré pareille chose. Il mourrait d’envie de la questionner sur l’antique Egypte et de découvrir ce qu’elle savait sur les premiers Medjaï et ne s’abstenait que parce qu’ils avaient des problèmes plus urgents à régler.
-La pyramide dont je parlais, c’est votre famille à tous les quatre. Deux protecteurs et deux guides.
-Je n’ai rien d’un guide.
-Je crois que si. Ta sœur a l’esprit coincé dans l’antique Égypte où elle cherche les traces de son passé. Ton beau-frère continue de fuir l’homme qu’il a été. Alex est brave, et a hérité des meilleurs traits de ses deux parents, mais peut être aussi de leur tendance à ignorer le monde qui les entoure. Ils ont besoin de toi, tous, pour garder un pied dans le réel.
Ces mots firent enfin se redresser Jonathan.
-Tu le penses vraiment ?
-Je ne le dirais pas si ce n’était pas le cas. Un guerrier medjaï n’a qu’une parole.
-Dit ça à Rick alors, parce qu’il n’a clairement pas reçu le mémo.
-Je le lui dirais, quand il sera prêt à écouter la voix de la raison.
-Dans ce cas, tu risques d’attendre longtemps !
-Je le crains, oui. Je serais patient.
Le sommeil commençait à venir. Ardeth adopta une position un peu plus confortable et ramena les pans de son manteau autour de son torse pour ne pas être gêné par le froid nocturne. Il ferma les yeux et ralentit sa respiration. Le rire de Jonathan le tira aussitôt de ce demi-sommeil. Ardeth leva un sourcil pour l’interroger sur ce qui l’amusait tant.
-Il y a des pyramides à cinq côtés en Égypte ?
-Non. Pourquoi cette question ?
-Parce que si notre famille est une pyramide, tu en es le cinquième côté. Je ne sais pas de qui tu es le frère perdu, Rick probablement, mais dès qu’on aura retrouvé Alex, je te garantis que tu deviendras de gré ou de force son oncle et que tu ne pourras plus jamais t’en débarrasser. De nous non plus d’ailleurs. Les O’Conell sont aussi butés que les Carnahan quand ils veulent quelque chose alors autant dire que tu n’as pas la moindre chance face à nous quatre réunis.
Ardeth sourit et referma les yeux. Partie de la famille ? L’idée ne lui déplaisait pas. Il était attaché plus que de raison à tous ces gens, Rick, Evy, Jonathan, et même le petit Alex qu’il n’avait pas eu le temps de connaître. Il y avait pire sort que d’appartenir à cette famille. Le sang n’était pas la seule chose capable de créer des liens forts. Ils s’étaient battus ensemble et ils le feraient encore aussi souvent que nécessaire. Et au matin, Ardeth parlerait à Evy. Elle était inquiète pour son fils, et à raison, mais un mot d’encouragement de sa part ferait sûrement le plus grand bien à Jonathan et donnerait à Jonathan la force dont il avait besoin pour échapper à ses monstres intérieurs.
Auteur : Écholalie (Participant.e 13)
Pour : Poisson d'avril (Participant.e 9)
Fandom : La Momie
Persos/Couple : Ardeth, Jonathan
Rating : K
Disclaimer : La Momie appartient à Stephen Sommers
Prompt : Avec sa sœur qui est la réincarnation d’une princesse égyptienne, Rick qui a la marque des Medjai, et Alex qui est destiné à un avenir tout aussi prometteur que celui de ses parents, Jonathan doit peut-être se sentir un peu délaissé. Lui n’a pas de fabuleuse destinée ou de passé obscur et glorieux. Il y aurait de quoi manquer de confiance et d’assurance. Ce serait intéressant de voir une fic où Jonathan, pour ces raisons ou pour des raisons plus personnelles (il joue, boit, est moins responsable que sa sœur) estime qu’il n’est pas à la hauteur et, sous sa fausse assurance, ses sourires forcés et son humour, manque de confiance en lui. J’aimerais voir Ardeth, autant attaché à Jonathan qu’au reste de la famille, s’en apercevoir et tout faire pour redonner confiance à son ami
- Ardeth/Jonathan peut être en ship, sous-entendu ou pas, ou juste en gen, ça n’a aucune importance, tant qu’ils sont le focus de la fic.
Notes : Se passe durant la Momie 2, durant la poursuite en dirigeable. J’avoue ne pas shiper du tout Ardeth et Jonathan, mais ces deux-là me sont précieux, alors merci de m’avoir donné l’occasion d’écrire sur eux !
