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Titre : Pour une rime
Auteur : Alegría (Participant.e 9)
Pour : Festimouche (Participant.e 8)
Fandom : Le songe d’une nuit d’été
Persos/Couple : Puck, le page
Rating : K
Disclaimer : les œuvres de Shakespeare appartiennent au domaine public.
Prompt : Pendant qu’Obéron répare ses bêtises avec Hermia, Lysandre, Demetrius et Héléna, Puck en profite pour s’emparer de l’objet de toutes les convoitise, l’enfant page que se dispute les deux souverains ! Le garçon n’a que faire des ambitions du roi et de la reine pour lui : lui ce qu’il veut devenir, c’est comédien ! Bonus : le page est un self insert de Shakespeare ^^
Notes : J’ai adoré l’idée du self-insert, merci pour celle-ci !
Le monde entier est une scène, écrira un jour le Barde. Peu de mots aussi vrais seront jamais écrits, car pendant que la cour de Thésée observe avec amusement et commente avec quelque peu de condescendance la farce proposée par les artisans d’Athènes, cette même cour est observée par la joyeuse cour d’Obéron et Titania. Invisibles, les fées se gaussent des amours contrariées puis assouvies des jeunes gens d’Athènes et de tous ces mortels balourds, de l’âne sur scène au duc d’Athènes dans le public. Dans ce même temps, leur roi et leur reine, le noble Obéron et la belle Titania, sont eux même l’objet d’une scrutation attentive. Ils ne le remarquent pas, ou ils n’en ont cure. Rois et reine sont habitués à la scrutation du public que forment leurs courtisans, soucieux d’anticiper le moindre désir de leurs souverains pour s’en faire apprécier. Les ors du pouvoir ne laissent personne indifférents, fées comme mortels.
Mais pour l’heure, celui qui observe le couple de souverain avec le plus d’attention n’est pas poussé par l’ambition effrénée, la jalousie ou l’amour révérenciel des fées pour les plus brillantes d’entre elles. Puck aime son souverain, mais il n’a d’amour que pour la farce, la surprise et le bon tour, et en cet instant, il ne souhaite rien tant que d’échapper un peu plus longtemps à leurs regards scrutateurs. Il est heureux pour lui que leurs regards soient présentement partagés entre Pyrame qui meurt sur scène avec une ardeur qui n’a d’égale que l’ennui qu’elle provoque chez le spectateur, et Thésée qui contemple l’effet de son monologue sur les quatre jeunes gens dont certains out été si prompts à menace de se tuer si on ne leur accordait pas la personne aimée.
La distraction permet à Robin Bon Diable de se faufiler derrière le reste des fées hilares. Tout au fond de l’assistance féerique et un peu à l’écart de celle-ci, se tient l’enfant humain, le changelin que les souverains viennent de se disputer. Les yeux écarquillés et les joues rouges, il contemple le drame qui se joue – mal – sur la scène comme s’il n’y avait rien d’autre au monde. Il ne voit même pas Puck s’installer à côté de lui.
Puck est joueur, le plus prompt à jouer des tours parmi cette double assemblée humaine et féerique. De la plaisanterie, il est le maître inégalé et celle qu’il imagine sera son chef d’œuvre. Il sourit de toutes ses dents, ravi du tour qu’il s’apprête à jouer, car quel plus beau tour que d’enlever le jeune page qu’Obéron a arraché à Titania par d’outrageuses combines ?
