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obscur_echangeTitre : Chained Heart
Auteur : Vriss (Participant 3)
Pour : Azmé (Participant 18)
Fandom : Shadowrun / Earthdawn
Persos/Couple : Aithne Boisdefer et quelques autres figures de Shadowrun / Earthdawn en bonus
Rating : G
Disclaimer : Les romans de Earthdawn sur lesquels je me suis essentiellement basée sont de Caroline Spector, et Shadowrun/Earthdawn appartiennent à la FASA Corporation.
La chanson, parce que je suis tombée dans ce vieux travers, est L’Oiseau de Mehdi El Glaoui.
Prompt : Comment occupe-t-on ses journées quand on est immortel avec tant
d'années derrière et devant soi, tant de souffrances aussi. Une journée
dans la vie d'Aithne Boisdefer, en mode humoristique ou non.
Notes : J’ai essayé de coller au mieux au prompt, mais j’espère que la forme conviendra, j’ai pu m’en éloigner.
Le vieux bar Elfique résonne d’une sorte de musique hors du temps. Un truc daté. Un vieux disque qui tourne sur un lecteur d’avant l’Eveil, d’avant la Matrice.
Deux hommes discutent dans un coin du bar. Enfin, plutôt, l’un des deux semble parler tout seul, l’autre ne répond que par monosyllabes.
Je connais les brumes claires
La neige rose des matins d'hiver
« Aithne Boisdefer ? Un peu que je le connais… Vous savez, lui et moi on a partagé pas mal de trucs… Enfin, partagé, c’est un bien grand mot… On a jamais été amis non plus, hein. Mais on s’est côtoyés, ça c’est sûr. Ils sont pas tellement, les Elfes du Bois de Sang à avoir survécu au rituel. Surtout des nobles de sa trempe, vous savez.
Et vous vouliez savoir quoi ? Comment il se porte, après toutes ces années.
Eh bien comme je vous le dis, je le connais pas si bien que ça. Mais la dernière fois que j’ai passé un peu de temps avec lui c’était y a pas bien longtemps. J’ai passé une journée entière avec lui. Ça vous prouve que je le connais vraiment, ils sont pas beaucoup ceux qui peuvent se vanter de ça, hein, doux Seigneur. »
Je pourrais te retrouver
Le lièvre blanc qu'on ne voit jamais
« Il va pas bien, notre vieil Aithne, vous savez. Quand je l’ai connu, il était pas comme ça. Je vous apprend pas comment ils se sont maudits, les Elfes du Bois de Sang, mais lui il était pas comme les autres. Il était encore capable d’aimer, je crois.
Faut dire aussi ça fait une paie qu’on s’était pas vus. Mais vous savez, le temps pour nous c’est pas grand-chose, et on s’est pas amusés à faire les kékés, pendant le Cinquième âge.
Ouais, ça devait bien faire dans les cinq mille ans facile que j’avais pas passé une journée avec lui… »
Mais l'oiseau, l'oiseau s'est envolé
« Donc ouais, comme je vous disais, il a changé, le pauvre vieux. Il est comme tous les autres, maintenant. On est plus préparés, à en voir, des Elfes de sang, par chez nous. Dès que je me suis levé, j’ai su que la journée serait pourrie. Vous savez, quand on est chez lui, on se croirait au Bois de Sang… OK, OK, le Bois du Wyrm, si vous voulez, pour ce que ça change…
Enfin vous savez comme ils étaient hein. Tout était beau, mais on avait l’impression que ça allait vous claquer dans la main, que ça allait faner, pourrir, ou qu’est-ce que je sais d’autre… Ben tout est comme ça chez lui.
Boisdefer, il fait pas exception, c’est plus le mec que je connaissais. Dès qu’il s’est montré je l’ai senti. Il venait de se lever, c’est sûr. Et y avait cette aura autour de lui… Je veux bien que je touche ma bille en magie, mais d’habitude, c’est pas si fort… Là, quand il s’est pointé, j’ai eu l’impression que tous les malheurs du monde s’abattaient sur mes épaules.
Quand je pense que ce mec, je le respectais parce qu’il était encore capable de voir le bien même chez Alachia… J’aimerais pas être dans ses pompes maintenant…
Il a vraiment changé… »
Et moi jamais je ne le trouverai
« Il est tout seul, vous savez… Sa femme l’a largué… Notez, c’est pas la première, qui fait ça hein… Mais c’est pas bon pour le pauvre vieux.
Bien sûr, on a mangé ensemble, sur le coup, alors s’il petit déjeune avec ses invités, qu’est ce que je raconte, moi, il en a souvent des invités, vous allez me dire. Mais c’est là que vous vous trompez.