Le ciel, avait découvert Ardeth en rencontrant un certain trio d’Anglais, était froid. Avant, il ne s’était jamais posé de question à ce sujet. Le ciel était le ciel, immense et et magnifique, comme le désert. Depuis, il avait chevauché un avion avant de s’écraser dans le désert et maintenant, il se tenait dans un dirigeable, dans l’espoir d’atteindre l’Oasis d’Ahm Shere à temps pour sauver un enfant et empêcher la destruction du monde, avec trois Anglais qu’il avait l’honneur d’appeler ses amis. Il en était encore le premier étonné, même après toutes ces années, mais il en était ainsi. La vie réservait parfois d’étrange surprises.
La preuve lui en était administrée à l’instant même. Ardeth Bay appelait ses amis trois personnes qu’il aurait jadis tuer pour les punir de l’erreur commise en libérant Imothep. Maintenant, il se battait à leurs côtés et il volait. Il n’aimait pas les Occidentaux et leur besoin de s’emparer des richesses millénaires de son pays, mais il devait reconnaître que certaines de leurs inventions étaient absolument fascinantes. Voler comme les oiseaux, traverser l’Égypte sur les ailes du vent était une sensation incroyable, mais pour l’instant tout ce qu’Ardeth pensait, c’était que le ciel était froid. Dès son deuxième voyage dans les cieux il était déjà quelque peu blasé de cette nouveauté. Il ne valait pas mieux que les Occidentaux au final. Le froid faisait vite oublier la poésie de l’instant.
Ardeth n’était pas le seul à être touché par le froid nocturne. À l’avant du dirigeable, Rick et Evy dormaient serrés l’un contre l’autre. Ardeth en était presque soulagé. Ils avaient à peine dormi depuis que Alex avait été enlevé et ils avaient besoin de récupérer afin d’être d’attaque pour confronter Imhotep.
Jonathan, par contre, ne dormait pas. Il y avait une bonne heure qu’il était assis appuyé contre le bastingage du dirigeable, occupé en apparence à regarder la terre qui défilait sous leurs pieds. Régulièrement, il se frottait les mains l’une contre l’autre dans un vain effort de les réchauffer. Il n’avait pas l’air prêt à dormir. À vrai dire, Ardeth même n’y parvenait pas non plus, même s’il savait que ce serait sage. Lui aussi avait besoin d’être frais et dispos pour les combats qui les attendaient.
Voyant que c’était peine perdue que d’essayer de dormir pour l’instant, il se leva pour aller s’asseoir à côté de Jonathan. Deux solitudes valaient mieux qu’une, mais Jonathan semblait à peine s’en rendre compte. Il bougea à peine à son approche, aussi Ardeth tâcha-t-il de s’installer plus confortablement pour lui tenir compagnie. Ses efforts payèrent au bout de quelques minutes.
-Déjà songé à quel point nous sommes tout petits vu d’en haut ?, demanda Jonathan.
Ardeth se pencha à son tour. Il faisait nuit noire, et même avec la lune pour les éclairer, il était impossible de distinguer le sol. De toute manière, Ardeth doutait que Jonathan soit vraiment en train de parler du sol.
-Parfois, les choses nous semblent loin quelle que soit leur distance réelle.
-Parfois les choses sont loin tout court.
Il secoua la tête et se tut, visiblement prit dans des pensées sinistres. Ardeth l’imita, attendant qu’il se confie. Il en avait visiblement besoin et Ardeth le connaissais assez pour savoir que l’Anglais avait du mal à supporter le silence. Sa tendance à la logorrhée pouvait même le rendre insupportable, mais Ardeth devinait qu’il n’était pas devenu ainsi sans raison. Il refusait de trop s’avancer, car chacun avait droit à son intimité, mais s’il devait émettre une hypothèse, il serait forcé de dire qu’il craignait qu’un parent ne soit responsable tant de l’immaturité affichée de Jonathan que de la maladresse et de la nervosité d’Evy. Celle-ci s’était soignée depuis leur première rencontre, sans doute en partie grâce à l’amour de Rick. Jonathan n’avait pas eu la chance d’une telle rencontre, aussi Ardeth essayait de se montrer indulgent avec lui.
-Si au moins il y avait de l’alcool sur cette horreur volante, soupira Jonathan.
Ardeth se mordit les lèvres pour garder pour lui tout ce qu’il avait à dire sur l’alcool et ce que cette horreur faisait au meilleur des hommes. Il doutait que Jonathan l’entende correctement. Peut être y aurait-il d’autres occasions de le travailler sur le sujet, mais Ardeth savait choisir ses batailles, et il en avait une autre à mener cette nuit.
-L’alcool est la dernière chose que je recommanderais dans les circonstances qui sont les nôtres, le tança-t-il le plus doucement qu’il put. Lorsque nous rattraperons Imothep, nous aurons besoin de toute notre clarté d’esprit.