Comme toutes les fées, Titania a l’attention vagabonde. Elle a déjà oublié le larcin commis par Obéron, lequel s’enorgueillit à présent de posséder le jeune page parmi ses équipages, comme il le désirait. Et le roi, à présent, oublie déjà son nouveau trésor pour s’amuser des folies humaines. Une fois le spectacle terminé et les souverains rentrés en leur royaume, ils finiront cependant par s’en souvenir tous les deux. Pour avoir l’attention vagabonde, les fées n’en ont pas moins excellent mémoire, en particulier pour en ce qui concerne leurs griefs et leurs rancunes. Tôt ou tard, Titania se souviendra que son cher jouet lui a été ôté par ruse et perfidie et exigera de le récupérer. Puck se fait fort que ce jour là, Obéron se souviendra de l’existence du page seulement pour découvrir que celui-ci n’est plus en sa possession. Ce jour là, les accusations voleront dans les deux sens et Puck pourra s’amuser d’une nuit aussi folle que celle qu’il a passé à courir derrière les deux Athéniens pour les tromper tour à tour.
Et qu’on n’imagine pas que son idée de faire disparaître l’enfant ait quoi que ce soit à voir avec de la jalousie à l’idée qu’Obéron s’entiche d’un autre que lui. Puck ne craint aucune concurrence, et l’enfant n’a ni sa verve, ni ce talent pour semer le trouble qui plaît tant au souverain féerique.
Riant d’avance du tour qu’il planifie, Puck pose une main sur l’épaule de l’enfant, le faisant sursauter.
-Jeune page, venez, l’invite Robin Bon Diable en souriant d’un air benoît. Vos maîtres ont besoin de vos services ailleurs.
-Ne sont-ils pas juste là ?, s’étonne l’enfant en cherchant des yeux Obéron et Titania. Que ne m’appellent-ils eux-même ? Ma bonne marraine m’appelle toujours avec des sucreries et des fleurs dans ses mains.
Puck claque de la langue avec agacement.
-Questionnez-vous vos maîtres ? Une fois ce lieu quitté, ils iront ailleurs, et requièrent que vous les y attendiez et aidiez à préparer leur séjour. Obéron, après tout, est un maître plus exigeant que Titania.
L’enfant place ses mains devant lui, comme en prière.
-Je vous en prie, bon Puck, ne puis-je rester quelques instants de plus, seulement jusqu’à la fin de la pièce ? Je voudrais voir ce que Thisbé dit de la mort de Pyrame.
La ferveur dans sa voix amuse infiniment Puck, le poussant à une certaine indulgence, malgré l’urgence qui l’anime.
-Pauvre, enfant, vous appelez cette farce une pièce ? Quoi, ce pourrait-il que ces ânes dénoués d’esprit et de talent vous plaisent ? Ce duc et ces gens ont pourtant raison de s’en moquer, tout comme les nobles Obéron et Titania. Ici, la moquerie est preuve de goût.
L’enfant rougit et baisse les yeux au sol.
-Ne vous moquez pas de moi, seigneur Puck ! Je ne suis pas si ignorant que je donne à le penser. Il est vrai qu’ils sont fort mauvais. La voix de fausset de Thisbé sonne faux, la diction de Pyrame est trop hâtive, et quel besoin était-il de précision que lion, lune et muraille ne sont en vérité que les acteurs qui les incarnent ? Le spectateur, je crois, n’est point assez sot pour l’ignorer. Je l’ai compris de suite, quoi que n’assistant à un tel spectacle que pour la première fois en ce jour, car ma marraine Titania ne m’a jamais convié à des sorties dans le monde des hommes.
-Les fées ne goûtent la compagnie des hommes que de loin, à raison. Et pour ta gouverne, petit page, apprend que le sot se croit toujours savant et pense les autres toujours plus sots que lui. En l’occurrence, si la sottise donnait droit à une couronne, ceux-là en arboreraient une impressionnante sur leur tête.
L’enfant soupire, son regard à nouveau fixé sur la scène comme s’il y brûlait un feu qui le réchauffait après des années à subir les assauts du gel.
-Quand même. Je trouve bien beau ce qu’ils disent, quand ils ne l’expliquent pas en même temps. Et si les acteurs n’ont pas de talent, il me semble que d’autres pourraient faire briller ce texte. Dors-tu mon amant ? Quoi, serait-tu mort ? Avec quelle ferveur il me semble que ces mots pourraient être prononcés ! Comment ce nomme cet art ?