Oh, je dis pas que c’est un mauvais hôte hein. Il m’a fait la conversation. Il a toujours eu le su comment se comporter correctement, Aithne. C’était pour ça que j’aimais bien aller le voir, à l’époque. Il était encore capable de discuter de tout et de rien, malgré les Horreurs.
Mais ça a changé. Son discours, c’est comme chez lui. Ça a l’apparence de la chaleur, mais c’est vide et creux dedans. Il s’est forcé parce que c’était moi, parce que je le connais d’avant, mais le cœur y était pas.
Je crois que son cœur et plus à rien. C’est l’impression que ça m’a donné, cette journée.
Vous savez qu’il a perdu son fils, Glasgian ? »
Car j'ai vu l'oiseau voler
J'ai vu l'oiseau, je sais qu'il partait
« Ouais, vous allez me dire, vous vous en foutez de Glasgian. Et quelque part, vous avez raison, il valait rien, celui là. Toujours à se rebeller contre l’autorité paternelle et à utiliser le nom des Boisdefer pour se sortir du pétrin.
Et justement, ce jour là, il avait encore fait des siennes, ce petit con. C’est un larbin qu’est venu le dire à Aithne. Un problème avec les Laverty, apparemment. Vous pensez qu’il m’en a pas parlé directement à moi, hein… On sait jamais ce que je pourrais aller répéter à n’importe qui. La preuve, hein…
Enfin bref, je sais pas s’il est allé emmerder le Professeur ou s’il s’est simplement amusé à aller faire des conneries avec ce looser de Hugh, mais ça avait l’air sérieux. Assez sérieux pour qu’il envoie un de ses larbins ramper aux pieds de son père.
Il a changé pour ça aussi, Aithne. Le vieil Aithne, il aurait accouru tout de suite à son secours sans se soucier des conséquences. Le vieil Aithne il l’aurait pas laissé tomber, même si c’est la dernière des merdes.
Mais là il a juste dit qu’il s’en occuperait plus tard, et que là il était occupé.
On est d’accord, c’est ce qu’il mérite, ce petit con de Glasgian.
Mais ça m’a fait un peu de mal, parce que c’est un peu comme si le vieil Aithne m’avait dit ‘Salut, vieille branche, j’ai fait mon temps’.
OK, il était un peu con, mais il méritait pas ça. »
Je l'ai entendu pleurer
Le bel oiseau que le vent chassait
« On a fini le petit dèj tranquillement, il a même plus abordé le cas Glasgian. Je crois qu’il aurait pas dû brûler les roses de Mealla. Elle lui faisait du bien. Je crois même qu’elle l’aimait. Mais il parle plus d’elle non plus.
C’est comme si son cœur était tout sec.
C’est ce que je croyais, en tout cas, ce matin là, alors je me suis dit que c’était peut être pas la peine que je reste plus. Après tout, on a jamais été vraiment potes, j’étais juste un rappel de ce qu’il y avait avant, et il en a souffert plus que quiconque. C’était pas la peine de nous faire du mal à tous les deux.
Je serai pas parti si j’avais pas écouté aux portes. J’étais venu prendre congé, vous comprenez, un vrai chevalier ça part pas sans y mettre les formes. J’y ai mis les formes aussi quand j’ai écouté à la porte de son bureau, je vous assure.
Il parlait à des Runners je pense. Il leur disait d’aller sortir son sale con de fils des pattes du Professeur.
Au fond, y a des trucs qui changent pas chez lui. Il fonce toujours tête baissée comme un débile quand il s’agit des siens. Lui. Embaucher des Runners pour se mêler des affaires de Laverty. Vous imaginez si ça se savait.
Il pleurait quand il a raccroché. Il est Prince du Tir, alors il peut même plus aider lui-même son fils. A cause de la Politique, parce qu’il est l’un des derniers de sa race, parce qu’il est le seul au Tir. Il peut pas se permettre d’être destitué.
Et Glasgian l’a jamais remercié, bien sûr. Enfin, vous vous en foutez de Glasgian, et vous avez raison. Parait que Lofwyr l’a bouffé, d’ailleurs. »
Je voudrais tout te donner
« Enfin vous comprenez bien qu’après ça, moi, je pouvais pas me tirer comme ça comme un voleur. Je suis peut être pas son pote, mais au moins je sais des choses sur lui. Je sais au moins un peu ce qu’il faut dire et pas dire avec lui.
Je me suis dit, peut-être, je peux essayer de voir si l’ancien Aithne est toujours là. Peut être je peux essayer de rester un peu avec lui et de lui remonter le moral, puisque Mealla l’a balourdé.