-Je dirais que c’est justement parce qu’on va affronter ce fou meurtrier que j’aimerais pouvoir me noyer dans l’alcool. Mes mains tremblent rien qu’à l’idée de le revoir.
Il leva sa main droite comme preuve, s’attendant sans doute à recevoir quelque pique acide en retour sur sa peur qui n’était pas digne d’un fils de lord anglais, mais Ardeth respectait la peur. Le sage avait peur, le fou prétendait l’ignorer jusqu’à ce qu’elle le submerge. Au lieu de répondre, Ardeth étudia attentivement son vis à vis. Lui même était coupable de ne pas reconnaître à Jonathan les qualités qu’il possédait. Celle-ci étaient étouffées par la somme de ses défauts. Jonathan était tout ce qu’Ardeth détestait chez ces Anglais qui n’avaient qu’à contrecœur renoncé à leur protectorat sur l’Égypte. Il était bruyant, il buvait, il jouait à des jeux d’argent, il ne voyait dans l’héritage millénaire de son pays que des richesses à piller, dans le meilleur des cas pour les exposer dans un musée, plus souvent pour son profit personnel.
Oui, Jonathan était tout ça, mais ce n’était pas tout ce qu’il était. Il était débrouillard, intelligent et loyal à sa famille, trois qualités qu’Ardeth appréciait chez un allié.
-Tu doutes de ta place parmi nous, constata-t-il pour relancer la discussion.
-Un point pour la déduction, sourit Jonathan en levant un verre invisible.
-Peut être que ce n’est pas la peur, mais le froid qui te fait trembler. Nous avons déjà affronté Imothep une fois, et triomphé.
Jonathan se mit à rire, suffisamment doucement pour ne pas réveiller sa sœur et son beau-frère.
-Vous avez affronté Imothep et triomphé. Moi j’étais juste là.
Ardeth hocha la tête. Ils touchaient enfin au cœur du problème. Jonathan était resté très calme pendant la discussion de la veille concernant Rick et Evy. Trop calme, peut être. Ardeth commençait à les connaître tous les trois. C’était quand ils étaient silencieux qu’ils étaient les plus dangereux, chacun à sa manière. Jonathan parlait trop, et trop fort, parce qu’il manquait de confiance en lui et qu’il avait besoin d’exister, d’une manière ou d’une autre.
-Chaque petite contribution a son importance dans un combat aussi important que le nôtre, insista-t-il. Je crois me souvenir du récit fait par Rick et Evy de votre affrontement avec Imothep. Sans toi pour lire le livre des morts, l’issue n’aurait pas été la même.
-Peut être. Mais je suis rouillé maintenant. Alex en sait plus sur l’ancien égyptien que moi. Alex ! Il a neuf ans et c’est limite s’il savait pas déjà le lire au berceau.
-Je suppose que sa mère lui parlait autant en anglais qu’en égyptien ancien.
-Tu la connais. Elle lui chantait des berceuses dans cette langue. Elle a traduit des berceuses dans cette langue en fait.
Il n’y avait donc rien d’étonnant à ce que l’enfant en sache plus que Jonathan à l’âge adulte, mais celui-ci ne semblait pas se rendre compte de l’abîme qui séparait leurs deux expériences. Il ne savait que se comparer aux autres, et la comparaison était toujours en sa défaveur.
-Regarde-les, soupira Jonathan pendant qu’Ardeth réfléchissait. Evy et Rick sont solides comme vos pyramides. Tu vas voir qu’à eux deux ils vont sauver le monde. Encore. Toi et moi, on sera juste des notes de bas de page, et encore, si on a de la chance.
-Tu te trompes.
-Non. Je suis un lâche, et je le sais.
-Peut être que c’est pour le mieux. Quand nous serons face à nos ennemis, Evy et Rick auront besoin que tu sois lâche et que tu fuis avec leur fils plutôt que de rester et de se battre. Eux seront incapable de refuser le combat, et ils se haïront toute leur vie s’ils réussissent à arrêter Imothep seulement pour perdre leur fils. Fuir le combat demande parfois autant de bravoure que de se tenir debout et fier face au danger.
Jonathan hocha la tête, l’air dubitatif mais songeur. Ardeth commençait à l’atteindre.
-C’est… une manière de voir les choses. Je n’y avait pas pensé comme ça.
-J’ai dit hier qu’eux et Alex étaient comme les côtés d’une pyramide, mais une pyramide a quatre côtés. Rick est un guerrier medjaï, qu’il l’accepte ou non. Dans une vie passée, Evy fut une princesse égyptienne. Tous deux sont nés pour protéger. Leur fils est capable d’ouvrir des voies vers des secrets perdus depuis longtemps. Il est un guide. Mais quel est le quatrième côté de cette pyramide ?