-Les Athéniens le nomment théâtre, le lieu où l’on regarde et souvent ils viennent ici voir et entendre telle ou telle chose nouvelle inspirée de leur histoire ou tirée de leur imagination, qui est aussi fertile que les hanches de leurs femmes. Certaines, ma foi, sont bien drôles. On s’y poursuit, on s’y bastonne et on y meurt de bien drôles de façon.
-Théâtre, murmure l’enfant avec révérence. Oh, je voudrais pouvoir toujours voir et entendre pareilles choses et ne jamais quitter ce lieu ! Et tu dis que l’on peut y voir d’autres drames que celui qui se joue ici ?
-Certes, des dizaines chaque année et de bien meilleures, s’impatiente Puck qui voit la fenêtre où il peut enlever l’enfant se refermer. Les Grecs furent connu pour être les meilleurs à ce jeu, qu’ils ont d’ailleurs inventé. Mais leurs plus grandes pièces ont déjà été jouées.
L’enfant pousse un petit cri quand Thisbé tombe à son tour, morte d’amour. Une larme glisse sur sa joue, tandis que les fées autour se gaussent de plus belle d’un si piètre jeu.
-Il me semble que l’acteur était meilleur que celui de Pyrame, déclare l’enfant avec indulgence. Au moins a-t-il tenté d’y mettre quelques émotions, mais je crois qu’on aurait quand même pu le dire différemment. Adieu, adieu, adieu. Triste répétition ! En insistant sur le dernier mot peut être, ou en baissant la voix jusqu’au murmure, il me semble qu’on pourrait tirer des larmes à des pierres.
-Que vous voilà savant, enfant, en un art que vous venez de découvrir ! Comment l’auriez-vous dit alors ?
-Je ne sais trop. Peut être Adieu. Ainsi se brise un noble cœur. Ou non, peut être Adieu. Le reste appartient au silence. Et de laisser celui-ci s’éterniser pour laisser aux cœurs des spectateurs le temps de s’épancher. Il me semble que je pourrais tirer des pleurs à n’importe quelle assistance, si on me laissait seulement prendre une plume.
-Et vous, petit page, posséderiez cette verve qui est l’apanage des plus grands, s’amuse ouvertement Puck, vous qui ne disiez jamais un mot quand Obéron visitait votre aimable marraine ?
-C’est que la noble Titania ne goûte pas ma conversation et préfère la seule compagnie de ma beauté.
-Il y a donc un peu d’esprit sous ces boucles rebelles.
-Je le crois. Je l’espère. Oh, que ne puis-je écrire de tels vers et les dire devant une si noble assistance ! Ou même la plus pauvre des assistances ! Il est triste de voir ces nobles gens se moquer de ces pauvres s’essayant à dire de belles phrases. Il me semble qu’un pauvre à le même droit de rire et de rêver qu’un roi, et si un duc ou une reine peuvent rire d’un pauvre, le pauvre devrait aussi pouvoir rire du roi.
L’œil de Puck frétille.
-Titania vous offrait toutes les sucreries et les danses de Féerie. Obéron veut vous voir tenir son cheval pour qu’il y montre avant sa chasse et vous nourrira des plus bonnes venaisons. Combien tueraient, vendraient pères et mères et se vendraient eux-même pour avoir droit à un centième de la faveur qu’ils vous accordent ! Tant que vous êtes en leur compagnie, la vieillesse et la maladie ne vous toucheront pas, les fleurs fleuriront à votre demande et votre pourpoint sera brodé d’or. Et vous, petit page, vous rêvez à la place de faire rire et faire pleurer tout un peuple de lourdauds mortels ?
Cette fois, le regard du page se charge d’éclairs quand il le tourne vers Puck. Il lâche enfin des yeux la scène où les artisans dansent une bergamasque avec à peine plus de talent qu’ils n’ont récité les vers d’autrui.