Et puis c’est pas comme si j’étais pressé. On se comprend pour ça, hein, mon terrifiant Seigneur… »
Mais toi pourquoi ne me dis tu rien
Quel est-il ton grand secret
« Mais Aithne, ça a jamais été le genre bavard. Pas comme moi, vous allez dire, et vous aurez raison, je dois le dire. Enfin c’est sûr, on a jamais eu la même manière d’aborder les choses, tous les deux. Lui c’est le genre grand taciturne, et il préférerait subir encore le Rituel des Epines que demander de l’aide. Pour ça non plus, il a pas changé.
J’ai essayé de lui en parler un peu. De Glasgian, je veux dire. Oui, parce que vous vous vous en foutez de Glasgian, mais lui pas. Et il devrait, mais c’est pas le sujet. Il a esquivé. Alors j’ai tenté Mealla. Vous allez dire, je suis pas délicat, OK, mais je me suis dit que peut être s’il se réconciliait avec eux, même si c’est des cons…
Vous savez Aithne, il a toujours eu une certaine attirance pour les cons… ça m’a toujours tué, ça. Bon, et là vous direz que j’ai une attirance pour les mêmes cons, et je vous dirais que c’est vrai. Enfin, c’est plutôt en matière de connes qu’on est d’accord tous les deux. On se refait pas hein… »
Un secret d'homme je le comprends bien
« Enfin, non, y avait l’Humaine, là. Elle, elle était pas trop con.
Vous savez qu’il a toujours un portrait d’elle, après toutes ces années ? Je l’ai vu quand on est allé prendre l’apéritif dans la bibliothèque, après qu’il m’a fait faire le tour des jardins. Le contraste était assez frappant, parce que autant ses jardins sont très ‘Bois de Sang’ – en même temps, c’est normal, il s’en occupe lui-même – comme à peu près tout dans sa foutue baraque remplie de foutues antiquités malsaines, mais celui-là, ce portrait, il était pas comme ça. Une antiquité aussi, hein, mais celle là, elle est vraiment belle. Elle a l’air paisible, l’Humaine, et on a pas l’impression qu’elle va pourrir et crever dans l’instant.
Il m’a dit que la bibliothèque c’était son havre de paix. Bon, il m’a dit que c’était parce qu’il aimait lire. Mais quel crétin irait croire ça… Enfin, qu’il aime lire, ça je le crois, vaut mieux pour lui, on avait que ça à foutre pendant le Cinquième. Lire ou faire de la politique. Et la politique selon Aithne, ça a jamais été bien brillant. Mais non, c’est le coup de havre de paix.
C’est le portrait, qui l’apaise. Comme elle, elle l’apaisait. L’Humaine. »
Moi tu sais je peux te raconter
Combien l'oiseau est parti à regret
« Moi je vous dis, mon v… messire mon si puissant seigneur, c’est de ça qu’il a besoin. Il a juste besoin qu’on l’apaise. Il a besoin de quelqu’un qui panse ses blessures sans rien lui demander, sans le faire chier.
Pas quelqu’un comme moi. Quelqu’un qui sait pas. Quelqu’un qui connaît pas le Bois de Sang. Juste une fille qui se prend pas la tête.
Il a besoin d’une nana comme elle.
Elle lui prenait pas la tête, vous savez. Bon, je vous dirais pas qu’elle savait pas que c’était un Elfe du Bois de Sang, en même temps, c’était écrit sur leur gueule à cette époque, mais elle l’a jamais jugé pour ça. Et je l’ai jamais vu si bien.
Alors que Mealla, elle… Elle l’a appelé un peu après le déjeuner. Toujours au créneau la harpie. Je l’ai entendue le pourrir au téléphone, parce qu’il avait soit disant rien fait pour sortir ce petit merdeux de Glasgian. Si seulement elle savait, celle là.
Bon, d’accord, il a un peu abusé avec le coup des roses, elle pouvait pas savoir, mais quand même quoi… C’est pas une raison pour lui pourrir la vie.
Après on s’étonne qu’il soit devenu chiant… »
Le CD rame sur son vieux lecteur. Le silence tombe sur le bar, et l’homme s’arrête de parler en s’en rendant compte. Le barman peste et file un coup sur la machine rétive, relançant le CD plus où moins où ça devait. Enfin, c’est ce que tout le monde suppose, et de toutes façons, personne la connaît cette chanson.
« Elle va pas durer longtemps, son antiquité à lui… », marmonne l’Elfe avant de se concentrer sur sa bière.
Moi vois-tu je lui raconterais
Combien pour toi je sais qu'il a compté
Il sirote le liquide amer, ignorant l’impatience évidente de son interlocuteur. Il finit par reprendre après un court silence.