-Toi.
Il n’avait même pas hésité. Ardeth haussa un sourcil, mi-flatté, mi-atterré.
-Vraiment ?
Avec un petit rire d’auto-dénigrement, Jonathan les désigna tous les deux successivement. Un peu agacé de le voir si décidé à ne pas comprendre, Ardeth secoua la tête. Il comprenait que Jonathan soit intimidé par la révélation que sa sœur avait été une princesse égyptienne dans une vie passée, et qui plus est la gardienne d’un dangereux trésor. Lui-même n’avait jamais rencontré pareille chose. Il mourrait d’envie de la questionner sur l’antique Egypte et de découvrir ce qu’elle savait sur les premiers Medjaï et ne s’abstenait que parce qu’ils avaient des problèmes plus urgents à régler.
-La pyramide dont je parlais, c’est votre famille à tous les quatre. Deux protecteurs et deux guides.
-Je n’ai rien d’un guide.
-Je crois que si. Ta sœur a l’esprit coincé dans l’antique Égypte où elle cherche les traces de son passé. Ton beau-frère continue de fuir l’homme qu’il a été. Alex est brave, et a hérité des meilleurs traits de ses deux parents, mais peut être aussi de leur tendance à ignorer le monde qui les entoure. Ils ont besoin de toi, tous, pour garder un pied dans le réel.
Ces mots firent enfin se redresser Jonathan.
-Tu le penses vraiment ?
-Je ne le dirais pas si ce n’était pas le cas. Un guerrier medjaï n’a qu’une parole.
-Dit ça à Rick alors, parce qu’il n’a clairement pas reçu le mémo.
-Je le lui dirais, quand il sera prêt à écouter la voix de la raison.
-Dans ce cas, tu risques d’attendre longtemps !
-Je le crains, oui. Je serais patient.
Le sommeil commençait à venir. Ardeth adopta une position un peu plus confortable et ramena les pans de son manteau autour de son torse pour ne pas être gêné par le froid nocturne. Il ferma les yeux et ralentit sa respiration. Le rire de Jonathan le tira aussitôt de ce demi-sommeil. Ardeth leva un sourcil pour l’interroger sur ce qui l’amusait tant.
-Il y a des pyramides à cinq côtés en Égypte ?
-Non. Pourquoi cette question ?
-Parce que si notre famille est une pyramide, tu en es le cinquième côté. Je ne sais pas de qui tu es le frère perdu, Rick probablement, mais dès qu’on aura retrouvé Alex, je te garantis que tu deviendras de gré ou de force son oncle et que tu ne pourras plus jamais t’en débarrasser. De nous non plus d’ailleurs. Les O’Conell sont aussi butés que les Carnahan quand ils veulent quelque chose alors autant dire que tu n’as pas la moindre chance face à nous quatre réunis.
Ardeth sourit et referma les yeux. Partie de la famille ? L’idée ne lui déplaisait pas. Il était attaché plus que de raison à tous ces gens, Rick, Evy, Jonathan, et même le petit Alex qu’il n’avait pas eu le temps de connaître. Il y avait pire sort que d’appartenir à cette famille. Le sang n’était pas la seule chose capable de créer des liens forts. Ils s’étaient battus ensemble et ils le feraient encore aussi souvent que nécessaire. Et au matin, Ardeth parlerait à Evy. Elle était inquiète pour son fils, et à raison, mais un mot d’encouragement de sa part ferait sûrement le plus grand bien à Jonathan et donnerait à Jonathan la force dont il avait besoin pour échapper à ses monstres intérieurs.
no subject
Date: 2023-09-09 05:24 pm (UTC)C’était intéressant de faire l’histoire du point de vue d’Ardeth, ça montre bien toute les différences entre son peuple et les Occidentaux mais aussi les similitudes.
J’ai bien aimé comment Jonathan se confie peu à peu à Ardeth, et comment Ardeth le rassure et essaye de lui prouver sa propre valeur, même si Jonathan ne la voit pas. L’image sur les quatre faces de la pyramide est vraiment intéressante et ça colle bien avec la famille O’Connell-Carnahan, montrant bien que Jonathan a bien sa place. J'aime aussi comment tu soulignes qu'Evy est coincée dans le passé tandis que Rick fuit le sien, mais Jonathan garde les pieds sur terre et qu'il est là en ce sens aussi, pour sa famille, comme une ancre qui les lie tous à la réalité, au monde.
Jonathan qui demande s’il existe des pyramides à cinq côtés, pour qu’Ardeth ait sa place parmi eux aussi, est juste trop adorable <3
Poisson d'avril
no subject
Date: 2023-09-10 10:53 am (UTC)