-Pourquoi non ?, se défend le page. Il me semble que c’est là bien plus noble vocation que de n’être qu’un enfant qu’on admire et qu’on renvoi selon son humeur. Ah, faire rire les spectateurs un instant, puis pleurer dans le souffle suivant, ou le contraire. Se moquer des sots, quels que soient les vêtements ou les couronnes qu’ils portent. Enseigner l’histoire, avertir des tragédies à éviter, construire des mythes et les déconstruire, juste avec des mots. Être immortel, enfin, non pas par la grâce d’une reine des fées ou en engendrant une descendance, mais par la beauté des mots qu’on peut coucher sur le papier !
Puck jette un coup d’œil autour de lui. La danse des artisans sur scène se termine. Vient l’heure de conclure la scène, pour les ducs, pour les fées, et pour lui. Robin Bon Diable tape dans ses mains.
-Par ma foi ou celle d’autrui, me voilà convaincu ! Et que donneriez-vous pour devenir cet homme-là ?
L’enfant cligne des yeux.
-Je ne sais. Je n’ai rien en mon nom que ma langue et mon esprit, quand on me laisse les utiliser.
-Alors usez-en, abusez-en. Je vous y aiderait, à la condition que partout où ce sera possible, vous glissiez quelque bon mot bien grivois en souvenir de Robin Bon Diable.
Transporté de reconnaissance, l’enfant saisit les mains de la fée.
-Vous m’aideriez alors ! On pour cela, c’est sur vous que j’écrirais l’histoire de cette nuit d’été !
La farce que prévoit Puck prend d’un coup un tour auquel il n’aurait jamais songé et qui ne le rend que meilleur. Il éclate de rire, et serre les mains de l’enfant avec le même enthousiasme. Que celui-ci soit feint ou réel, lui seul pourrait le dire.
-C’est décidé alors ! Mais vous ne pouvez espérer faire carrière ici, où Obéron et Titania vous chercheraient d’abord. C’est en d’autre temps et d’autres lieux que vous brillerez, et que vous écrirez sur la folle nuit d’hier. J’y met cependant une condition, que nulle part n’y soit fait mention de cette discussion ou de notre accord.
Une fois celui-ci scellé d’une vigoureuse poignée de main et d’un crachat sous le sol, Puck utilise toute sa magie pour faire disparaître Athènes, ses habitants et l’invisible population des fées autour d’eux. L’enfant s’accroche à lui pour ne pas tomber. Il ne le lâche que quand le monde cesse de tourner, pour regarder avec de grands yeux ébahi une place peuplée d’êtres humains qui ne ressemblent en rien à ceux d’Athènes.
-Quel est cet endroit ? Qui sont ces gens ?
-L’endroit est Statford-upon-Avon, et ces gens les Anglais que vous allez faire rêver avec ces mots qui s’entrechoquent entre vos oreilles.
-Non, l’arrête l’enfant. Je ne suis plus le page d’étranges et inhumains souverains. Appelez-moi Will.
Puck sourit et se met à disparaître, jusqu’à ce que ne reste de lui qu’un sourire flottant en l’air.
-Et bien, adieu Will. À vous maintenant de créer des rêves immortels.
Il revient d’une pensée à Athènes, où nul ne s’est encore aperçu de sa disparition, et reprend sa place à côté d’Obéron. Il faut bien des semaines pour que les souverains s’aperçoivent de la disparition de l’enfant, mais Puck ne s’amusera jamais autant qu’au jour où la rumeur d’un barde chantant les reines des fées et les ânes dont elles tombent amoureuses atteint les royales oreilles. Particulièrement, peut être, parce que le mignon page aux boucles rebelles est devenu un homme fait au front dégarni qu’aucune fée ne pourrait se prendre à l’envie de disputer à une autre.
Quand à l’immortalité, le Barde l’aura alors depuis longtemps gagnée.