« Haaaaa, ça donne soif tout ça.
En fait, vous savez quoi, la bière, ça me rappelle Aithne. C’est l’amertume. Il a pas un mauvais fond, mais il est tellement amer que ça le rend désagréable.
Je dis ça parce qu’après s’être fait pourrir par Mealla, il est allé s’enfermer dans sa bibliothèque, et là, il était pas question d’écouter aux portes. Il y a passé l’après midi, enfermé dans ses enchantements. Et comme je vous le disais, je touche ma bille en magie, mais je peux vous assurer qu’on pourrait lancer l’arme atomique sur sa fichue baraque, la bibliothèque elle bougerait pas.
Je suis sûr que c’est le portrait.
Vous savez, c’est vraiment quelqu’un de fidèle, le vieux bougre. Je suis sûr qu’elle savait pas à quel point il l’aimait, son Humaine. Elle devait se dire qu’elle était une passade. C’est toujours ce que se disent les Humains qui sortent avec des immortels, non ? C’est pour ça qu’ils disent ces trucs stupides quand ils meurent. ‘Tu ne m’oublieras pas hein’ ? Non mais pour qui ils nous prennent ? Ils croient quoi, que le temps efface les blessures comme ça ?
En tout cas, chez Aithne, ça a rien effacé. C’est incroyable à quel point il vit dans le passé. Suffit de voir ses fichues antiquités, hein.
Vous voulez savoir ce que je pense ? Moi je pense qu’il est toujours en train de se punir, pour tous ses morts. Il se punit pour sa femme et son enfant qu’ont pas survécu aux rituels. Ils se punit pour les enfants qu’Aina lui a volés – comme si c’était de sa faute, hein. Il se punit pour le Bois de Sang, et pour le pêché d’Alachia.
Et il se punit parce qu’il l’a laissée mourir, son Humaine. Je vous le donne en mille. »
C'est l'oiseau que tu aimais
L'oiseau jaloux je l'ai deviné
« Et puis vous voulez savoir le pire dans l’histoire ? Il se punit pour Aina.
Je veux dire, il sait que je la connais bien. Et le soir, j’avais pas mal picolé. Vous savez, pour le dérider. Y a rien de meilleur qu’une bonne picole et une tridéo bien naze pour passer une bonne soirée.
Il a eu quinze fois l’occasion d’en profiter, de me faire parler d’elle pour lui faire du mal. Elle lui en a fait tellement, vous savez…
Enfin, c’est pas à moi de m’en mêler, comme je vous le disais, on est accro à la même dope tous les deux, alors je vais pas me saborder.
Vous allez me dire, c’est son con d’honneur d’Elfe, tout ça, tout ça – ha oui, j’oubliais, pardon, les Elfes de Sang n’ont pas d’honneur, bref, on s’en fout. C’est possible, mais c’est pas tout. Parce que quand il s’est endormi, vous savez qui il a appelé ? Il a appelé Aina.
Vous savez pourquoi il se punit, Aithne ? Il se punit parce qu’il l’aime toujours. Ces deux là, ils ont été élevés ensemble. Ils se sont toujours aimés. Ça a juste jamais été le bon moment, ça a jamais été la bonne période. Il y a toujours eu quelque chose entre eux.
Maintenant, ce qu’il y a entre eux, c’est la haine.
C’est foutu pour eux, vous savez…
Je crois qu’Aithne arrêtera jamais de se punir. »
Si jamais il revenait
Je lui dirais que tu l'attendais
L’Elfe se leva.
« Mais je manquerai pas de vous le dire si jamais le vieil Aithne redevient ce qu’il était. Parce que c’est de l’ancien Aithne que vous avez besoin, hein, terrible Seigneur ?
Alachia n’a rien à faire d’un jouet brisé, et vous le savez… »
Il s’inclina face à son interlocuteur.
« Si vous voulez l’humble avis de Caimbeul Har’lea’Quinn, Chevalier de l’Aiguille Ecarlate, ce n’est pas par Aithne Boisdefer que vous obtiendrez vous revanche sur la Reine des Roses, Seigneur Alamais… »
Sur ces mots, Harlequin quitta la pièce, laissant le dragon une fois de plus furieux et frustré.
Auteur : Vriss (Participant 3)
Pour : Azmé (Participant 18)
Fandom : Shadowrun / Earthdawn
Persos/Couple : Aithne Boisdefer et quelques autres figures de Shadowrun / Earthdawn en bonus
Rating : G
Disclaimer : Les romans de Earthdawn sur lesquels je me suis essentiellement basée sont de Caroline Spector, et Shadowrun/Earthdawn appartiennent à la FASA Corporation.
La chanson, parce que je suis tombée dans ce vieux travers, est L’Oiseau de Mehdi El Glaoui.
Prompt : Comment occupe-t-on ses journées quand on est immortel avec tant
d'années derrière et devant soi, tant de souffrances aussi. Une journée
dans la vie d'Aithne Boisdefer, en mode humoristique ou non.
Notes : J’ai essayé de coller au mieux au prompt, mais j’espère que la forme conviendra, j’ai pu m’en éloigner.
Le vieux bar Elfique résonne d’une sorte de musique hors du temps. Un truc daté. Un vieux disque qui tourne sur un lecteur d’avant l’Eveil, d’avant la Matrice.
Deux hommes discutent dans un coin du bar. Enfin, plutôt, l’un des deux semble parler tout seul, l’autre ne répond que par monosyllabes.
Je connais les brumes claires
La neige rose des matins d'hiver
« Aithne Boisdefer ? Un peu que je le connais… Vous savez, lui et moi on a partagé pas mal de trucs… Enfin, partagé, c’est un bien grand mot… On a jamais été amis non plus, hein. Mais on s’est côtoyés, ça c’est sûr. Ils sont pas tellement, les Elfes du Bois de Sang à avoir survécu au rituel. Surtout des nobles de sa trempe, vous savez.
Et vous vouliez savoir quoi ? Comment il se porte, après toutes ces années.
Eh bien comme je vous le dis, je le connais pas si bien que ça. Mais la dernière fois que j’ai passé un peu de temps avec lui c’était y a pas bien longtemps. J’ai passé une journée entière avec lui. Ça vous prouve que je le connais vraiment, ils sont pas beaucoup ceux qui peuvent se vanter de ça, hein, doux Seigneur. »
Je pourrais te retrouver
Le lièvre blanc qu'on ne voit jamais
« Il va pas bien, notre vieil Aithne, vous savez. Quand je l’ai connu, il était pas comme ça. Je vous apprend pas comment ils se sont maudits, les Elfes du Bois de Sang, mais lui il était pas comme les autres. Il était encore capable d’aimer, je crois.
Faut dire aussi ça fait une paie qu’on s’était pas vus. Mais vous savez, le temps pour nous c’est pas grand-chose, et on s’est pas amusés à faire les kékés, pendant le Cinquième âge.
Ouais, ça devait bien faire dans les cinq mille ans facile que j’avais pas passé une journée avec lui… »
Mais l'oiseau, l'oiseau s'est envolé
« Donc ouais, comme je vous disais, il a changé, le pauvre vieux. Il est comme tous les autres, maintenant. On est plus préparés, à en voir, des Elfes de sang, par chez nous. Dès que je me suis levé, j’ai su que la journée serait pourrie. Vous savez, quand on est chez lui, on se croirait au Bois de Sang… OK, OK, le Bois du Wyrm, si vous voulez, pour ce que ça change…
Enfin vous savez comme ils étaient hein. Tout était beau, mais on avait l’impression que ça allait vous claquer dans la main, que ça allait faner, pourrir, ou qu’est-ce que je sais d’autre… Ben tout est comme ça chez lui.
Boisdefer, il fait pas exception, c’est plus le mec que je connaissais. Dès qu’il s’est montré je l’ai senti. Il venait de se lever, c’est sûr. Et y avait cette aura autour de lui… Je veux bien que je touche ma bille en magie, mais d’habitude, c’est pas si fort… Là, quand il s’est pointé, j’ai eu l’impression que tous les malheurs du monde s’abattaient sur mes épaules.
Quand je pense que ce mec, je le respectais parce qu’il était encore capable de voir le bien même chez Alachia… J’aimerais pas être dans ses pompes maintenant…
Il a vraiment changé… »
Et moi jamais je ne le trouverai
« Il est tout seul, vous savez… Sa femme l’a largué… Notez, c’est pas la première, qui fait ça hein… Mais c’est pas bon pour le pauvre vieux.
Bien sûr, on a mangé ensemble, sur le coup, alors s’il petit déjeune avec ses invités, qu’est ce que je raconte, moi, il en a souvent des invités, vous allez me dire. Mais c’est là que vous vous trompez.
Oh, je dis pas que c’est un mauvais hôte hein. Il m’a fait la conversation. Il a toujours eu le su comment se comporter correctement, Aithne. C’était pour ça que j’aimais bien aller le voir, à l’époque. Il était encore capable de discuter de tout et de rien, malgré les Horreurs.
Mais ça a changé. Son discours, c’est comme chez lui. Ça a l’apparence de la chaleur, mais c’est vide et creux dedans. Il s’est forcé parce que c’était moi, parce que je le connais d’avant, mais le cœur y était pas.