Auteur : Alegría (Participant.e 9)
Pour : Festimouche (Participant.e 8)
Fandom : Le songe d’une nuit d’été
Persos/Couple : Puck, le page
Rating : K
Disclaimer : les œuvres de Shakespeare appartiennent au domaine public.
Prompt : Pendant qu’Obéron répare ses bêtises avec Hermia, Lysandre, Demetrius et Héléna, Puck en profite pour s’emparer de l’objet de toutes les convoitise, l’enfant page que se dispute les deux souverains ! Le garçon n’a que faire des ambitions du roi et de la reine pour lui : lui ce qu’il veut devenir, c’est comédien ! Bonus : le page est un self insert de Shakespeare ^^
Notes : J’ai adoré l’idée du self-insert, merci pour celle-ci !
Le monde entier est une scène, écrira un jour le Barde. Peu de mots aussi vrais seront jamais écrits, car pendant que la cour de Thésée observe avec amusement et commente avec quelque peu de condescendance la farce proposée par les artisans d’Athènes, cette même cour est observée par la joyeuse cour d’Obéron et Titania. Invisibles, les fées se gaussent des amours contrariées puis assouvies des jeunes gens d’Athènes et de tous ces mortels balourds, de l’âne sur scène au duc d’Athènes dans le public. Dans ce même temps, leur roi et leur reine, le noble Obéron et la belle Titania, sont eux même l’objet d’une scrutation attentive. Ils ne le remarquent pas, ou ils n’en ont cure. Rois et reine sont habitués à la scrutation du public que forment leurs courtisans, soucieux d’anticiper le moindre désir de leurs souverains pour s’en faire apprécier. Les ors du pouvoir ne laissent personne indifférents, fées comme mortels.
Mais pour l’heure, celui qui observe le couple de souverain avec le plus d’attention n’est pas poussé par l’ambition effrénée, la jalousie ou l’amour révérenciel des fées pour les plus brillantes d’entre elles. Puck aime son souverain, mais il n’a d’amour que pour la farce, la surprise et le bon tour, et en cet instant, il ne souhaite rien tant que d’échapper un peu plus longtemps à leurs regards scrutateurs. Il est heureux pour lui que leurs regards soient présentement partagés entre Pyrame qui meurt sur scène avec une ardeur qui n’a d’égale que l’ennui qu’elle provoque chez le spectateur, et Thésée qui contemple l’effet de son monologue sur les quatre jeunes gens dont certains out été si prompts à menace de se tuer si on ne leur accordait pas la personne aimée.
La distraction permet à Robin Bon Diable de se faufiler derrière le reste des fées hilares. Tout au fond de l’assistance féerique et un peu à l’écart de celle-ci, se tient l’enfant humain, le changelin que les souverains viennent de se disputer. Les yeux écarquillés et les joues rouges, il contemple le drame qui se joue – mal – sur la scène comme s’il n’y avait rien d’autre au monde. Il ne voit même pas Puck s’installer à côté de lui.
Puck est joueur, le plus prompt à jouer des tours parmi cette double assemblée humaine et féerique. De la plaisanterie, il est le maître inégalé et celle qu’il imagine sera son chef d’œuvre. Il sourit de toutes ses dents, ravi du tour qu’il s’apprête à jouer, car quel plus beau tour que d’enlever le jeune page qu’Obéron a arraché à Titania par d’outrageuses combines ?
Comme toutes les fées, Titania a l’attention vagabonde. Elle a déjà oublié le larcin commis par Obéron, lequel s’enorgueillit à présent de posséder le jeune page parmi ses équipages, comme il le désirait. Et le roi, à présent, oublie déjà son nouveau trésor pour s’amuser des folies humaines. Une fois le spectacle terminé et les souverains rentrés en leur royaume, ils finiront cependant par s’en souvenir tous les deux. Pour avoir l’attention vagabonde, les fées n’en ont pas moins excellent mémoire, en particulier pour en ce qui concerne leurs griefs et leurs rancunes. Tôt ou tard, Titania se souviendra que son cher jouet lui a été ôté par ruse et perfidie et exigera de le récupérer. Puck se fait fort que ce jour là, Obéron se souviendra de l’existence du page seulement pour découvrir que celui-ci n’est plus en sa possession. Ce jour là, les accusations voleront dans les deux sens et Puck pourra s’amuser d’une nuit aussi folle que celle qu’il a passé à courir derrière les deux Athéniens pour les tromper tour à tour.