Je crois que son cœur et plus à rien. C’est l’impression que ça m’a donné, cette journée.
Vous savez qu’il a perdu son fils, Glasgian ? »
Car j'ai vu l'oiseau voler
J'ai vu l'oiseau, je sais qu'il partait
« Ouais, vous allez me dire, vous vous en foutez de Glasgian. Et quelque part, vous avez raison, il valait rien, celui là. Toujours à se rebeller contre l’autorité paternelle et à utiliser le nom des Boisdefer pour se sortir du pétrin.
Et justement, ce jour là, il avait encore fait des siennes, ce petit con. C’est un larbin qu’est venu le dire à Aithne. Un problème avec les Laverty, apparemment. Vous pensez qu’il m’en a pas parlé directement à moi, hein… On sait jamais ce que je pourrais aller répéter à n’importe qui. La preuve, hein…
Enfin bref, je sais pas s’il est allé emmerder le Professeur ou s’il s’est simplement amusé à aller faire des conneries avec ce looser de Hugh, mais ça avait l’air sérieux. Assez sérieux pour qu’il envoie un de ses larbins ramper aux pieds de son père.
Il a changé pour ça aussi, Aithne. Le vieil Aithne, il aurait accouru tout de suite à son secours sans se soucier des conséquences. Le vieil Aithne il l’aurait pas laissé tomber, même si c’est la dernière des merdes.
Mais là il a juste dit qu’il s’en occuperait plus tard, et que là il était occupé.
On est d’accord, c’est ce qu’il mérite, ce petit con de Glasgian.
Mais ça m’a fait un peu de mal, parce que c’est un peu comme si le vieil Aithne m’avait dit ‘Salut, vieille branche, j’ai fait mon temps’.
OK, il était un peu con, mais il méritait pas ça. »
Je l'ai entendu pleurer
Le bel oiseau que le vent chassait
« On a fini le petit dèj tranquillement, il a même plus abordé le cas Glasgian. Je crois qu’il aurait pas dû brûler les roses de Mealla. Elle lui faisait du bien. Je crois même qu’elle l’aimait. Mais il parle plus d’elle non plus.
C’est comme si son cœur était tout sec.
C’est ce que je croyais, en tout cas, ce matin là, alors je me suis dit que c’était peut être pas la peine que je reste plus. Après tout, on a jamais été vraiment potes, j’étais juste un rappel de ce qu’il y avait avant, et il en a souffert plus que quiconque. C’était pas la peine de nous faire du mal à tous les deux.
Je serai pas parti si j’avais pas écouté aux portes. J’étais venu prendre congé, vous comprenez, un vrai chevalier ça part pas sans y mettre les formes. J’y ai mis les formes aussi quand j’ai écouté à la porte de son bureau, je vous assure.
Il parlait à des Runners je pense. Il leur disait d’aller sortir son sale con de fils des pattes du Professeur.
Au fond, y a des trucs qui changent pas chez lui. Il fonce toujours tête baissée comme un débile quand il s’agit des siens. Lui. Embaucher des Runners pour se mêler des affaires de Laverty. Vous imaginez si ça se savait.
Il pleurait quand il a raccroché. Il est Prince du Tir, alors il peut même plus aider lui-même son fils. A cause de la Politique, parce qu’il est l’un des derniers de sa race, parce qu’il est le seul au Tir. Il peut pas se permettre d’être destitué.
Et Glasgian l’a jamais remercié, bien sûr. Enfin, vous vous en foutez de Glasgian, et vous avez raison. Parait que Lofwyr l’a bouffé, d’ailleurs. »
Je voudrais tout te donner
« Enfin vous comprenez bien qu’après ça, moi, je pouvais pas me tirer comme ça comme un voleur. Je suis peut être pas son pote, mais au moins je sais des choses sur lui. Je sais au moins un peu ce qu’il faut dire et pas dire avec lui.
Je me suis dit, peut-être, je peux essayer de voir si l’ancien Aithne est toujours là. Peut être je peux essayer de rester un peu avec lui et de lui remonter le moral, puisque Mealla l’a balourdé.
Et puis c’est pas comme si j’étais pressé. On se comprend pour ça, hein, mon terrifiant Seigneur… »
Mais toi pourquoi ne me dis tu rien
Quel est-il ton grand secret
« Mais Aithne, ça a jamais été le genre bavard. Pas comme moi, vous allez dire, et vous aurez raison, je dois le dire. Enfin c’est sûr, on a jamais eu la même manière d’aborder les choses, tous les deux. Lui c’est le genre grand taciturne, et il préférerait subir encore le Rituel des Epines que demander de l’aide. Pour ça non plus, il a pas changé.