Et qu’on n’imagine pas que son idée de faire disparaître l’enfant ait quoi que ce soit à voir avec de la jalousie à l’idée qu’Obéron s’entiche d’un autre que lui. Puck ne craint aucune concurrence, et l’enfant n’a ni sa verve, ni ce talent pour semer le trouble qui plaît tant au souverain féerique.
Riant d’avance du tour qu’il planifie, Puck pose une main sur l’épaule de l’enfant, le faisant sursauter.
-Jeune page, venez, l’invite Robin Bon Diable en souriant d’un air benoît. Vos maîtres ont besoin de vos services ailleurs.
-Ne sont-ils pas juste là ?, s’étonne l’enfant en cherchant des yeux Obéron et Titania. Que ne m’appellent-ils eux-même ? Ma bonne marraine m’appelle toujours avec des sucreries et des fleurs dans ses mains.
Puck claque de la langue avec agacement.
-Questionnez-vous vos maîtres ? Une fois ce lieu quitté, ils iront ailleurs, et requièrent que vous les y attendiez et aidiez à préparer leur séjour. Obéron, après tout, est un maître plus exigeant que Titania.
L’enfant place ses mains devant lui, comme en prière.
-Je vous en prie, bon Puck, ne puis-je rester quelques instants de plus, seulement jusqu’à la fin de la pièce ? Je voudrais voir ce que Thisbé dit de la mort de Pyrame.
La ferveur dans sa voix amuse infiniment Puck, le poussant à une certaine indulgence, malgré l’urgence qui l’anime.
-Pauvre, enfant, vous appelez cette farce une pièce ? Quoi, ce pourrait-il que ces ânes dénoués d’esprit et de talent vous plaisent ? Ce duc et ces gens ont pourtant raison de s’en moquer, tout comme les nobles Obéron et Titania. Ici, la moquerie est preuve de goût.
L’enfant rougit et baisse les yeux au sol.
-Ne vous moquez pas de moi, seigneur Puck ! Je ne suis pas si ignorant que je donne à le penser. Il est vrai qu’ils sont fort mauvais. La voix de fausset de Thisbé sonne faux, la diction de Pyrame est trop hâtive, et quel besoin était-il de précision que lion, lune et muraille ne sont en vérité que les acteurs qui les incarnent ? Le spectateur, je crois, n’est point assez sot pour l’ignorer. Je l’ai compris de suite, quoi que n’assistant à un tel spectacle que pour la première fois en ce jour, car ma marraine Titania ne m’a jamais convié à des sorties dans le monde des hommes.
-Les fées ne goûtent la compagnie des hommes que de loin, à raison. Et pour ta gouverne, petit page, apprend que le sot se croit toujours savant et pense les autres toujours plus sots que lui. En l’occurrence, si la sottise donnait droit à une couronne, ceux-là en arboreraient une impressionnante sur leur tête.
L’enfant soupire, son regard à nouveau fixé sur la scène comme s’il y brûlait un feu qui le réchauffait après des années à subir les assauts du gel.
-Quand même. Je trouve bien beau ce qu’ils disent, quand ils ne l’expliquent pas en même temps. Et si les acteurs n’ont pas de talent, il me semble que d’autres pourraient faire briller ce texte. Dors-tu mon amant ? Quoi, serait-tu mort ? Avec quelle ferveur il me semble que ces mots pourraient être prononcés ! Comment ce nomme cet art ?