J’ai essayé de lui en parler un peu. De Glasgian, je veux dire. Oui, parce que vous vous vous en foutez de Glasgian, mais lui pas. Et il devrait, mais c’est pas le sujet. Il a esquivé. Alors j’ai tenté Mealla. Vous allez dire, je suis pas délicat, OK, mais je me suis dit que peut être s’il se réconciliait avec eux, même si c’est des cons…
Vous savez Aithne, il a toujours eu une certaine attirance pour les cons… ça m’a toujours tué, ça. Bon, et là vous direz que j’ai une attirance pour les mêmes cons, et je vous dirais que c’est vrai. Enfin, c’est plutôt en matière de connes qu’on est d’accord tous les deux. On se refait pas hein… »
Un secret d'homme je le comprends bien
« Enfin, non, y avait l’Humaine, là. Elle, elle était pas trop con.
Vous savez qu’il a toujours un portrait d’elle, après toutes ces années ? Je l’ai vu quand on est allé prendre l’apéritif dans la bibliothèque, après qu’il m’a fait faire le tour des jardins. Le contraste était assez frappant, parce que autant ses jardins sont très ‘Bois de Sang’ – en même temps, c’est normal, il s’en occupe lui-même – comme à peu près tout dans sa foutue baraque remplie de foutues antiquités malsaines, mais celui-là, ce portrait, il était pas comme ça. Une antiquité aussi, hein, mais celle là, elle est vraiment belle. Elle a l’air paisible, l’Humaine, et on a pas l’impression qu’elle va pourrir et crever dans l’instant.
Il m’a dit que la bibliothèque c’était son havre de paix. Bon, il m’a dit que c’était parce qu’il aimait lire. Mais quel crétin irait croire ça… Enfin, qu’il aime lire, ça je le crois, vaut mieux pour lui, on avait que ça à foutre pendant le Cinquième. Lire ou faire de la politique. Et la politique selon Aithne, ça a jamais été bien brillant. Mais non, c’est le coup de havre de paix.
C’est le portrait, qui l’apaise. Comme elle, elle l’apaisait. L’Humaine. »
Moi tu sais je peux te raconter
Combien l'oiseau est parti à regret
« Moi je vous dis, mon v… messire mon si puissant seigneur, c’est de ça qu’il a besoin. Il a juste besoin qu’on l’apaise. Il a besoin de quelqu’un qui panse ses blessures sans rien lui demander, sans le faire chier.
Pas quelqu’un comme moi. Quelqu’un qui sait pas. Quelqu’un qui connaît pas le Bois de Sang. Juste une fille qui se prend pas la tête.
Il a besoin d’une nana comme elle.
Elle lui prenait pas la tête, vous savez. Bon, je vous dirais pas qu’elle savait pas que c’était un Elfe du Bois de Sang, en même temps, c’était écrit sur leur gueule à cette époque, mais elle l’a jamais jugé pour ça. Et je l’ai jamais vu si bien.
Alors que Mealla, elle… Elle l’a appelé un peu après le déjeuner. Toujours au créneau la harpie. Je l’ai entendue le pourrir au téléphone, parce qu’il avait soit disant rien fait pour sortir ce petit merdeux de Glasgian. Si seulement elle savait, celle là.
Bon, d’accord, il a un peu abusé avec le coup des roses, elle pouvait pas savoir, mais quand même quoi… C’est pas une raison pour lui pourrir la vie.
Après on s’étonne qu’il soit devenu chiant… »
Le CD rame sur son vieux lecteur. Le silence tombe sur le bar, et l’homme s’arrête de parler en s’en rendant compte. Le barman peste et file un coup sur la machine rétive, relançant le CD plus où moins où ça devait. Enfin, c’est ce que tout le monde suppose, et de toutes façons, personne la connaît cette chanson.
« Elle va pas durer longtemps, son antiquité à lui… », marmonne l’Elfe avant de se concentrer sur sa bière.
Moi vois-tu je lui raconterais
Combien pour toi je sais qu'il a compté
Il sirote le liquide amer, ignorant l’impatience évidente de son interlocuteur. Il finit par reprendre après un court silence.
« Haaaaa, ça donne soif tout ça.
En fait, vous savez quoi, la bière, ça me rappelle Aithne. C’est l’amertume. Il a pas un mauvais fond, mais il est tellement amer que ça le rend désagréable.
Je dis ça parce qu’après s’être fait pourrir par Mealla, il est allé s’enfermer dans sa bibliothèque, et là, il était pas question d’écouter aux portes. Il y a passé l’après midi, enfermé dans ses enchantements. Et comme je vous le disais, je touche ma bille en magie, mais je peux vous assurer qu’on pourrait lancer l’arme atomique sur sa fichue baraque, la bibliothèque elle bougerait pas.
Je suis sûr que c’est le portrait.
Vous savez, c’est vraiment quelqu’un de fidèle, le vieux bougre. Je suis sûr qu’elle savait pas à quel point il l’aimait, son Humaine. Elle devait se dire qu’elle était une passade. C’est toujours ce que se disent les Humains qui sortent avec des immortels, non ? C’est pour ça qu’ils disent ces trucs stupides quand ils meurent. ‘Tu ne m’oublieras pas hein’ ? Non mais pour qui ils nous prennent ? Ils croient quoi, que le temps efface les blessures comme ça ?
En tout cas, chez Aithne, ça a rien effacé. C’est incroyable à quel point il vit dans le passé. Suffit de voir ses fichues antiquités, hein.
Vous voulez savoir ce que je pense ? Moi je pense qu’il est toujours en train de se punir, pour tous ses morts. Il se punit pour sa femme et son enfant qu’ont pas survécu aux rituels. Ils se punit pour les enfants qu’Aina lui a volés – comme si c’était de sa faute, hein. Il se punit pour le Bois de Sang, et pour le pêché d’Alachia.
Et il se punit parce qu’il l’a laissée mourir, son Humaine. Je vous le donne en mille. »
C'est l'oiseau que tu aimais
L'oiseau jaloux je l'ai deviné
« Et puis vous voulez savoir le pire dans l’histoire ? Il se punit pour Aina.
Je veux dire, il sait que je la connais bien. Et le soir, j’avais pas mal picolé. Vous savez, pour le dérider. Y a rien de meilleur qu’une bonne picole et une tridéo bien naze pour passer une bonne soirée.
Il a eu quinze fois l’occasion d’en profiter, de me faire parler d’elle pour lui faire du mal. Elle lui en a fait tellement, vous savez…
Enfin, c’est pas à moi de m’en mêler, comme je vous le disais, on est accro à la même dope tous les deux, alors je vais pas me saborder.
Vous allez me dire, c’est son con d’honneur d’Elfe, tout ça, tout ça – ha oui, j’oubliais, pardon, les Elfes de Sang n’ont pas d’honneur, bref, on s’en fout. C’est possible, mais c’est pas tout. Parce que quand il s’est endormi, vous savez qui il a appelé ? Il a appelé Aina.
Vous savez pourquoi il se punit, Aithne ? Il se punit parce qu’il l’aime toujours. Ces deux là, ils ont été élevés ensemble. Ils se sont toujours aimés. Ça a juste jamais été le bon moment, ça a jamais été la bonne période. Il y a toujours eu quelque chose entre eux.
Maintenant, ce qu’il y a entre eux, c’est la haine.
C’est foutu pour eux, vous savez…
Je crois qu’Aithne arrêtera jamais de se punir. »
Si jamais il revenait
Je lui dirais que tu l'attendais
L’Elfe se leva.
« Mais je manquerai pas de vous le dire si jamais le vieil Aithne redevient ce qu’il était. Parce que c’est de l’ancien Aithne que vous avez besoin, hein, terrible Seigneur ?
Alachia n’a rien à faire d’un jouet brisé, et vous le savez… »
Il s’inclina face à son interlocuteur.
« Si vous voulez l’humble avis de Caimbeul Har’lea’Quinn, Chevalier de l’Aiguille Ecarlate, ce n’est pas par Aithne Boisdefer que vous obtiendrez vous revanche sur la Reine des Roses, Seigneur Alamais… »
Sur ces mots, Harlequin quitta la pièce, laissant le dragon une fois de plus furieux et frustré.
![[personal profile]](https://www.dreamwidth.org/img/silk/identity/user.png){kind=small}
no subject
Date: 2008-08-14 08:06 am (UTC)J'avais raison : Alamais ! Le seigneur du Bois du Wyrm !
Et Harlequin est capable d'être aussi sérieux, d'un autre côté devant un dragon...
Pauvre petit émo d'Aithne !
J'ai adoré cette fic, mon coeur de fangirl a piouné et couiné...
Merci beaucoup !
Azmé
no subject
Date: 2008-08-25 08:53 am (UTC)Pauvre Aithne qu'a passé tout le sinquième âge à bouquiner... Ce devait être d'un ennui...
Après avoir lu les aventures d'Aina je comprend vraiment mieux et c'est encore plus triste et encore plus terrible et ça fait couiner mon coeur de fangirl.
Azmé, la fangirl.
no subject
Date: 2008-08-28 08:48 pm (UTC)Vriss