-Les Athéniens le nomment théâtre, le lieu où l’on regarde et souvent ils viennent ici voir et entendre telle ou telle chose nouvelle inspirée de leur histoire ou tirée de leur imagination, qui est aussi fertile que les hanches de leurs femmes. Certaines, ma foi, sont bien drôles. On s’y poursuit, on s’y bastonne et on y meurt de bien drôles de façon.
-Théâtre, murmure l’enfant avec révérence. Oh, je voudrais pouvoir toujours voir et entendre pareilles choses et ne jamais quitter ce lieu ! Et tu dis que l’on peut y voir d’autres drames que celui qui se joue ici ?
-Certes, des dizaines chaque année et de bien meilleures, s’impatiente Puck qui voit la fenêtre où il peut enlever l’enfant se refermer. Les Grecs furent connu pour être les meilleurs à ce jeu, qu’ils ont d’ailleurs inventé. Mais leurs plus grandes pièces ont déjà été jouées.
L’enfant pousse un petit cri quand Thisbé tombe à son tour, morte d’amour. Une larme glisse sur sa joue, tandis que les fées autour se gaussent de plus belle d’un si piètre jeu.
-Il me semble que l’acteur était meilleur que celui de Pyrame, déclare l’enfant avec indulgence. Au moins a-t-il tenté d’y mettre quelques émotions, mais je crois qu’on aurait quand même pu le dire différemment. Adieu, adieu, adieu. Triste répétition ! En insistant sur le dernier mot peut être, ou en baissant la voix jusqu’au murmure, il me semble qu’on pourrait tirer des larmes à des pierres.
-Que vous voilà savant, enfant, en un art que vous venez de découvrir ! Comment l’auriez-vous dit alors ?
-Je ne sais trop. Peut être Adieu. Ainsi se brise un noble cœur. Ou non, peut être Adieu. Le reste appartient au silence. Et de laisser celui-ci s’éterniser pour laisser aux cœurs des spectateurs le temps de s’épancher. Il me semble que je pourrais tirer des pleurs à n’importe quelle assistance, si on me laissait seulement prendre une plume.
-Et vous, petit page, posséderiez cette verve qui est l’apanage des plus grands, s’amuse ouvertement Puck, vous qui ne disiez jamais un mot quand Obéron visitait votre aimable marraine ?
-C’est que la noble Titania ne goûte pas ma conversation et préfère la seule compagnie de ma beauté.
-Il y a donc un peu d’esprit sous ces boucles rebelles.
-Je le crois. Je l’espère. Oh, que ne puis-je écrire de tels vers et les dire devant une si noble assistance ! Ou même la plus pauvre des assistances ! Il est triste de voir ces nobles gens se moquer de ces pauvres s’essayant à dire de belles phrases. Il me semble qu’un pauvre à le même droit de rire et de rêver qu’un roi, et si un duc ou une reine peuvent rire d’un pauvre, le pauvre devrait aussi pouvoir rire du roi.
L’œil de Puck frétille.
-Titania vous offrait toutes les sucreries et les danses de Féerie. Obéron veut vous voir tenir son cheval pour qu’il y montre avant sa chasse et vous nourrira des plus bonnes venaisons. Combien tueraient, vendraient pères et mères et se vendraient eux-même pour avoir droit à un centième de la faveur qu’ils vous accordent ! Tant que vous êtes en leur compagnie, la vieillesse et la maladie ne vous toucheront pas, les fleurs fleuriront à votre demande et votre pourpoint sera brodé d’or. Et vous, petit page, vous rêvez à la place de faire rire et faire pleurer tout un peuple de lourdauds mortels ?
Cette fois, le regard du page se charge d’éclairs quand il le tourne vers Puck. Il lâche enfin des yeux la scène où les artisans dansent une bergamasque avec à peine plus de talent qu’ils n’ont récité les vers d’autrui.
-Pourquoi non ?, se défend le page. Il me semble que c’est là bien plus noble vocation que de n’être qu’un enfant qu’on admire et qu’on renvoi selon son humeur. Ah, faire rire les spectateurs un instant, puis pleurer dans le souffle suivant, ou le contraire. Se moquer des sots, quels que soient les vêtements ou les couronnes qu’ils portent. Enseigner l’histoire, avertir des tragédies à éviter, construire des mythes et les déconstruire, juste avec des mots. Être immortel, enfin, non pas par la grâce d’une reine des fées ou en engendrant une descendance, mais par la beauté des mots qu’on peut coucher sur le papier !
Puck jette un coup d’œil autour de lui. La danse des artisans sur scène se termine. Vient l’heure de conclure la scène, pour les ducs, pour les fées, et pour lui. Robin Bon Diable tape dans ses mains.
-Par ma foi ou celle d’autrui, me voilà convaincu ! Et que donneriez-vous pour devenir cet homme-là ?
L’enfant cligne des yeux.
-Je ne sais. Je n’ai rien en mon nom que ma langue et mon esprit, quand on me laisse les utiliser.
-Alors usez-en, abusez-en. Je vous y aiderait, à la condition que partout où ce sera possible, vous glissiez quelque bon mot bien grivois en souvenir de Robin Bon Diable.
Transporté de reconnaissance, l’enfant saisit les mains de la fée.
-Vous m’aideriez alors ! On pour cela, c’est sur vous que j’écrirais l’histoire de cette nuit d’été !
La farce que prévoit Puck prend d’un coup un tour auquel il n’aurait jamais songé et qui ne le rend que meilleur. Il éclate de rire, et serre les mains de l’enfant avec le même enthousiasme. Que celui-ci soit feint ou réel, lui seul pourrait le dire.
-C’est décidé alors ! Mais vous ne pouvez espérer faire carrière ici, où Obéron et Titania vous chercheraient d’abord. C’est en d’autre temps et d’autres lieux que vous brillerez, et que vous écrirez sur la folle nuit d’hier. J’y met cependant une condition, que nulle part n’y soit fait mention de cette discussion ou de notre accord.
Une fois celui-ci scellé d’une vigoureuse poignée de main et d’un crachat sous le sol, Puck utilise toute sa magie pour faire disparaître Athènes, ses habitants et l’invisible population des fées autour d’eux. L’enfant s’accroche à lui pour ne pas tomber. Il ne le lâche que quand le monde cesse de tourner, pour regarder avec de grands yeux ébahi une place peuplée d’êtres humains qui ne ressemblent en rien à ceux d’Athènes.
-Quel est cet endroit ? Qui sont ces gens ?
-L’endroit est Statford-upon-Avon, et ces gens les Anglais que vous allez faire rêver avec ces mots qui s’entrechoquent entre vos oreilles.
-Non, l’arrête l’enfant. Je ne suis plus le page d’étranges et inhumains souverains. Appelez-moi Will.
Puck sourit et se met à disparaître, jusqu’à ce que ne reste de lui qu’un sourire flottant en l’air.
-Et bien, adieu Will. À vous maintenant de créer des rêves immortels.
Il revient d’une pensée à Athènes, où nul ne s’est encore aperçu de sa disparition, et reprend sa place à côté d’Obéron. Il faut bien des semaines pour que les souverains s’aperçoivent de la disparition de l’enfant, mais Puck ne s’amusera jamais autant qu’au jour où la rumeur d’un barde chantant les reines des fées et les ânes dont elles tombent amoureuses atteint les royales oreilles. Particulièrement, peut être, parce que le mignon page aux boucles rebelles est devenu un homme fait au front dégarni qu’aucune fée ne pourrait se prendre à l’envie de disputer à une autre.
Quand à l’immortalité, le Barde l’aura alors depuis longtemps gagnée.
no subject
Date: 2024-08-25 10:11 pm (UTC)Et big up au petit clin d'oeil Obéron x Puck héhé
Merci pour cette fic !
Festimouche
no subject
Date: 2024-09-03 09:34 pm (UTC)